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La Suède manque de supermarchés, les boutiques mobiles prospèrent

Une boutique de la chaîne Lifvs. [Lifvs/Facebook]
Des magasins mobiles fleurissent en Suède pour contrer le "désert alimentaire" / Tout un monde / 4 min. / le 6 novembre 2020
Le phénomène des magasins mobiles gagne du terrain en Suède, pays où le nombre de supermarchés est en chute libre. La recette: des boutiques transportables, ouvertes 24h sur 24, sans personnel de vente mais avec identification et paiement par téléphone portable.

Au milieu des années quatre-vingt, la Suède comptait 8500 supermarchés. Aujourd’hui, ils sont moins de la moitié. Le phénomène, baptisé aussi "désert alimentaire" aux Etats-Unis, touche toute l’Europe, mais n’est pas une fatalité.

Le Suédois Daniel Lundh, créateur de la start-up Lifvs, a mis au point un concept de boutique entièrement mobile, sans personnel, où l’on accède grâce à une application et où l’on paie avec son téléphone portable. Il y en a déjà vingt dans tout le pays, et il s’en ouvre une toutes les deux semaines.

Les boutiques Lifvs ressemblent à un mobile-home de camping, de 3 mètres sur 9, avec une grande baie vitrée qui laisse voir des rayonnages et des armoires réfrigérées, comme dans un vrai supermarché. Et comme il n’y a personne derrière la caisse, pour ouvrir la porte, il faut sortir son téléphone.

Plus de 500 produits

"Pour entrer ici il faut s’identifier sur l’application", explique Domenica, manager de trois magasins dans le comté de Stockholm. "Vous cliquez l’icône de la porte pour l’ouvrir puis sur l’icône commencez vos achats. Quand vous entrez sur la droite vous avez les produits d’entretien, les snacks, ensuite les produits laitiers, les œufs, les jus. Puis des légumes, toutes les viandes, des glaces, des pizzas… J'ai en tout 510 articles différents", détaille la responsable.

Les distributeurs automatiques de nourriture, comme les boutiques sans caissier, n'ont rien de très nouveau. Mais la solution proposée par Lifvs se distingue sur deux aspects. La boutique peut être transportée à l’arrière d’un camion et posée n’importe où, en fonction de la demande. Mais elle est aussi semblable à un véritable supermarché, dans lequel on entre, et où l’on trouve de tout.

"Quand on vit dans une grand ville, il est difficile de s’imaginer ce que c’est de vivre dans une petite ville où ils avaient une épicerie, et qui a fermé", rappelle Daniel Lundh. "Donc quand on arrive, on est reçu les bras grands ouverts. On travaille avec les mairies dans toute la Suède. Elles nous appellent pour nous dire: 'hé, ici on a besoin de vous!'"

Mais Lifvs n’est pas présente seulement dans les zones rurales, avec deux boutiques à Uppsala, la quatrième ville de Suède, sur un campus étudiant. "Les étudiants ont besoin de nourriture, mais ils n’ont pas de voiture", souligne Daniel Lundh.

Coûts de fonctionnement réduits

Pour l'organisation, un seul manager peut gérer jusqu’à cinq boutiques, en allant de l’une à l’autre pour réapprovisionner les rayons et faire l’inventaire. Les coûts de fonctionnement sont donc réduits, ce qui a permis d’installer ces mini-supermarchés dans des endroits où les autres avaient fermé, et avec des prix similaires. Et pour ceux qui viennent dans ce Lifvs de Balsta, à 40 km de Stockholm, cela répond effectivement à un besoin :

"Ici, je fais le complément de mon shopping ordinaire. Je ne fais pas la queue. Je n’ai pas besoin de me garer dans des endroits où il y a beaucoup de monde, surtout en ce moment avec le coronavirus", explique une cliente.

"Moi, je viens juste acheter de la farine, j’habite à côté. Quand vous êtes en train de cuisiner et qu’il vous manque juste un ingrédient, c’est plus facile de venir ici plutôt que de prendre la voiture et d’aller au supermarché", raconte un autre client.

Le vol, pas plus qu'ailleurs

A voir ces clients qui entrent et sortent comme ils veulent de la boutique, à toute heure du jour ou de la nuit, on pourrait penser que le vol à l’étalage est une menace bien réelle. Mais Daniel Lundh l’assure: les pertes dues au vol dans ses boutiques ne sont pas plus élevées que dans celles qui ont des employés permanents à la caisse. Et quand des vols sont avérés, le système de vidéo-surveillance additionné à l'identification des clients permet de retrouver le coupable, et de le contacter en cas de récidive.

"Quand c’est arrivé, les gens ont eu tellement honte qu’ils ont payé tout de suite en s’excusant. Dans les endroits où nous sommes, la plupart des gens se connaissent et personne ne veut être cette personne qui vole tellement dans la boutique qu’il faut la déplacer ailleurs", note Daniel Lundh.

En Suède, Lifvs a l’ambition d’ouvrir des centaines de boutiques mobiles. Le pays est en effet immense, et 30% de sa population vit encore dans des villes de moins de 10'000 habitants.

Frédéric Faux/kkub

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