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Affaire des écoutes : ce qui est reproché à Nicolas Sarkozy

Nicolas Sarkozy a été mis en examen pour « corruption active », « trafic d'influence » et « recel de violation du secret professionnel », dans la nuit du mardi 1er au mercredi 2 juillet.

Par , et

Publié le 13 mars 2014 à 15h25, modifié le 26 novembre 2020 à 16h25

Temps de Lecture 6 min.

Cet article n’est plus mis à jour. Vous en trouverez ici une nouvelle version.

Dix-huit heures après le début de sa garde à vue dans les locaux de la police judiciaire à Nanterre, Nicolas Sarkozy a été mis en examen dans la nuit du mardi 1er au mercredi 2 juillet pour « corruption active », « trafic d'influence » et « recel de violation du secret professionnel ».

La veille, deux hommes, dont l'avocat de M. Sarkozy, soupçonnés d'avoir aidé l'ex-président à obtenir des informations liées au dossier Bettencourt, avaient eux aussi été mis en examen. Le point sur l'affaire.

  • Pourquoi Nicolas Sarkozy a-t-il été mis sur écoute ?
  • Qu’ont révélé ces écoutes ?
  • Pourquoi les agendas de Nicolas Sarkozy sont-ils si important ?
  • Que changent les révélations de Mediapart ?
  • La justice avait-elle le droit d’écouter les conversations d’un avocat et de son client ?
  • Qu’est-il reproché à Christiane Taubira ?

1. Pourquoi Nicolas Sarkozy a-t-il été mis sur écoute ?

L’ancien président de la République est menacé par plusieurs affaires. Parmi elles figure celle concernant un supposé financement de la campagne présidentielle de 2007 de Nicolas Sarkozy par des fonds libyens provenant de la famille Kadhafi.

Le 19 avril 2013, le parquet de Paris a ouvert une information judiciaire contre X pour « corruption active et passive », « trafic d'influence », « faux et usage de faux », « abus de biens sociaux » et « blanchiment, complicité et recel de ces délits ». Deux juges, Serge Tournaire et René Grouman, instruisent ce dossier.

Le 7 mars 2014, Le Monde a révélé que Nicolas Sarkozy, Claude Guéant et Brice Hortefeux (qui furent ses ministres de l’intérieur) avaient été mis sur écoute dans le cadre de cette information judiciaire.

Lire (en édition abonnés) : Article réservé à nos abonnés Deux juges vont enquêter sur un financement libyen de la campagne de Sarkozy

› La chronologie de l'affaire :

(Cliquez sur les flèches pour avancer dans la chronologie)

2. Qu’ont révélé ces écoutes ?

Le 11 mars, la Cour de cassation se prononçait sur un recours déposé par Nicolas Sarkozy. L’ancien chef de l’Etat souhaitait que ses agendas ne soient pas versés aux dossiers sur l’enquête sur l’affaire Bettencourt, puis sur l’affaire Tapie-Lagarde (voir le point n° 3).

Les informations récoltées lors des écoutes suggèrent que Nicolas Sarkozy et son avocat, Thierry Herzog, ont pu bénéficier en amont de cette décision de la complicité d’un haut magistrat, Gilbert Azibert. Selon les documents brandis par Mme Taubira, M. Azibert aurait notamment « rencontr[é] un par un » deux à trois collègues appelés à se prononcer sur le pourvoi de Nicolas Sarkozy, afin de leur « expliquer » « avant qu'ils ne délibèrent ».

Mediapart a publié mardi 18 mars une nouvelle série de révélations extraites des synthèses des écoutes. Ils tendent à confirmer que M. Sarkozy et son avocat avaient plusieurs soutiens, tant dans la justice que dans la haute administration policière, dont le fameux juge Azibert. M. Sarkozy aurait également évoqué une personne qui l'aurait renseigné sur les avancées de la justice dans l'affaire des soupçons de financements lybiens de sa campagne de 2007.

Par ailleurs, « Monsieur Thierry Herzog aurait pu être renseigné », tant « sur la surveillance des téléphones de Nicolas Sarkozy » que sur l'éventualité « d'une perquisition » dans le cadre du dossier libyen. Un acte, s'il était avéré, extrêmement grave pour la défense de M. Sarkozy. Le Monde révèle aussi que, craignant d’être écouté, M. Sarkozy avait pris un second téléphone sous un faux nom.

3. Pourquoi les agendas de Nicolas Sarkozy sont-ils si importants ?

Si les écoutes judiciaires de Nicolas Sarkozy n'ont a priori rien révélé sur un éventuel financement libyen de sa campagne, elles ont placé les agendas de l'ancien président au centre de l'attention. Les soupçons de « trafic d'influence » à l'encontre de M. Sarkozy découlent en effet de ses interventions présumées en amont d'une décision très attendue de la Cour de cassation sur ces agendas, le 11 mars.

