Maroc : le bilan contrasté des vingt années de règne de Mohammed VI

Politiquement stable, le pays qui fête mardi l’accession du roi au pouvoir souffre de graves disparités sociales.

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Le premier souci d’une famille royale est de durer, ce qui contraint chaque héritier à adapter son règne à la réalité de son temps. À cette aune, Mohammed VI, qui a été couronné le 30 juillet 1999, n’a pas failli, et la dynastie alaouite demeure, en sa personne et celle de son fils, Molay Hassan, aujourd’hui âgé de 16  ans, toujours fermement installée aux commandes du Maroc.

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Mardi soir, lors de son discours à la nation, Mohammed VI devra toutefois trouver les mots à la hauteur de cette Fête du trône particulière, en ce 20e anniversaire de son arrivée à la tête du royaume. Il lui faudrait envoyer des signes pour calmer les revendications sociales et les critiques sur ses absences prolongées et le train de vie de la famille royale. Reste que son pays de 35 millions d’habitants bénéficie d’une stabilité que pourraient lui envier ses voisins du continent africain. Et d’une relativement bonne santé économique. Mohammed VI, qui a rompu avec l’autoritarisme de son père, est parvenu à attirer les investisseurs étrangers, en multipliant les plans d’industrialisation et les vastes équipements routiers, portuaires et aéroportuaires.

Mouvements de protestation

«Pour continuer à avancer, nous avons besoin de cohésion sociale, c’est crucial»

Le conseiller du roi, Omar Azziman

Mais tous les Marocains ne s’y retrouvent pas. Nombreux sont ceux qui cherchent à émigrer. Les mouvements de protestation dans les régions défavorisées du Rif (nord) ou de Jerada (nord-est) ont également souligné, en 2017 et 2018, l’importance du malaise social qui mine l’unité nationale. La parade du pouvoir fut la répression et de très sévères peines de prison. Aujourd’hui, une véritable réponse doit suivre. Dans un entretien à l’Agence France-Presse, le conseiller du roi, Omar Azziman, n’en a pas fait mystère: «Les bienfaits du développement réalisé pendant ces 20 années n’ont pas bénéficié à tout le monde. Nous avons un mécontentement, nous n’arrivons pas à trouver des emplois pour nos jeunes, nous avons des régions trop déshéritées. Pour continuer à avancer, nous avons besoin de cohésion sociale, c’est crucial.»

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Pour l’heure, «M6» a survécu aux vents révolutionnaires des printemps arabes de 2011, en pilotant une réforme constitutionnelle qui a renforcé les prérogatives du premier ministre. On a ainsi assisté ces dernières années à un bras de fer entre le PJD, le Parti de la justice et du développement, proche des Frères musulmans, et le Palais, qui est responsable des secteurs régaliens - défense, sécurité intérieure et affaires extérieures. Le roi, qui est commandeur des croyants, est parvenu à contenir les visées de l’islam politique. Et face aux terroristes, le combat n’a pas cessé depuis les attaques de Casablanca (33 morts en 2003) et de Marrakech (17  morts en 2011). Samedi dernier encore, la police annonçait le démantèlement à Tanger d’une «cellule terroriste» et l’arrestation de ses cinq membres accusés d’être liés à l’État islamique (EI).

Au moment où la Tunisie entre dans un cycle électoral inédit et où l’Algérie connaît de nouvelles convulsions révolutionnaires, le Maroc et son roi ont le don de rassurer de ce côté-ci de la Méditerranée. Mais l’inquiétude est plus grande au sein du royaume.