FIN DE VIE - Une partie de ses proches, espèrent un épilogue dans les prochaines heures. Le conseil d'Etat rend son avis, ce mardi sur le cas de Vincent Lambert, un homme de 39 ans, cloué sur son lit d'hôpital depuis six ans. Sa famille se déchire depuis plusieurs mois sur la question de sa fin de vie.
Une partie (dont sa femme et son neveu) est favorable à l'euthanasie passive que les médecins de l'hôpital de Reims où il est hospitalisé veulent pratiquer. Une autre (notamment ses parents) réclame son maintien en vie et a déjà saisi la Cour européenne des droits de l'homme. En attendant une hypothétique avancée de la loi, promise par François Hollande, la décision appartient à la plus haute juridiction administrative
La décision des 17 magistrats du Conseil d'Etat a été rendue à 16h. En prônant l'arrêt des soins, la plus haute juridiction administrative a suivi l'avis du rapporteur public. Il avait demandé vendredi dernier dans la matinée à ce qu'on laisse mourir Vincent Lambert dont la vie a basculé en 2008.
Vincent Lambert n'a pas laissé de consignes
Depuis qu'il a été victime cette année-là d'un accident de la circulation, Vincent Lambert est dans le coma. Il bouge les yeux, ressent la douleur mais il est impossible aux gens qui l'entourent de savoir s'il comprend ce qu'on lui dit. Ni ses proches, ni ses médecins ne sont en effet parvenus à établir un mode de communication avec lui malgré de nombreuses séances avec des spécialistes.
Autre problème, comme plus de 95% des Français qui négligent les directives anticipées, cet ancien infirmier psychiatrique n'a pas rempli de document expliquant aux médecins ce qu'ils doivent faire dans une telle situation. Sa femme Rachel explique que son mari a toujours fait part de son opposition à un maintien artificiel en vie. "Laisser partir Vincent est ma dernière preuve d'amour", explique-t-elle au Monde en mai 2013. Mais ce type de déclaration n'a aucune valeur juridique.
C'est donc au corps médical qu'il revient de prendre la décision. "En l'absence de directives anticipées (sur les souhaits du patient) et de personnes de confiance, c'est au médecin à chercher, à enquêter parmi les proches et dans le passé du patient", explique Eric Kariger, qui suit Vincent Lambert au CHU de Reims où il est hospitalisé depuis son accident.
Après de longs mois de réflexion et après concertation d'un collège élargi à sept médecins, décision est prise, au printemps 2013, d'arrêter de l'alimenter et de l'hydrater artificiellement. Sa femme donne son accord. Les médecins se justifient par des comportements inhabituels d'opposition aux soins lorsque ceux-ci sont prodigués. Selon leur interprétation, il s'agit d'un "refus de vivre" qui entre dans le champ de la loi Leonetti de 2005 qui proscrit tout acharnement thérapeutique.
Une famille déchirée devant la justice
Seulement les parents de Vincent Lambert, proches des mouvements catholiques traditionalistes n'acceptent pas la décision. Pour eux, l'alimentation et l'hydratation artificielles de leur fils ne constituent pas un cas d'"obstination déraisonnable". De plus, ils considèrent leur fils comme atteint d'un handicap et non d'une maladie cérébrale incurable. C'est pour faire annuler le processus de fin de vie qu'ils saisissent le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.
Commence alors un long bras-de-fer judiciaire entre les parents, une soeur et un demi-frère de Vincent Lambert et sa femme ainsi que son neveu François. En mai 2013, la justice donne raison aux parents, estimant que la procédure inscrite dans la loi Leonetti (à savoir un conseil de famille) n'a pas été respectée.
Sept mois plus tard et après que le CHU a réuni toutes les parties, les médecins décident à nouveau de procéder à une euthanasie passive. Nouvelle décision du tribunal favorable aux parents, en janvier 2014. Cette fois, les juges statuent sur le fond et ordonnent aux médecins de reprendre les soins. Rachel et François Lambert ainsi que les médecins de Reims se tournent alors vers le Conseil d'Etat, la plus haute juridiction administrative, à qui il revient désormais de prendre la décision finale.
Affaire Lambert : le CHU de Reims saisit le...par ITELE
Preuve du caractère délicat du dossier, les juges ont commencé par renvoyer l'audience devant l'assemblée du contentieux qui est la plus haute formation de jugement puisqu'elle est composée de 17 juges. "La violence de la situation familiale est telle qu'une solution de consensus semble impossible", a déclaré le docteur Kariger. Il souhaite que l'avis rendu par le Conseil d'Etat soit "suffisamment explicite pour qu'on puisse exercer nos responsabilités de médecins en collégialité et que cela apporte une réponse claire à tous les patients qui sont ou seront dans la même situation".
Une nouvelle expertise confirme l'incurabilité
L'instance a rendu un premier jugement en février: elle donnait plusieurs semaines à un collège de trois experts pour examiner à nouveau Vincent Lambert et faire part d'un maximum de précisions sur son état réel.
Affaire Vincent Lambert: "Le Conseil d'Etat...par BFMTV
Début avril, les médecins avaient procédé à de nouveaux examens cérébraux à la Pitié-Salpétrière et souligné la dégradation depuis 2011 de l'état du patient qui se trouvait dorénavant dans un état végétatif avec des dysfonctionnements du tronc cérébral qui régule entre autres la respiration et le rythme cardiaque, évoquant un "mauvais pronostic clinique".
Selon le rapport définitif que le HuffPost a pu consulter, ces professionnels notent une "dégradation" de son état de conscience. Ils confirment également le caractère incurable de ses symptômes. Dans le même temps, ils considèrent également que le patient réagit aux soins qui lui sont prodigués mais ils refusent de se prononcer sur leur interprétation. Mais en conclusion, les médecins estiment que "dans une telle situation et en l'absence de directives anticipées et de personne de confiance, le degré de l'atteinte de la conscience" de Vincent Lambert "ne saurait constituer le seul élément déterminant dans la réflexion du Conseil d'Etat concernant son maintien ou non en vie.
En clair, c'est désormais en leur âme et conscience que les juges vont devoir se prononcer sur l'avenir de Vincent Lambert.