Outreau : sanction minimum pour le juge Burgaud

Outreau : sanction minimum pour le juge Burgaud

    Le juge Fabrice Burgaud n'aura qu'une simple «réprimande» pour le fiasco de l'affaire d'Outreau. Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) a officialisé cette sanction - la plus basse possible en pareille situation - vendredi en début d'après-midi, confirmant plusieurs indiscrétions publiées quelques heures plus tôt.

    Le juge de 37 ans, traduit devant ses pairs pour avoir mené l'instruction d'Outreau d'une manière désastreuse, échappe donc à un an d'exclusion de la magistature, ce qu'avait requis le ministère public.

    Les acquittés d'Outreau n'ont pas trouvé leur compte avec cette réprimande. Roselyne Godard (écouter son interview) a dénoncé le «corporatisme des magistrats qui s'autoprotègent».

    Négligences, maladresses et défauts de maîtrise...

    Selon plusieurs sources, la décision du CSM n'a été rendue qu'avec une faible majorité. Parmi les neuf possibilités évoquées par le CSM, «la simple réprimande avec inscription au dossier» aurait en effet été votée à une voix près : six pour, cinq contre.

    Dans sa décision, le CSM relève «un certain nombre de négligences, maladresses et défauts de maîtrise dans la conduite de l'information» par le juge Burgaud.  «Leur accumulation constitue en l'espèce un manque de rigueur caractérisée (...) et en conséquence, un manquement par M. Burgaud aux devoirs de son état de juge», estime l'instance. Elle reproche aussi au juge ses «techniques d'interrogatoire» des mineurs : il y avait «des contradictions flagrantes dans (leurs) déclarations» et le jeune magistrat «disposait des éléments» lui permettant de les déceler, estime le CSM.

    Me Patrick Maisonneuve dénonce une «injonction politique»

    «Fabrice Burgaud est profondément déçu», a  déclaré Me Patrick Maisonneuve l'un des avocats du magistrat , confirmant son intention de déposer contre cette sanction un recours devant le Conseil d'Etat. «On ne pouvait que retenir l'absence de manquement et de faute professionnels mais il y a eu injonction politique (...) C'est une décision de compromis que nous n'acceptons pas», a-t-il dit.  «Le président de la République s'est encore prononcé il y a quelques jours sur la responsabilité des magistrats. Si vous n'appelez pas cela une pression, les mots n'ont plus de sens», a-t-il lancé.

    Mardi dernier à Nice, Nicolas Sarkozy avait annoncé mardi la mise en place prochaine de la réforme du CSM votée l'an dernier, prévoyant notamment une mise en minorité des magistrats au sein de cette instance pour mettre un terme aux soupçons «d'impunité» et de «corporatisme» des juges. Le président avait alors très clairement fait référence au juge Burgaud. «Il ne faut pas faire d'amalgame. Les magistrats font un travail remarquable, mais les Français ont été choqués d'un certain nombre de dysfonctionnements», avait dit le président, ajoutant : «Je ne laisserai pas des affaires comme Outreau sans réponse».

    Le seul ?payer»  pour le fiasco judiciaire d'Outreau

    Même si la sanction n'est pas aussi sévère que ce que réclamait le ministère de la justice, le juge Burgaud restera néanmoins le seul à «payer» pour ce fiasco judiciaire, un dossier de pédophilie qu'il a instruit à peine sorti de l'école en 2001-2002 au tribunal de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais).

    Le procès Outreau s'était soldé par l'acquittement de 13 des 17 accusés, dont certains ont passé des années en prison. Avant lui, le procureur de Boulogne Gérald Lesigne s'était déjà expliqué en 2008 devant le CSM mais sans faire l'objet d'aucune sanction. Il avait simplement été muté à Caen par la Chancellerie.

    André Vallini : «La sanction va mécontenter tout le monde»

    Cette affaire avait contribué à miner la confiance des Français en la justice, au point de susciter une commission d'enquête parlementaire. André Vallini, l'ancien président de cette commission, a estimé vendredi que la «sanction infligée au juge Burgaud» allait «mécontenter tout le monde» (écouter notre interview) .

    Pour le député PS de l'Isère, la sanction, une «réprimande avec inscription au dossier», «va mécontenter à la fois ceux qui considèrent qu'il est le principal responsable du fiasco judiciaire d'Outreau comme ceux qui considèrent qu'il n'a été qu'un élement de la chaîne pénale qui a dysfonctionné du début à la fin de cette affaire».

    «Mettre en oeuvre les propositions de la commission Outreau»

    «Il est temps maintenant de tourner cette page et de mettre enfin en oeuvre les préconisations de la commission d'enquête parlementaire sur l'affaire d'Outreau: une réforme globale de la justice et une augmentation de ses moyens budgétaires», pour l'ancien président de la commission d'enquête. Soulignant que Nicolas Sarkozy a déclaré mardi à Nice qu'il «ne laisserait pas des affaires comme Outreau sans réponse», André Vallini a affirmé qu'il «le prenait au mot».

    Il a demandé ainsi au gouvernement «d'inscrire une véritable augmentation du budget consacré à la justice dans la prochaine loi de finances et de déposer un projet de loi qui refonde enfin notre procédure pénale en reprenant les propositions de la commission Outreau»