Yoshua Bengio, professeur à  l'Université de Montréal et directeur de l'Institut de Montréal des algorithmes dans l'apprentissage (MILA), est une des figures mondiales de l'intelligence artificielle.

Yoshua Bengio, professeur à l'Université de Montréal et directeur de l'Institut de Montréal des algorithmes dans l'apprentissage (MILA), est l'une des figures mondiales de l'intelligence artificielle.

Philippe Renault

Il s'appelle Yoshua Bengio, il est l'un des pionniers mondiaux en matière de deep learning (apprentissage profond en français), une technologie permettant aux machines d'apprendre seules, et il fait la fierté de l'université de Montréal (UdM). Ce professeur du département d'informatique et recherche opérationnelle est convaincu "que l'intelligence artificielle connaîtra l'une, sinon la plus forte croissance économique des décennies à venir". L'Institut des algorithmes d'apprentissage de Montréal (Mila) qu'il dirige est déjà le plus grand laboratoire au monde en la matière. "Si nous prenons les bonnes décisions, nous pourrons devenir au Canada, et à Montréal en particulier, le centre d'action mondial de cette croissance", s'enthousiasme ce chercheur d'origine française.

Publicité

Montréal rassemble déjà la plus importante communauté de scientifiques en milieu académique à travailler sur le sujet: ils sont environ 150 chercheurs, entre l'université de Montréal et l'université McGill, dont quelques unes des stars mondiales. "Nous sommes assaillis de demandes de collaboration, c'est complètement fou", déclare Yoshua Bengio. Il faut dire qu'à leur sortie, les étudiants n'ont aucun problème à trouver du travail n'importe où dans le monde et leur salaire annuel atteint rapidement les six chiffres. Afin de les inciter à rester au Québec une fois leurs études achevées, l'université de Montréal, Polytechnique Montréal et HEC Montréal ont décidé de s'associer pour créer l'Institut de valorisation des données (Ivado).

Des financements de Google et Microsoft

Cette entité d'un genre nouveau aura pour tâche de combiner la recherche, l'analyse des données (les fameuses big data) et l'apprentissage informatique. Dès sa création, l'Ivado a recueilli plus de 110 millions de dollars canadiens auprès d'entreprises du secteur privé et a reçu du gouvernement du Canada une subvention de 93,5 millions, un record! Cette excellence dans la recherche n'a pas échappé aux big tech américaines que sont Google et Microsoft. Au début de l'année 2017, le géant de l'informatique a racheté la start-up Maluuba, spécialisée en apprentissage profond, dont il entend doubler les effectifs pour atteindre 80 salariés. Créée à Waterloo (Ontario), Maluuba s'était relocalisée en 2015 à Montréal pour profiter de l'écosystème local sur le deep learning. Microsoft a aussi annoncé le versement de subventions importantes ­ six millions à l'université de Montréal et un million à l'université McGill ­ afin de soutenir la recherche. De son côté, Google a versé 4,5 millions de dollars au Mila et va créer dans la métropole québécoise une division spécialisée en apprentissage profond confiée à Hugo Larochelle, une vedette du secteur et... ancien étudiant de Yoshua Bengio!

En septembre 2017, deux nouvelles entreprises ont annoncé avoir choisi Montréal : Facebook va investir sept millions de dollars dans l'ouverture d'un laboratoire de recherche en intelligence artificielle tandis que Samsung a officialisé la mise sur pied d'un laboratoire en partenariat avec l'Université de Montréal et Yoshua Bengio.

"Nous sommes dans la phase où les entreprises peuvent tirer profit de ce que nous avons mis trente ans à élaborer, relève Yoshua Bengio. Dans les cinq prochaines années, il y aura un raz-de-marée de nouvelles applications ou d'améliorations aux systèmes existants." Dans le but d'inciter les entrepreneurs à adopter ces récentes technologies (reconnaissance vocale ou faciale, algorithmes divers et variés), Yoshua Bengio a lancé Element AI en 2016, un laboratoire de recherches appliquées en intelligence artificielle. "Le but est d'accompagner le plus grand nombre d'entreprises en leur expliquant comment utiliser l'apprentissage profond dans leur domaine d'activité et en leur montrant les bénéfices qu'elles pourront en tirer", explique Philippe Beaudoin, vice-président à la recherche d'Element AI.

Des perspectives d'emploi alléchantes

Depuis sa création, le laboratoire est passé de huit à 70 salariés, et ce n'est pas fini. Selon Philippe Beaudoin, les perspectives d'emploi sont alléchantes. "Beaucoup de start-up et d'entreprises plus anciennes vont avoir besoin de développeurs spécialisés en intelligenceartificielle, de data scientist (science des données) ou d'ingénieurs. Des personnes venant d'autres univers, comme des commerciaux haut de gamme, des bibliothécaires de banques de données et même des designers figureront aussi bientôt parmi les professions demandées" ajoute-t-il. Autant d'opportunités offertes par Montréal qui se rêve déjà en Silicon Valley du Canada.

Publicité