Vingt ans, dit-on, c’est le bel âge. Mais, pour l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), né en 2002, le cap des deux décennies va de pair avec un important défi concernant les ressources humaines, lié à la démographie très particulière de cet organisme. « Par définition, explique Dominique Garcia, son président, la majorité de nos archéologues ont été embauchés au même moment, à la création de l’Inrap. Toute une génération est arrivée sans qu’il y ait de recrutement lissé dans le temps. Nous avons donc un personnel “vieillissant”, c’est une réalité. » La pyramide des âges des quelque 2 300 agents n’est pas du tout pyramidale ; elle évoque plutôt un as de carreau avec une bosse fort proéminente entre 50 et 55 ans, ce qui pose un double problème.
« Un de mes collègues a l’habitude de dire qu’un archéologue qui part à la retraite, c’est une bibliothèque qui brûle…» Séverine Hurard, archéologue
On qualifiera le premier de « sanitaire » car archéologue est un métier usant physiquement, qui se pratique en extérieur en toutes saisons. « On est loin de l’image d’Epinal de l’égyptologue qui fouille avec un petit pinceau, assure Séverine Hurard, archéologue à l’Inrap mais aussi secrétaire générale du Syndicat général des personnels du service public de l’archéologie (SGPA-CGT). Même si on trouve des solutions mécaniques et que nous ne sommes plus complètement des terrassiers, archéologue c’est quand même beaucoup pelle, pioche et brouette. » D’où la multiplication de troubles musculo-squelettiques à partir de 40 ans, des tendinites à répétition, des problèmes de genoux et de dos, avec en particulier des hernies discales, même si l’institut dispense à ses agents des messages de prévention et un équipement adapté, à l’image de ce qui se fait dans le BTP.
Transmettre entre briscards et bleubites
Le second problème, lié à la moyenne d’âge élevée des personnels de l’Inrap, concerne les départs à la retraite. « Ils vont commencer à être très nombreux d’ici quatre à cinq ans et cela va culminer dans dix ans », prophétise Séverine Hurard, qui craint « un problème de transition générationnelle. Beaucoup de compétences risquent de disparaître par manque de transmission. Un de mes collègues a l’habitude de dire qu’un archéologue qui part à la retraite, c’est une bibliothèque qui brûle… »
« Il faudrait faire en sorte que les plus vieux et les plus chevronnés transmettent avant de partir, ajoute Séverine Hurard, et que l’on instaure une période de bilan pendant laquelle on formerait les plus jeunes. » Transmettre les savoirs, mais aussi le savoir-faire. Car l’archéologie n’est pas qu’une question de connaissance et de technique, c’est aussi une discipline d’intuition, de sensibilité au terrain. « Avec de l’expérience, on est tout de suite capable de distinguer un fossé ou un puits à partir d’une légère différence de couleur du sol ou de texture de sédiment, c’est un peu comme si on avait des superpouvoirs, s’enorgueillit presque Séverine Hurard. Cela ne s’apprend pas dans les livres, mais sur le tas, en équipe. » Un jeune archéologue, conclut-elle, « c’est comme un petit chat qui apprend à se laver, il faut que quelqu’un lui montre comment faire ».
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