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L'ancien chef d'Etat s'est pourvu en cassation. Les magistrats de la plus haute juridiction devaient dire si la saisie de ses agendas par la justice était illicite, car couverts par l'immunité présidentielle. Une décision qui n'avait aucun impact sur l'affaire Bettencourt, dans laquelle Nicolas Sarkozy a bénéficié d'un non-lieu le 7 octobre 2013.

En revanche, elle aurait pu faire tomber un pan entier de procédure dans l'affaire Tapie-Crédit lyonnais, dans laquelle Nicolas Sarkozy est soupçonné d'être intervenu en faveur de l'homme d'affaires. Le juge Gentil, chargé à Bordeaux de l'affaire Bettencourt, a en effet transmis en janvier 2013 ces agendas aux magistrats qui enquêtent sur l'affaire Tapie. Or, ceux-ci font apparaître que Nicolas Sarkozy a rencontré à plusieurs reprises Bernard Tapie sur la période clé 2007-2008, ainsi que Pierre Mazeaud, l'un des trois arbitres choisis pour trancher le litige. Ils constituent donc le principal élément à charge des juges contre l'ancien président dans ce dossier.

Les agendas pourraient également être utilisés dans le cadre de l'enquête sur un éventuel financement de la campagne présidentielle de 2007 par la Libye de Mouammar Kadhafi.

Finalement, malgré les interventions supposées du juge Azibert auprès de ses collègues magistrats, la Cour de cassation a rendu le 11 mars une décision défavorable à Nicolas Sarkozy. Elle a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur ce pourvoi, dans la mesure où l'affaire Bettencourt était close en ce qui le concernait. Les agendas pourront donc être conservés et utilisés par la justice.

4. Que changent les révélations de Mediapart ?

Les révélations du Monde à propos des écoutes avaient été quelque peu éclipsées par la polémique autour de ce que savait ou non la garde des sceaux, Christiane Taubira. La publication de la teneur de sept écoutes judiciaires par Mediapart, le 18 mars, a recentré l'affaire autour de la stratégie de défense de Nicolas Sarkozy et de son avocat.

Certaines pratiques renforcent les soupçons : ainsi, selon le récit de Mediapart, M. Sarkozy et son avocat organisent, depuis un téléphone ouvert au nom de Paul Bismuth, une vraie-fausse conversation qu'ils vont ensuite tenir sur le téléphone « officiel », qu'ils savent sur écoute, afin de tromper les juges.

D'autres soupçons, comme celui une possible « taupe » au sein de l'appareil d'Etat, qui aurait renseigné MM. Herzog et Sarkozy, amènent de nouvelles questions. Lundi 30 juin, trois hommes, Thierry Herzog, le magistrat Gilbert Azibert et un avocat général à la Cour de cassation, Patrick Sassoust, ont été placés en garde à vue.

5. La justice avait-elle le droit d’écouter les conversations d’un avocat et de son client ?

Oui, mais à deux conditions, car les avocats bénéficient d’une protection particulière, au nom du secret professionnel :

  1. L’avocat doit être lui-même soupçonné d’avoir commis une infraction (sinon, ses propos ne pourront ni être consignés dans les procès-verbaux, ni être retenus contre lui)
  2. Son bâtonnier doit en être informé

Lire nos explications sur les modalités d’écoute des avocats

6. Qu’est-il reproché à Christiane Taubira ?

Dans un premier temps, la ministre de la justice a assuré avoir eu connaissance de ces écoutes au moment où celles-ci ont été révélées par Le Monde, soit le 7 mars. Or cette version a été démentie par le premier ministre, qui a soutenu que la garde des sceaux et lui-même avaient été mis au courant le 26 février, après que la justice a ouvert une information judiciaire.

« Comme c'est la loi et la procédure, la garde des sceaux a reçu effectivement [cette] information », a confirmé le premier ministre, ajoutant avoir été informé « à ce moment-là ». « Mais nous n'avons pas appris quel était le contenu des écoutes », a assuré le premier ministre.

Lors d’une conférence de presse à l’issue du conseil des ministres, Mme Taubira a imprudemment brandi des courriers de Eliane Houette, procureur financier, et de Philippe Lagauche, avocat général près la Cour d’appel de Paris. Des courriers que nous avons pu retranscrire dans leur quasi intégralité.

Ces courriers mettent à mal la version de Mme Taubira. En effet, selon ces documents,  la ministre était tenue « régulièrement » au courant des détails des évolutions de l'enquête liée au financement de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007.

Dans un entretien accordé au Monde, Mme Taubira fait le distinguo entre le fait d’avoir eu connaissance des écoutes et le fait d’en connaître le contenu.

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