Crise des opioïdes : un « deal » à 26 milliards de dollars aux Etats-Unis

Accusés d'avoir alimenté la crise des opiacés qui ravage les Etats-Unis, le laboratoire Johnson & Johnson et trois gros distributeurs américains de médicaments ont accepté de payer 26 milliards de dollars pour solder des milliers de litiges, a annoncé mercredi la procureure de l'Etat de New York.

image

La guerre des Etats-Unis contre les opioïdes est loin d'être terminée. Le nombre record d'overdoses (plus de 93.000) enregistré l'an dernier l'a tristement rappelé. Mais les laboratoires qui ont massivement produit les anti-douleurs responsables d'addictions chez des centaines de milliers d'Américains sont en passe de solder leurs différends. A commencer par Johnson & Johnson qui, avec trois gros distributeurs de médicaments, a accepté de régler 26 milliards de dollars pour arrêter les poursuites dont ils sont l'objet.

Le laboratoire américain a accepté de payer 5 milliards sur neuf ans, et les distributeurs McKesson, Cardinal Health et AmerisourceBergen 21 milliards sur 18 ans, avec l'espoir de solder près de 4.000 actions en justice intentées par des dizaines d'Etats américains et collectivités locales.

Johnson & Johnson sous surveillance

La procureure de l'Etat de New-York, Letitia James, a salué un « accord historique », même si celui-ci doit encore obtenir le feu vert des plaignants. Mercredi, en plus de l'Etat de New York, six autres Etats ont indiqué avoir accepté l'accord : la Caroline du Nord, le Connecticut, le Delaware, la Louisiane, la Pennsylvanie et le Tennessee. Ils devraient être suivis par sept autres, engagés dans la rédaction de l'accord, dont la Floride, la Géorgie, le Texas et la Californie.

S'il se confirme, l'accord sera le plus important de l'épique bataille juridique engagée par les Etats et collectivités pour faire payer les entreprises accusées d'avoir produit et promu les médicaments opiacés, ou fermé les yeux sur leur surconsommation.

Avec cet accord, Johnson & Johnson devra cesser de commercialiser des opioïdes, ne pourra pas financer un tiers pour en faire la promotion et ne pourra exercer aucun lobbying lié aux opioïdes. Tous les salariés du laboratoire seront aussi surveillés et ne pourront être associés de près ou de loin à la prescription de ces médicaments. Quant aux distributeurs, ils devront en outre partager leurs données avec une autorité indépendante.

« Nous reconnaissons que la crise des opioïdes est un sujet de santé publique complexe et nous avons une profonde sympathie pour tous ceux qu'elle touche, a réagi Michael Ullmann, vice-président exécutif de Johnson & Johnson, qui tente de faire amende honorable depuis le début des procès. Cet accord soutiendra directement les efforts des Etats et des autorités locales pour faire des progrès sensibles dans cette lutte. » Les fonds seront notamment utilisés pour financer des campagnes de prévention et des programmes de désintoxication

500.000 morts en 20 ans

Aussi historique soit-il, l'accord ne mettra pas un terme aux batailles judiciaires sur les opioïdes. D'autres laboratoires sont poursuivis, comme Teva, Allergan, EndoHealth Solutions ou Purdue, dont le médicament OxyContin a été le plus prescrit durant des années. Les grandes chaînes de pharmacies américaines ne sont pas concernées non plus. Purdue s'est récemment placé sous le régime des faillites, mais le Département de la Justice le soupçonne d'avoir échafaudé son plan pour échapper aux poursuites.

La crise des opioïdes, déclenchée par la sur-prescription de médicaments antidouleur très addictifs tels que l'oxycodone dans les années 1990, puis par leur promotion incisive, a fait plus de 500.000 morts par overdose aux Etats-Unis depuis 20 ans. Elle a généré un vaste marché de substances opiacées illicites et très puissantes, comme le fentanyl, 50 fois plus puissant que l'héroïne. Et elle a tendance à toucher toutes les catégories de population.

Lire aussi :