Covid-19 : À propos de la chloroquine et de l’inimaginable pénurie des masques en France

Dépassée par l’ampleur de l’épidémie, l’Italie compte sur la chloroquine… Le point de vue du Pr Christian Perronne, chef du service d’infectiologie à l’hôpital universitaire de Garches

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En Italie, qui nous précède de seulement huit jours et ou la situation devient presque incontrôlable, une course de vitesse contre le Covid-19, vient d’être enclenchée avec pour arme clé l’hydroxychloroquine (Plaquenil®, forme la mieux tolérée de la chloroquine). Tout particulièrement dans le Lazio, région très touchée, où elle est désormais largement prescrite aux patients ayant des signes débutants, avec d'ores et déjà des résultats très encourageants en termes de protection des sujets traités. Dans le journal « Corriere della Sera » le Dr Pierluigi Bartoletti, vice président de la Fédération Italienne des médecins généralistes, explique que toute personne isolée, Covid-19 positive avec des signes débutants (toux, fièvre par exemple), est aujourd’hui traitée par l’antipaludique. Le produit est remboursé par l’assurance maladie italienne. Il peut être obtenu facilement sur prescription d’un médecin (généraliste notamment), dans les pharmacies hospitalières, qui transmettent toutes les données relatives au patient à l’Agence italienne du médicament (AIFA).

“Nous venons de comprendre, ajoute le Dr Bartoletti, que le virus a une évolution en deux phases et que c’est au cours de la seconde, après quelques jours (une semaine environ), que la situation peut brutalement, en 24 ou 48h, s’aggraver et conduire à une insuffisance respiratoire réclamant des soins intensifs. Les résultats que nous commençons à accumuler suggèrent que l’hydroxychloroquine administrée tôt, donne la possibilité d’éviter cette évolution à une majorité de patients et de désencombrer les salles de réanimation”

Le point de vue du Pr Christian Perronne, chef du service d’infectiologie à l’hôpital universitaire de Garches, interrogé par le Dr Philippe Gorny :

Paris Match. Participez-vous à l’Etude Européenne Discovery qui évalue des traitements antiviraux ?
Pr Christian Perronne. J’ai refusé d’y participer car cette étude prévoit un groupe de patients sévèrement atteints qui ne seront traités que symptomatiquement et serviront de témoins-contrôles face à quatre autres groupes qui recevront des antiviraux. Ce n’est pas éthiquement acceptable à mes yeux. On pouvait parfaitement, dans la situation où nous sommes, évaluer ces traitements en appliquant un protocole différent. De surcroît, le groupe hydroxychloroquine (qui a été ajouté à cette étude à la dernière minute), devrait être remplacé par un groupe hydroxychloroquine plus azithromycine, traitement de référence actuel selon les données les plus récentes. Enfin, le modèle de protocole choisi ne fournira pas de résultats avant plusieurs semaines. Pendant ce temps là, l’épidémie galope. Nous sommes pressés, nous sommes en guerre, il faut des évaluations rapides.

Etes-vous pour où contre une prescription plus large de l’hydroxychloroquine que celle actuellement autorisée en France ?
Même si les preuves irréfutables que donnent les études randomisées à grande échelle manquent encore, je suis en faveur d’une prescription large pour les raisons suivantes : 1. Nous disposons d’un nombre important de preuves montrant qu’in vitro l’hydroxychloroquine bloque le virus. Nous disposons également de plusieurs résultats cliniques indiquant que ce produit est bénéfique s’il est administré précocement et nous n’avons aucune mention qu’il nuit ou est dangereux dans cette infection (une seule étude, mal détaillée, chinoise, sur 30 patients avec groupe contrôle, n’a pas observé de bénéfices mais pas non plus d’effets délétères). Que risque-t-on en administrant la chloroquine d’emblée : rien ! 2. Ce médicament est très peu coûteux 3. Il est bien toléré en traitement longue durée (recul de plusieurs décennies sur des milliards de sujets). Personnellement, je l’utilise en clinique dans la forme chronique de la maladie de Lyme, avec succès depuis 30 ans à la dose de 200 mg voire 400 mg/jour. J’ai pu juger et des centaines d’autres médecins avec moi, de son excellente tolérance chez l’homme. Les principales contre-indications sont les maladies sévères de la rétine et cardiaques non équilibrées. Les évènements cardiovasculaires restent exceptionnels si on prend soin : de proscrire l’automédication - de vérifier chez les personnes âgées prenant beaucoup de médicaments qu’il n’existe pas d’interactions médicamenteuses (avec des diurétiques au long cours notamment) et que le taux de potassium sanguin est dans les normes. Hors ces précautions, les effets indésirables sont mineurs. Ils le sont d’autant plus que le traitement est court, ce qui est le cas contre Covid-19. Il serait donc sage de produire sans plus tarder de l’hydroxychloroquine en très grande quantité, pour la rendre facilement accessible aux personnes infectées, dès lors que son efficacité sera définitivement prouvée. A défaut il suffira d’arrêter la production. Je signale que l’Italie vient d’autoriser la large diffusion de l’hydroxychloroquine sur prescription médicale dès le début de l’infection et que d’autres pays s’apprêtent à faire de même. Qu’attendons-nous ? D’avoir davantage de morts ?

