Les syndicats de Mondadori France étaient réunis ce jeudi 18 octobre devant le Ministère de la Culture, à Paris, pour demander aux pouvoirs publics de se pencher sur le projet de reprise des magazines du groupe par Reworld Media.
« Rien à brander, rien à brader », « Grazia – Reworld media, No grazie », « Magazines en danger de mort »… Journalistes, photographes, secrétaires de rédactions, comptables, et délégués syndicaux des magazines du groupe Mondadori France (Télé Star, Sciences & Vie, Auto Plus, Grazia, Closer) étaient réunis sur la place du Palais Royal, à Paris. Juste en face du Ministère de la Culture. Plus de 200 personnes étaient présentes pour demander aux pouvoirs publics d’intervenir sur la gestion du dossier épineux du rachat du groupe par Reworld Media. Et dont les missions effraient la plupart des salariés : « Un moteur, l’innovation média. Une solution globale intégrée, Branding et Performance. Un objectif, la conversion pour les annonceurs », décrit le site internet du groupe au chiffre d’affaires de 185 millions d’euros.
Le 27 septembre dernier, Reworld Media et le groupe italien éditeur de presse ont entamé des négociations exclusives pour la vente de ces titres. Si elles aboutissent, Reworld se hissera alors au premier rang des groupes détenteurs de la presse magazine. Et mettra en péril la situation de 700 salariés du groupe. Et pour cause, la stratégie du groupe vise avant tout à se débarrasser des journalistes pour les remplacer par des pigistes avec le statut d’auto-entrepreneurs qui ne produisent pas des « articles », mais de « contenus ». Comprendre : des petits textes publicitaires payés au préalable par des annonceurs. C’est ce que l’on appelle aujourd’hui le « brand content », ou « articles sponsorisés ». C’est notamment ce qui s’est passé pour Marie France, ou encore Be et Pariscope, tous rachetés par Reworld Media. Six titres du groupe Lagardère ont été rachetés en 2014 par ce géant, qui a fait passer le nombre de journalistes de 90 à 5.
« Cauchemar milanais »
« C’est un peu comme si le club de Châteauroux voulait racheter le PSG », se désole un journaliste de Grazia, sa pancarte « Rien à brander, rien à brader » à la main. « On a vraiment peur d’être vendu à un groupe totalement anti-journalistique qui vire tous les détenteurs d’une carte de presse », poursuit-il. Il dénonce une logique « où rien ne peut être publié tant que cela n’est pas vendu à l’avance par une marque ». Salarié chez Grazia depuis bientôt 10 ans, il reconnaît que la presse publicitaire existe dans certaines rubriques, « mais l’ADN du magazine c’est aussi des rubriques culture, news et lifestyle totalement hermétiques à la pub », insiste-t-il encore en soulignant « une entreprise rentable ».
Philippe Leruth, président de la fédération internationale des journalistes insiste lui sur le « danger de la marchandisation de l’information ». Le chef de fil du PCF, Pierre Laurent, venu en soutien fustige « une grande menace pour la démocratie ». Les manifestants insistent aussi sur « un système entier qui risque de s’effondrer » : la fabrication, la distribution, les kiosques… C’est d’ailleurs ce qu’ont plaidé en fin de matinée les délégués syndicaux lors d’un rendez-vous avec le ministère de la Culture.
« Les mots ‘presse’ et ‘journalisme’ semblent absents de vos déclarations »
Fin septembre, Reworld Media expliquait dans un communiqué que cet éventuel rachat visait avant tout « à développer un groupe média international majeur, détenteur de solutions média et de marques média qualitatives à fort potentiel, ainsi qu’à associer des compétences complémentaires, des capacités et savoir-faire, afin de faire face aux défis du nouvel environnement de marché ». Une déclaration qui n’a pas pour autant convaincu les salariés de Mondadori France. Dans une lettre ouverte, publiée ce jeudi, la rédaction de Grazia s’est adressée au président de Reworld, Pascal Chevalier : « Vos méthodes et la raison d’être de votre entreprise, décrites dans tous les articles qui vous sont consacrés depuis peu, sont aux antipodes des nôtres et de ce que nous sommes. Les simples mots ‘presse’ et ‘journalisme’ semblent absents de vos sites comme de vos déclarations. »
Alors que la foule commence à se disperser au son de « Tous ensemble, tous semble hé ! », l’affiche de la dernière exposition du Louvre flotte dans l’air, « Rêve d’Italie ». « Nous on est plutôt dans le cauchemar milanais », grince un journaliste…