Ils provoqueraient des « effets dévastateurs » tels que « boutons, malaises, respiration [difficile] » ; rendraient le sang acide et pourraient provoquer des pneumonies. Les masques, devenus obligatoires en intérieur ainsi qu’en extérieur dans certaines métropoles, comme Paris ou Lyon, seraient-ils un remède pire que le mal ?
Les messages de ce type, déjà présents sur les réseaux sociaux à la fin du printemps, ont redoublé de popularité depuis la rentrée – alors que des législations nouvelles imposent le port du masque –, portés par des discours contestataires fortement médiatisés, comme celui du pneumologue lyonnais Patrick Bellier – convoqué par l’ordre des médecins du Rhône pour avoir tenu un discours antimasque auprès de ses patients et à la télévision.
Qu’en est-il réellement de leurs supposés effets néfastes ? « Il y a comme souvent beaucoup d’exagérations et un fond de vérité », avertit son homonyme Alexandre Bellier, assistant hospitalo-universitaire au CHU Grenoble-Alpes et vice-président de l’association de veille scientifique sur le Covid-19, Bibliovid.
Acné, maux de tête, sécheresse oculaire…
Vrai
Le port prolongé du masque peut entraîner un certain nombre de problèmes, allant des manifestations dermatologiques mineures (rougeurs, acné) à des effets plus incommodants (maux de tête et, dans de plus rares cas, troubles de la concentration).
A ce stade, ils restent toutefois peu documentés dans la littérature médicale. « Un article scientifique en particulier rapporte ce type d’inconvénients chez des soignants qui portent le masque toute la journée, explique Alexandre Bellier. Toutefois, le niveau de preuve reste assez faible et il manque de larges études bien conduites pour pouvoir avoir une meilleure idée de la fréquence de ces effets indésirables. »
Les yeux seraient également exposés à des effets secondaires non désirés. « Le risque qui est documenté est celui de l’infection oculaire, avec des irritations des paupières ou des conjonctivites, souvent quand le masque est mal porté ou trop longtemps, rapporte Gilles Dixsaut, médecin de santé publique spécialiste en physiologie respiratoire, président du comité francilien de la Fondation du souffle. D’où l’intérêt de faire une formation sur l’utilité de bien porter son masque. »
- Le masque est problématique pour les personnes asthmatiques
Les spécialistes sont partagés
Il s’agit d’une autre affirmation récurrente des personnes qui refusent le port du masque. Les avis sur le sujet sont partagés.
Membre de la Société de pneumologie de langue française (SPLF), la professeure Claire Andrejak, du CHU d’Amiens, assure ainsi à Libération que le masque ne provoque pas d’« inconfort manifeste, y compris chez les patients insuffisants respiratoires sévères », et en recommande le port plutôt que celui de la visière, bien moins efficace. « L’asthme n’est pas une cause de dérogation au port du masque grand public. Même s’il est parfois ressenti comme gênant, il ne peut pas occasionner de symptômes respiratoires particuliers chez les asthmatiques », corrobore l’association Asthme et allergies.
Gilles Dixsaut se montre plus mesuré : « Les asthmatiques ont une obstruction respiratoire et le masque constitue une obstruction supplémentaire. Il ajoute un facteur de plus à leur handicap. » Le spécialiste en physiologie respiratoire évoque des désaturations plus rapides lors des tests à l’effort, des crises d’asthme, ainsi que des victimes de pathologies respiratoires sévères qui rechignent à se rendre à l’hôpital, faute de supporter le port du masque. Faut-il le contre-indiquer pour autant ? Non, tempère le membre de la Fondation du souffle, rappelant son utilité prouvée, en tout cas en intérieur, et le besoin de protéger les personnes souffrant déjà de problèmes respiratoires.
- Le masque favoriserait la prolifération des microbes
Faux
« Ce masque soi-disant barrière est devenu un piège à microbes, à virus (y compris le Covid) et à parasites… », peut-on lire sur Facebook. En retenant l’air exfiltré dans ses mailles, il coincerait son hôte dans une bulle remplie de ses propres miasmes fourmillant de bactéries et de virus, créant ce que certains appellent un « cycle infectieux ». Un raisonnement inutilement anxiogène, estime Gilles Dixsaut, tout en rappelant qu’un masque réutilisable doit être régulièrement lavé :
« Les poumons et les bronches ne sont pas des milieux stériles, il y a à l’intérieur tout un microbiote qui constitue un équilibre. Les bactéries que vous expirez viennent de ce microbiote. »
La thèse du bouillon de culture microbien ne tient tout simplement pas, affirme Gérard Lina, président de la Société française de microbiologie : « La température du masque est environ à 25 °C, alors que celle du corps est de 37 °C. Les bactéries et virus qui infectent l’homme se multiplient beaucoup mieux à 37 °C qu’à 25 °C. Les masques chargés de gouttelettes expirées ne constituent pas un bon bouillon de culture. »
Dans un registre proche, des publications reprochent au contraire au masque de couper son porteur des microbes extérieurs, et, faute de stimulation, accusent le filtre antivirions d’affaiblir le système immunitaire. « Aucune explication claire n’est donnée pour expliquer ce lien, et, là encore, aucun argument scientifique ne vient appuyer cette hypothèse », rejette l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).
- Les masques font chuter le taux d’oxygène dans le sang
Faux
L’idée est née dès le printemps : les protections faciales altéreraient les capacités respiratoires et provoquerait des carences en oxygène, ou hypoxie.
Ces inquiétudes persistantes sont infondées. « Ils ne peuvent pas générer une hypoxie. Pour cela, il faudrait que le masque soit hermétiquement collé à notre peau. Ce que limite les masques de protection, c’est l’entrée de molécules plus grandes », expliquait, dès mai, le docteur Emilio Herrera, professeur de physiopathologie à l’université du Chili, à Santiago, interrogé par l’Agence France-Presse (AFP).
« Les masques, notamment chirurgicaux, sont conçus pour être portés pendant une durée de plusieurs heures par les professionnels de santé, sans entraver leurs capacités à travailler ni altérer leurs capacités respiratoires », rappelle l’Inserm. Il n’existe donc pas de risque avec les masques homologués.
- Ils provoqueraient des intoxications au CO2
Faux
C’est une rumeur tenace sur les réseaux sociaux, déjà démontée par l’AFP. Les masques, en empêchant l’air respiré d’être expulsé, amèneraient leur porteur à s’intoxiquer avec ses propres rejets de dioxyde de carbone. Cet air que l’on expire ne deviendrait-il pas toxique, à force de le rerespirer à cause du masque ?
« C’est une ânerie, balaie Gilles Dixsaut. Respirer son propre C02, c’est ce qu’on fait en permanence : quand vous expirez, vos bronches sont remplies de l’air que vous avez déjà respiré. Avec un masque, on rajoute quelques millilitres, mais cela ne change strictement rien à la physiologie respiratoire. »
Contrairement à une fabrication artisanale, qui par définition ne suit pas forcément de cahier des charges strict, les masques respectant la norme Afnor sont spécifiquement conçus pour permettre de respirer normalement, malgré ce que la sensation de chaleur et d’humidité peut faire croire. « Si certaines personnes peuvent se sentir gênées par le fait de porter un masque, c’est par manque d’habitude : ces protections sont développées de manière à laisser passer l’oxygène dans l’organisme. Le risque d’une intoxication au CO2 n’est aucunement avéré », corrobore l’Inserm, qui évoque un mélange de « craintes et de désinformation ».
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