Pourquoi le Parti musulman n'est pas comparable au Parti chrétien-démocrate

FIGAROVOX/TRIBUNE - Alors que l'UDMF vient d'annoncer qu'il ne présentera finalement qu'un seul candidat aux élections départementales, Frédéric Saint Clair met en garde contre un parti qui promeut un communautarisme contraire aux institutions républicaines.

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Frédéric Saint Clair est mathématicien et économiste de formation. Il a été chargé de mission auprès du premier ministre pour la communication politique (2005-2007). Il est aujourd'hui consultant free-lance.


La polémique enfle autour de l'Union des Démocrates Musulmans Français, un parti politique fondé en 2012 par Nagib Azergui, dont l'objectif affiché est «de permettre aux citoyens musulmans d'apporter une alternative au sein de la société française dans les domaines: économique, social et politique.»

Il aurait mieux valu, plutôt que d'accumuler des propos blessants, commencer par saluer la volonté de citoyens français, démocrates, de confession musulmane, de s'impliquer dans la vie politique de leur pays.

Les critiques à l'encontre de ce parti et de son fondateur ont, semble-t-il, été sévères, témoignant d'une réelle hostilité. Les réactions, plus souvent épidermiques que raisonnées, dénoncent une volonté d'islamisation politique de la France, dans la lignée du roman Soumission de Michel Houellebecq. Il aurait mieux valu, plutôt que d'accumuler des propos blessants, commencer par saluer la volonté de citoyens français, démocrates, de confession musulmane, de s'impliquer dans la vie politique de leur pays. À l'heure où la radicalisation menace une frange, que l'on espère étroite sans pour autant en connaître les dimensions exactes, des musulmans français, il n'est que justice d'exprimer de la bienveillance envers ceux qui respectent la République et la nation. Dans un second temps seulement, une critique peut être formulée, et même doit être formulée, tant elle est indispensable. Car en effet, ce parti, malgré l'intention louable de son fondateur et de ses partisans, est en contradiction avec la République. Pire, en se positionnant à un niveau politique, l'UDMF fragilise le socle républicain, le tissu national, et place la communauté musulmane dans une position délicate. Cela mérite explication.

En se positionnant à un niveau politique, l'UDMF fragilise le socle républicain, le tissu national, et place la communauté musulmane dans une position délicate.

La première erreur commise réside dans l'objectif affiché de Nagib Azergui: «permettre aux citoyens musulmans…». En ciblant une catégorie de citoyens en fonction de leur appartenance religieuse, Nagib Azergui contrarie d'emblée l'esprit Républicain et inscrit le communautarisme religieux dans les gènes de son parti. Ce point ne doit pas être considéré comme une subtilité sémantique car il défie la constitution -l'article premier, qui stipule que la République est laïque, et qu'elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction de religion, notamment; l'article 3 qui stipule qu'aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'attribuer l'exercice de la souveraineté. Soyons précis: L'objectif affiché de l'UDMF n'est pas de confisquer le pouvoir au profit exclusif des citoyens musulmans, mais en s'adressant en préambule aux citoyens musulmans, c'est-à-dire en leur donnant ab initio une forme de priorité, et en considérant ce parti comme un tremplin pour les citoyens musulmans vers l'action politique locale et nationale, Nagib Azergui promeut un communautarisme contraire à l'esprit des institutions.

En ciblant une catégorie de citoyens en fonction de leur appartenance religieuse, Nagib Azergui contrarie d'emblée l'esprit Républicain et inscrit le communautarisme religieux dans les gènes de son parti.

La deuxième erreur qu'il commet consiste à justifier l'existence d'un parti démocrate musulman par l'existence (acceptée par l'ensemble de la population française) d'un parti chrétien-démocrate. On a beaucoup évoqué la laïcité ces derniers temps, et force est de constater que cette notion est sujette à des interprétations fluctuantes, et que nombreux sont ceux qui n'en comprennent pas l'essence. Il est un point en revanche sur lequel il est possible de s'accorder, c'est sur sa vocation première de séparation du pouvoir spirituel et du pouvoir temporel, c'est-à-dire de séparation de la religion d'avec la politique. La République respecte les croyances, précise la Constitution, mais la loi de 1905 ajoute dans son article 2 que cette même République ne reconnaît aucun culte. La sphère politique doit donc être vierge de toute ascendance religieuse. Dès lors, comment est-il possible de tolérer un parti chrétien-démocrate, pourrait se demander Nagib Azergui? La réponse est simple: le PCD est laïque, alors que l'UDMF ne l'est pas! Et nous allons nous employer à le montrer.

La totalité des propositions du Parti Chrétien-Démocrate sont exclusivement politiques. Le terme «chrétien» n'apparaît que dans le titre. Par ailleurs, ces propositions s'adressent à l'ensemble de la nation, quelles que soient les croyances des uns ou des autres, car rien dans ces propositions n'est conditionné par la religion; à aucun moment le dogme chrétien n'affleure dans le projet politique du PCD. Ce n'est pas le cas de l'UDMF. De l'extension de l'enseignement de la langue arabe dans les collèges et les lycées à l'extension du commerce de la viande Hallal, d'une volonté d'enseignement recentrée sur l'Afrique, la colonisation ou la guerre d'Algérie à l'instauration d'une finance islamique, tout est gouverné de façon relativement explicite par le dogme musulman.

De l'extension de l'enseignement de la langue arabe dans les collèges et les lycées à l'extension du commerce de la viande Hallal, d'une volonté d'enseignement recentrée sur l'Afrique à l'instauration d'une finance islamique, tout est gouverné de façon relativement explicite par le dogme musulman.

Le site de l'UDMF précise par exemple: «Nous souhaitons exploiter un atout de notre éthique indispensable pour enrayer les crises à venir grâce à la mise en place de la finance islamique.» Tout d'abord, le «notre» dans «notre éthique» est particulièrement révélateur du positionnement communautariste de l'auteur. Ensuite, il considère l'islam, au travers de la finance islamique, comme le moyen de régler les crises du capitalisme. On ne trouve rien de tel dans le programme économique du PCD. Et surtout un point de vue laïque ne mélangerait jamais le dogme religieux avec les théories de l'économie politique.

Une réflexion est engagée depuis longtemps par les intellectuels chrétiens sur l'influence de la spiritualité chrétienne sur notre compréhension du politique et de l'économie, mais cette réflexion se déroule au sein de la société civile, non au sein d'un parti politique. Les idées de Mr Azergui sont respectables, au même titre que toutes les autres, mais c'est au sein de la société civile qu'il devrait les faire valoir, et non au sein d'un parti politique. Le plus surprenant étant que les instances supérieures de l'État ne se soient pas prononcées sur tout ceci au moment de la création de l'UDMF, et ne l'aient pas purement et simplement interdit, en rappelant à son initiateur les fondements du contrat social républicain.


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