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«Ces chansons sont les plus intimes et honnêtes de ma carrière»

Dans l'ombre - L'Américain Raphael Saadiq a été producteur pour D'Angelo, Mary J. Blige, Elton John, etc.

Il a longtemps été dans l'ombre des autres. Producteur pour Whitney Houston, Elton John, D'Angelo, Mary J. Blige et plus récemment Solange, ambianceur génial au sein de Tony! Toni! Toné! et de Lucy Pearl dans les années 1990, Raphael Saadiq a marqué la neo-soul de son groove organique et ses mélodies ravageuses. Après quatre albums solos, le musicien américain brise huit ans d'absence sur le devant de la scène avec «Jimmy Lee», un sublime album soul-funk qui porte le nom de son frère mort d'une surdose en 1998. Coup de fil avant un concert aux Docks de Lausanne mercredi 16 octobre.

Pourquoi la mort de votre frère ne s'exprime qu'aujourd'hui dans votre musique?

Mon instinct m'a dit que c'était le bon moment. Je me suis rendu compte que l'addiction était partout autour de moi, que ce soit dans mon cercle d'amis ou dans l'industrie musicale. Je repensais sans cesse à mon frère. Au début, j'ai eu peur d'écrire un album trop sombre, je ne voulais pas déprimer les gens. Jusqu'ici j'avais plutôt l'habitude de ravaler ma douleur en composant de la musique dansante et festive. Ce disque m'a fait comprendre que je pouvais l'exprimer tout en y insufflant de la lumière. En fait, tout dépend de l'énergie que l'on met dans sa musique. C'est ça qui donne le ton.

Vous-même, souffrez-vous de certaines addictions?

Pas vraiment. J'ai eu mes expériences avec les drogues, mais je n'ai jamais eu de problèmes avec. Contrairement à ma famille. Je me sentais bien placé pour en parler, raconter ce qu'avait vécu mon frère, les souffrances dont j'avais été témoin. Je voulais briser le tabou, créer un album qui puisse aider certaines personnes à comprendre, à accepter et peut-être à guérir.

Vous avez perdu deux autres frères (ndlr: l'un s'est suicidé et l'autre a été assassiné) et votre sœur dans un accident de voiture. Comment se relève-t-on d'une telle tragédie?

Je me suis concentré sur la musique. C'était un refuge, un moyen d'aller de l'avant sans regarder en arrière, de rester positif à tout prix, de survivre. Composer un morceau ou un album, c'est un objectif qui oblige à se donner, à aller au bout sans ruminer sa tristesse. J'en parle dans la chanson «Rearview», lorsque je dis «Your life is in your rearview (ta vie est dans le rétroviseur)». On ne peut pas changer le passé, il faut l'accepter comme tel et avancer.

D'ailleurs, «Jimmy Lee» est moins tourné vers le passé que vos précédents disques.

«Stone Rollin'», le dernier, rendait hommage à la soul des 60s. Il me plaît beaucoup, mais c'était un album facile à faire. Avec celui-ci j'ai eu besoin de me dépasser, d'être plus créatif, de me tourner vers l'avenir. J'ai mis de l'émotion dans chaque instrument, j'ai pris le temps d'expérimenter des sons en studio. Tant pis si j'échoue, si le disque ne plaît pas, au moins j'ai livré les compositions les plus honnêtes et intimes de ma carrière.

Une autre perte semble habiter l'album, celle de Prince…

Il était l'une de mes principales influences et un ami proche. J'ai été très touché par sa disparition. J'étais confus, comme si j'avais perdu tout repère artistique, toute raison de jouer. Prince mettait la barre très haut dans tout ce qu'il faisait. Forcément, ça me poussait à me dépasser. Inconsciemment, cela a dû m'affecter dans ma manière de composer «Jimmy Lee».