La grève des transports n’a pas eu raison des salles de concert parisiennes

Désertes pendant la grève des transports, les salles de concert ? Même sans métro, les spectateurs parisiens ont réussi à atteindre l’Élysée Montmartre ou le Trabendo. Pas de baisse de fréquentation dramatique sauf pour les plus petites salles qui ont peiné à remplir.

Par Jean-Baptiste Roch

Publié le 19 janvier 2020 à 12h01

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 00h33

Le pire a été évité ! Les salles de concerts parisiennes, petites ou grandes, ont connu une baisse de fréquentation moins importante qu’elles pouvaient le craindre, même si le constat varie évidemment d’un endroit à l’autre, à commencer par le taux de no-show [personnes ayant acheté un billet en prévente mais qui ne sont pas venues au concert, ndlr]. À l’Élysée Montmartre (1 400 places) et au Trianon (1 000 places), dans le 18e arrondissement de Paris, « les concerts du mois de décembre ont connu un taux de no-show entre 10 et 12 % », relate Cristelle Gioanni, responsable de la communication des deux salles. « C’est plus que les 6 à 8 % habituels », mais cinq dates étaient complètes en décembre, donc pas de défaut de billetterie à regretter. D’autant qu’à la différence d’autres salles, l’Élysée Montmartre et le Trianon ne font que louer leur lieux à des producteurs de concerts. Or aucune annulation n’est à déplorer depuis le début de la grève.

Ce qui n’est pas le cas par exemple du Point Ephémère, dans le 10e arrondissement, qui a vu la première partie d’un concert annulée, ainsi qu’un spectacle de danse reprogrammé ultérieurement. Toutefois, la petite salle (300 places) du bord du canal Saint-Martin n’a pas tant souffert de concerts dépeuplés que de la désertion de son espace bar-restaurant-expositions. « Nous sommes un lieu de vie et de ce point de vue-là, la fréquentation s’est écroulée. Car la vie sociale est morne, sans métros les gens ne se déplacent plus », constate amer David Suchestow, directeur de la communication. « Surtout le week-end, où l’on a fait nos plus mauvais scores depuis des années. »

Autre lieu à avoir connu une annulation : la Maroquinerie, au soir du premier jour de grève, le 5 décembre. « Les musiciens ont eu des problèmes pour venir, et le producteur craignait que la salle soit vide », explique Paul Ciamporciero, responsable communication et billetterie. Le lendemain, le concert était complet. Hormis cet incident, la salle (500 places) du 20e arrondissement de Paris, pourtant perchée en haut de la côte de Ménilmontant, n’affiche aucune baisse sensible de fréquentation. Même les no-show restant dans la moyenne (5-10 %). En revanche, les employés ont remarqué un nombre bien plus important de scooters et vélos garés devant la salle chaque soir, et la consigne déborde de casques et d’affaires en tout genre. Ce qui prouve que le public a trouvé des moyens de se déplacer. Au Trabendo (700 places), salle nichée dans le parc de la Villette, comme au Bataclan (1 700 places), au cœur de Paris (11e), pas de baisse notoire de fréquentation non plus. Les no-show, ici, ont par contre légèrement augmenté, entre 10-15 %. « Les soirs complets, sur 700 billets vendus, on avait en moyenne 100 personnes absentes. Cela ne se voit pas en soi, mais ce sont quand même autant de consommations en moins au bar », précise Antoine Thomas du Trabendo. Pour beaucoup de lieux, là réside le manque à gagner.

Mais parmi les petites salles de la capitale, l’Espace B (180 places), située dans un coin calme du 19e arrondissement, reste sans doute le lieu qui a le plus souffert. Sur 16 concerts en décembre, la salle a subi 4 annulations – souvent des groupes de Paris, pour qui les déplacements étaient très compliqués. Et pour ceux qui se sont tenus, « là où on espérait 30 ou 45 personnes minimum, on a compté 15 spectateurs », se désole Vincent Cuny, responsable de la programmation. L’économie précaire du lieu tient à la nature même de sa programmation, centrée sur des groupes en développement, peu connus, que le public vient voir souvent sur un coup de tête, pour faire des découvertes. La localisation de l’Espace B, isolé entre le canal de l’Ourcq et la station de métro Corentin Cariou, a également joué. Après sept semaines de grève, le manque à gagner est conséquent, même si Vincent Cuny espèrer une embellie : « Janvier a très bien commencé, on sent que les gens ont envie de sortir, pour reprendre une vie sociale. »

Dans les grandes salles de la capitale, la situation est loin d’être aussi compliquée. Au Zénith (6 800 places), porte de Pantin, la fréquentation a été forcément impactée mais dans des proportions raisonnables si l’on en croit Lily Fisher, la directrice déléguée : « La semaine du 5 décembre, le nombre de no-show était de 15-17 %, soit dix points au-dessus de la normale pour nous, mais depuis tout est rentré dans l’ordre. » Mais pour le début 2020, elle admet toutefois un fléchissement sérieux dans les réservations : « On ressent une nette baisse sur les spectacles de janvier et février, où le public achète moins de billets de peur de ne pouvoir accéder à la salle.» Jusqu’ici, et comme partout, les spectateurs se sont organisé, privilégiant la voiture ou le vélo, quitte parfois à arriver en retard. « On a donc repoussé l’heure du début pour certains concerts ». Idem pour les salles voisines de la Philharmonie (2 400 places pour la salle Pierre Boulez, 900 et 250 pour la Philharmonie), où tous les concerts ont été honorés. Lors des deux derniers jours de mobilisation (jeudi 9 et jeudi 16 janvier), certains personnels techniques ont fait grève. « En conséquence, l’éclairage était simplement moins travaillé », pointe Hugues de Saint-Simon, « et l’orchestre, par solidarité, a joué en civil ». Quant à l’éternel taux de no-show, il était de 20-30 % en décembre, contre 15-20 % depuis début janvier, avec une pointe à 50 % sur un concert à prix réduit. L’impact est globalement jugé « faible » par la direction, qui pointe en revanche une chute importante sur la fréquentation des expositions Chaplin, l’homme-orchestre, et Pierre et Gilles, la fabrique des idôles. « Sur les deux, elle a baissé de moitié ».

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