Etes-vous au courant d’études en cours, avec ce produit en France ou ailleurs ?
Les résultats d’une 2e étude ouverte du Pr Didier Raoult, chez 80 patients Covid-positifs en PCR, ayant des signes pulmonaires cliniques et radiologiques, viennent de paraître. Ils confirment les effets spectaculaires de sa première étude (avec le traitement combinant l’hydroxychloroquine et l’azithromycine), ainsi que ceux de la première étude chinoise sur 100 patients. Son équipe a constaté qu’au 5e jour, 97.5 % des patients ne sont plus porteurs du virus! Un seul décès concernant un patient âgé de 86 ans est survenu ; un autre sujet âgé de 74 ans est en soins intensifs.

Aux USA le Dr Zev Zelenko qui travaille dans deux centres hospitaliers des communautés juives orthodoxes de la région de New-York (au sein desquelles le taux d’infection est élevé), a administré depuis le 19 mars, à 500 personnes, sans test PCR préalable (pour ne pas perdre de temps), la combinaison du Pr Raoult à laquelle il a ajouté du zinc qui freine la réplication virale. Les patients traités furent : les adultes de tous âges ayant des signes débutants (toux, fièvre, courbatures..) avec une comorbidité associée (diabète, obésité, maladie pulmonaire, cardiovasculaire, cancer, immunodépression) - les adultes de tous âges ayant des signes débutants, sans comorbidité - tous ceux, quelque soit l’âge, ayant des signes pulmonaires (essoufflement ou davantage). Seuls les sujets jeunes avec signes débutants mais aucune comorbidité, ne furent pas traités. Au 26 mars aucune des personnes ayant reçu cette thérapie n’a été hospitalisée, aucune n’a évoluée vers une forme grave nécessitant une réanimation, aucune n’est décédée. Ce n’est pas une étude certes, mais ces résultats ont une valeur indicative notable. En marge de cette initiative communautaire, des essais institutionnels préventifs (protection des gens exposés avant même l’apparition de signes débutants) avec l’hydroxychloroquine, vont débuter aux USA !

Dans quels délais pouvons-nous espérer avoir les premiers résultats de l’étude Discovery ?
Dans plusieurs semaines selon moi. Mais il n’y aura rien à espérer de cette étude concernant l’hydroxychloroquine qui est administrée trop tard. Le protocole indique que le produit peut être donné seulement si la saturation en oxygène des patients est inférieure à 95% , c’est à dire à des malades justiciables d’un apport massif en oxygène ou qui doivent être mis sous ventilation artificielle. Ce n’est pas la bonne indication.

Quel est votre avis sur les traitements qui pourraient s’avérer les plus efficaces dans les formes sévères et graves?
Des médicaments autres que les antiviraux et que l’hydroxychloroquine et qui peuvent lutter contre l’inflammation broncho-pulmonaire , c’est à dire des anti-inflammatoires (non stéroïdiens exclus car délétères) tels que : des anticorps monoclonaux contre les interleukines (IL6, IL1) substances qui stimulent l’inflammation, ou contre des facteurs de croissance vasculaire (VGEF) – peut-être aussi des corticoïdes comme par exemple la methylprednisolone ( nette réduction de la mortalité pour les formes très graves dans une étude chinoise). Toutes ces options sont en cours d’évaluation. Ce qu’il faut éviter, c’est d’arriver à ce stade !

Que pensez-vous de la pénurie des masques en France… et de son inimaginable persistance ?
J’ai présidé pendant 15 ans la Commission des maladies transmissibles des instances officielles de conseil, dont le Haut Conseil de la Santé Publique. Nos groupes de travail ont recommandé des mesures concernant la production de masques notamment lors des épidémies dues au SARS. Cette pénurie est absolument navrante et incompréhensible. A Hong-Kong, une des villes les plus denses du monde, où le port des masques en épidémie est traditionnel pour ne pas dire culturel, on a compté, à la date du 17 mars, un total que quatre décès dus à Covid-19 ! Là-bas, contrairement à la France où la pénurie a contraint le Ministère de la Santé précédent à ne le recommander que pour les sujets malades, le port des masques concerne aussi les gens sains ! On mesure là toute l’importance de cette protection et l’impréparation choquante des autorités françaises en ce domaine…