Ces 24 heures qui ont tué les dinosaures : l’incroyable récit d’un cataclysme

L’analyse des roches dans le cratère de Chicxulub au Mexique explique ce qui s’est passé après l’impact d’une météorite géante, il y a 66 millions d’années.

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C’est un scénario de film catastrophe qui dépasse tout ce que pourrait imaginer Hollywood que vient de publier une grande collaboration internationale dans les Comptes rendus de l’académie américaine des sciences (PNAS). Les chercheurs expliquent en détail comment une météorite géante a pu entraîner la disparition des dinosaures, en s’écrasant sur la pointe du Yucatan au Mexique il y a 66 millions d’années. Un cataclysme qui a laissé l’immense cratère de Chicxulub, de 180 km de diamètre, et qui a surtout marqué la fin du crétacé et provoqué la disparition brutale de trois quarts des espèces vivantes sur la planète.

Les grandes lignes de ce scénario étaient à peu près connues depuis le début des années 1980, mais les scientifiques sont désormais capables de décrire avec une très grande précision ce qui s’est passé après l’impact, presque minute par minute pendant les 24 premières heures. Grâce à un budget qui s’élève à environ 10 millions de dollars, les scientifiques ont pu forer une carotte de roche de 130 mètres d’épaisseur, en mer, au cœur du cratère lui-même.

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«Cet empilement de roches est comme un livre ouvert, dont l’analyse nous permet, couche par couche de comprendre ce qui s’est passé après la collision,» explique Ludovic Ferrière, conservateur de la prestigieuse collection de météorites du Musée d’histoire naturelle de Vienne (Autriche), expert des cratères d’impact et coauteur de la découverte.

«L’onde de choc est tellement forte que les roches se comportent comme un fluide, et après l’effondrement elles rebondissent vers le haut, et créent une montagne au centre du cratère, recouverte de roches en fusion»

Sean Gulick, géophysicien à l’université du Texas à Austin

Dans cette partie centrale du cratère où a eu lieu le forage, la structure des roches donne des informations précieuses. «L’impact d’un astéroïde de 12 km de diamètre a eu une énergie équivalente à 10 milliards de fois celle de la bombe atomique d’Hiroshima, vaporisant et éjectant les roches présentes, et creusant instantanément un trou de 100 km de diamètre et de 30 km de profondeur!» raconte Sean Gulick, géophysicien à l’université du Texas à Austin, et premier auteur de la publication.

Mais ce premier cratère est très éphémère, et ne dure que quelques secondes. «L’onde de choc est tellement forte que les roches se comportent comme un fluide, et après l’effondrement elles rebondissent vers le haut, et créent une montagne au centre du cratère, recouverte de roches en fusion,» poursuit le scientifique américain. Le phénomène est soupçonné depuis des années, notamment grâce aux cratères sur la Lune, qui sont composés d’un périmètre montagneux et comportent un pic central au milieu d’une plaine très lisse.

Le cratère se remplit d’eau

Comme il a lieu en mer, l’impact lève immédiatement un mur d’eau qui a pu atteindre 1500 mètres de haut, d’après une étude publiée en début d’année. La vague s’étale ensuite et le tsunami va frapper rapidement l’ensemble de la planète, avec une énergie 2500 fois supérieure à celle du tsunami qui ravagea l’Indonésie en 2004. En s’aplanissant, le cratère se remplit d’eau, et des phénomènes explosifs apparaissent par endroits, là ou l’eau rencontre de la roche en fusion.

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Les géologues voient aussi les traces du retour de ce tsunami plusieurs heures après l’impact, grâce à des roches au grain plus grossier qui portent des traces de sols terrestres et qui sont recouvertes d’une couche de charbon. «Il s’agit très probablement des traces des incendies qui ont ravagé le golfe du Mexique et toute la région pendant les 24 premières heures, sous la chaleur intense émise par l’impact lui-même, décrit Sean Gulick. Mais il a aussi dû y avoir des feux de forêt épars sur l’ensemble de la planète, à cause des roches en fusion éjectées par la collision qui sont retombées à des milliers de kilomètres.»

«Dans l’ensemble, ces analyses confirment le scénario qu’on soupçonnait, mais nous avons tout de même eu une grosse surprise»

Ludovic Ferrière

«Dans l’ensemble, ces analyses confirment le scénario qu’on soupçonnait, mais nous avons tout de même eu une grosse surprise», commente Ludovic Ferrière. «Nous n’avons trouvé que très peu de soufre dans le carottage, alors qu’on sait que l’impact a eu lieu dans des roches qui étaient riches en sulfate. On pense que c’est la preuve que tout ce soufre a été vaporisé lors de l’impact, et a été injecté dans l’atmosphère.»

Ce résultat est très important, car les scientifiques pensent que ce soufre est le principal responsable de la disparition des dinosaures, en provoquant un refroidissement brutal de la planète. «Toute la Terre a été entourée d’une épaisse brume soufrée, qui a opacifié l’atmosphère, réduit la capacité de photosynthèse des plantes et entraîné une chute brutale des températures,» décrit Sean Gulick. «On sait qu’au moins 300 milliards de tonnes de soufre ont été volatilisées, or avec 100 milliards de tonnes seulement, les modèles prévoient un refroidissement global d’au moins 25 °C!» Un effet qui a provoqué des températures en dessous de zéro pendant plusieurs années de suite, et n’a laissé aucune chance à la majorité de la faune de l’époque.