Grand patron, directeur de l’ENA (Ecole nationale d’administration), mais aussi ministre sous François Mitterrand : Roger Fauroux avait occupé les plus hautes fonctions jusqu’à l’orée des années 1990. Par la suite, cet intellectuel pragmatique a continué de peser dans la vie publique à travers ses combats pour réformer l’école, l’Etat ou la politique du logement. « C’était un grand monsieur dans tous les sens du terme, souligne Bernard Spitz, ancien président de la Fédération française de l’assurance, qui a coécrit plusieurs ouvrages avec lui. Sa ligne de force était un humanisme profond lié à sa foi catholique ». Roger Fauroux s’est éteint vendredi 16 juillet, à Paris, l’âge de 94 ans.
Né le 21 novembre 1926 à Montpellier, l’ancien élève de l’Ecole normale supérieure (lettres classiques), agrégé d’allemand et licencié en théologie, inspecteur des finances, avait rejoint en 1961 la Compagnie de Pont-à-Mousson, entreprise lorraine de tuyaux en fonte, neuf ans avant qu’elle ne fusionne avec la Manufacture des glaces de Louis XIV, devenue Saint-Gobain. L’Ariégeois y avait ensuite gravi les échelons avant de parvenir à la tête du groupe en juillet 1980, juste avant les nationalisations lancées par François Mitterrand. Mais quand ses pairs au Crédit lyonnais ou chez Péchiney furent remerciés à cette occasion, Roger Fauroux fut le seul à conserver son poste.
« Saint-simonien »
« Je suis saint-simonien, du nom de l’économiste philosophe du début du XIXe siècle. Comme lui, je crois au progrès, à l’action humaine et à la raison, à l’éducation et à la morale, à l’esprit d’entreprise et à l’Etat. Je crois au marché mais pas à ses miracles », se décrira-t-il plus tard dans une interview au Monde, en mars 1990. Le patron de centre gauche, en revanche, préfère anticiper, en janvier 1986, le désir de changement qu’implique le retour attendu de la droite et cède son fauteuil à Jean-Louis Beffa. Chez Saint-Gobain, une tradition perdure : le patron adoube son successeur.
Roger Fauroux, lui, s’en va remplacer Simon Nora à la tête de l’ENA. « C’est une vieille belle qui cache ses rides, mais qui est un peu dépassée et qui ne s’est pas adaptée à l’évolution du monde », professe-t-il à propos de la fabrique des élites. Au même moment, il prend la présidence du Monde Investissements (devenu Le Monde Entreprises), une structure actionnariale du quotidien du soir. Il sera même un éphémère président du Siècle avant que, le 12 mai 1988, il ne démissionne de tous ses mandats : il est appelé par son ami Michel Rocard pour rallier son nouveau gouvernement comme ministre de l’industrie et de l’aménagement du territoire.
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