Amazon et le cheval de Troie du hardware
Le groupe s'est constitué une véritable gamme d'enceintes connectées. Mais pour Amazon , il s'agit plus d'un coup de billard à trois bandes. Explications.
Par Nicolas Richaud
A force de voir Amazon pointer son nez dans tous les secteurs, on finit par ne plus s'étonner de l'apercevoir s'implanter sur un nouveau marché. Même lorsque ledit marché est loin des bases premières du numéro mondial de l'e-commerce et roi du cloud.
Précurseur dans les enceintes connectées avec son Amazon Echo lancée dès 2014, le groupe s'est imposé comme le leader de ce marché. Depuis, le géant de Seattle a sorti une flopée de déclinaisons de son produit, au point de se constituer une véritable gamme.
Une singularité pour un groupe dont le hardware n'est pas le domaine de prédilection ? Pas tant que ça. Liseuse, tablette, smartphone, clef connectée : Amazon a démultiplié les lancements de produits ces dernières années. S'en sont suivies des réussites comme des échecs.
Nous voulons gagner de l'argent quand les gens utilisent nos appareils. Pas quand ils les achètent.
Mais pour Amazon, l'essentiel est ailleurs. Jeff Bezos en personne en a livré les clefs de compréhension dès la rentrée 2012 quand il dévoilait de nouvelles tablettes Kindle Fire.
« Le Kindle Fire est un service. […] Nous voulons gagner de l'argent quand les gens utilisent nos appareils. Pas quand ils les achètent », avait énoncé le patron du groupe qui vendait alors ces tablettes à pertes.
Une logique sous-jacente qui s'applique aussi en 2018 aux enceintes connectées griffées Amazon. Pour faire face à Google, le géant n'a ainsi pas hésité à brader les tarifs de son Amazon Echo Dot à Noël dernier dans la guerre des prix que lui livre le groupe de Mountain View avec sa Google Home Mini. Quitte à les vendre à perte, selon les calculs du cabinet ABI Research.
Une logique d'ouverture
C'est une constante : le hardware d'Amazon est utilisé avant tout comme un cheval de Troie. Concrètement, le but d'Amazon avec ses enceintes connectées est de répandre son assistant intelligent Alexa dans tous les foyers du monde.
Pour faciliter ce déploiement, Amazon ne tente ainsi en rien d'ériger un écosystème verrouillé à la Apple avec son système d'exploitation iOS qui ne fait tourner que ses propres terminaux mobiles.
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Le groupe de Jeff Bezos est plus dans une logique d'ouverture. De nombreux constructeurs ont ainsi pu embarquer Alexa dans leurs produits connectés et l'assistant intelligent d'Amazon est aujourd'hui présent dans plus de 20.000 produits différents (machines à laver, télévisions, montres, micro-ondes…).
Jusqu'au coeur d'enceintes connectées pourtant en concurrence frontale avec les siennes, comme celles commercialisées récemment par le géant chinois Huawei ou Facebook qui fonctionnent avec l'assistant intelligent de la société de Seattle…
Objectif : « placer » Alexa
En clair, l'important pour Amazon semble moins d'écouler ses enceintes que de « placer » Alexa dans un maximum de produits connectés. Et, in fine, dans un maximum de foyers.
Avec ce coup de billard à trois bandes, Amazon compte imposer l'écosystème de « skills » (des programmes calibrés pour Alexa) qu'il est en train de construire sur le modèle du Google Play Store et de l'Apple Store dans le mobile.
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Surtout, le groupe met la main sur un volume considérable de données ayant trait aux comportements d'achat et de consommation des uns et des autres. De la data toujours bienvenue quand on est le roi mondial de l'e-commerce et que l'on monte en puissance dans la publicité en ligne.
Nicolas Richaud