JUSTICE - Le FN évoque des "condamnations révoltantes". Le gouvernement condamne un "acte de racisme". L'UMP nuance. Anne-Sophie Leclère, ex-tête de liste FN aux municipales à Rethel (Ardennes), a été condamnée mardi 15 juillet à neuf mois de prison ferme et cinq ans d'inéligibilité pour avoir comparé la Garde des Sceaux, Christiane Taubira, à un singe. La jeune femme a annoncé son intention de faire appel.
Cette sanction n'est pas du tout appréciée ni par le Front national (qui avait retiré son investiture à la jeune femme) ni par son fondateur Jean-Marie Le Pen.
Ce dernier s'est indigné de cette condamnation dans un tweet prenant ouvertement pour cible les magistrats. "Magistrats traîtres à la loi et violeurs de la morale", a écrit l'ancien candidat à la présidentielle.
Un juge membre du Syndicat de la Magistrature cible des critiques
Toujours sur Twitter, le vice-président du FN, Louis Aliot, a repris les arguments de Nicolas Sarkozy lors de sa mise en examen en précisant que le juge qui avait prononcé la peine était membre du Syndicat de la Magistrature. Une manière de dénoncer une décision jugée "disproportionnée". Sur France Info, il a estimé que "la justice qui a été rendue à Cayenne n’est pas la justice de la République française".
Dans un communiqué intitulé "guet-apens judiciaire", le parti de Marine Le Pen a rappelé qu'il avait demandé en vain "au premier président de la Cour d’appel de Cayenne la récusation de M. Stéphane Rémy, le président du tribunal correctionnel, au motif de son appartenance au Syndicat de la Magistrature".
Mercredi matin, Florian Philippot, vice-président du parti d'extrême droite, a parlé sur BFMTV d'un jugement "grotesquement disproportionné". À propos de la condamnation du FN, il évoque une décision qui "n'a pas de légalité": "Dans le droit français, il n'y a pas de responsabilité pénale d'une personne morale pour un délit relatif à la liberté d'expression. Nous irons évidemment en appel". "Cette affaire c'est moins grave que massacrer quelqu'un a coup de barre de fer", a-t-il poursuivi.
Écoutez Florian Philippot :
Le gouvernement condamne un "acte de racisme"
Stéphane Le Foll, le porte-parole du gouvernement, a déclaré mercredi ne pas émettre de "jugement sur le jugement", mais affirmé condamner un "acte de racisme". "Ce qui est révoltant, c'est ce qui a été dit par cette candidate du Front National. Comparer Christiane Taubira à une guenon, c'est parfaitement révoltant, inadmissible et c'est condamnable. Je ne porte pas de jugement sur le jugement, je condamne ce qui est un acte de racisme", a déclaré Stéphane Le Foll mercredi sur France 2.
Christiane Taubira n'a pas réagi à cette condamnation. "On sait bien ce que pense [le Front national] : c’est les Noirs dans les branches des arbres, les Arabes à la mer, les homosexuels dans la Seine, les juifs au four et ainsi de suite", avait lancé la ministre quand l'affaire avait éclaté (voir ci-dessous).
Des propos qui avait déclenché une nouvelle polémique et entraîné une plainte pour injures du FN contre la garde des Sceaux.
À gauche, la sénatrice EELV Esther Benbassa a estimé que la condamnation adressait un signal "nécessaire" même si la peine est "peut-être trop lourde". "C'était nécessaire, je vois combien on est attaqué sur les réseaux de manière blessante", a réagi Mme Benbassa sur France Info. "Peut-être la peine est trop lourde. Néanmoins, il faut donner un signal à ceux qui s'amusent à le faire, croyant que l'espace internet est un espace sans loi", a-t-elle ajouté. "Pour une fois, c'est une bonne leçon", a-t-elle dit.
Nadine Morano convoque Guy Bedos
À l'UMP, on ne remet pas en cause la condamnation, mais on dénonce deux poids deux mesures. Nadine Morano a notamment évoqué sur Twitterla plainte pour "injures publiques" déposée à l'encontre de l'humoriste Guy Bedos: "J'espère que pour m'avoir traitée de salope Bedos sera logé à la même enseigne".
"La justice doit être la même pour toutes les insultes", a estimé Christian Estrosi, député-marie de Nice proche de Nicolas Sarkozy.
"Pourquoi on n'applique pas la même règle (...) lorsque tous les jours dans la rue un policier qui essaie de préserver la paix publique se fait insulter avec des mots inacceptables de la part de certains issus de milieux communautaires?", a réagi plus tard Christian Estrosi sur i>TELE.
Le 30 avril, le député-maire de Nice avait publié sur sa page Facebook un billet intitulé "Stop à la politique pénale Taubira", écrivant que la garde des Sceaux avait "obtenu le feu vert afin que tous les délinquants puissent profiter de ce laxisme d'Etat". Ce billet a suscité plusieurs centaines de commentaires toujours visibles sur le réseau social parmi lesquels: "qu'elle retourne sur ces cocotiers la folle des Antilles", "renvoyons-là dans sa jungle", "qu'elle retourne manger des bananes."
Les propos de l'ex-candidate FN "étaient inadmissibles et honteux, cette condamnation me parait totalement justifiée", a quant à lui indiqué Eric Ciotti, député et président du Conseil général des Alpes-Maritimes.
"Je préfère la voir dans un arbre après les branches"
Le 17 octobre, un reportage de l'émission "Envoyé spécial" sur France 2 avait montré cette commerçante de 33 ans, encartée au FN depuis 2012, propriétaire d'un magasin d'articles de pêche à Rethel, dans les Ardennes, qui s'efforçait de monter une liste pour les élections municipales dans cette ville de quelque 7500 habitants.
"A la limite, je préfère la voir dans un arbre après les branches, que la voir au gouvernement", indiquait-elle à propos de la ministre.
Regardez l'extrait de "Envoyé spécial" :