Margot Malmaison

Margot Malmaison, des références et des codes qui parlent à toutes les jeunes filles.

MAMS DREAMLAYS/MICHEL LAFON/SDP

Elles s'appellent Lauryne, Laura, Manon, Marion, Solène, Coline ou Ophélie. Elles ont 13, 15 ou 17 ans, ne lisent jamais de livres -et surtout pas ceux imposés par le collège, vraiment "trop nuls"-, mais ont parfois poussé leur mère à faire deux heures de route pour être là. Là, c'est la librairie Martelle, temple de la littérature dans le centre d'Amiens (Somme). Elles n'y avaient jamais mis les pieds avant et y sont venues pour une seule raison: voir celle qu'elles considèrent comme leur grande soeur ou leur meilleure amie, une certaine Margot Malmaison.

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Les plus de 20 ans ne connaissent pas son nom. Mais, à l'âge des boutons qui brouillent le teint, des appareils dentaires qui faussent les sourires, des complexes qui renforcent la gaucherie des corps, la jeune femme de 19 ans est un modèle. Margot Malmaison, c'est 113000 abonnés sur Instagram, 124000 sur Facebook. Essentiellement des filles, essentiellement nées après l'an 2000.

C'est aussi l'auteure de trois livres, tous édités chez Michel Lafon, aux titres sans mystère: Un amour de jeunesse, One love, En toute intimité. Tous ont fait des cartons -plus de 80000 exemplaires pour le premier, 45000 pour le deuxième, et le troisième, sorti à la fin de juin, est entré, dès la première semaine, à la 14e place du classement des essais de L'Express.

Sa popularité pour fonds de commerce

Margot Malmaison fait partie de ces nouvelles stars issues des réseaux sociaux, qui prospèrent sur leur seule popularité, et non, comme hier, à la faveur d'une chanson douce ou d'un rôle de Lolita. Elle est la version proprette de ces parcours fulgurants: sur ses comptes Snapchat, Twitter ou Facebook, le rose domine et les coeurs se distribuent en abondance.

Ses livres sont la déclinaison XXIe siècle des romans-photos, de ces bluettes au goût sucré qu'on apprécie quand on croit encore au prince charmant. Dans les deux premiers, elle raconte son histoire d'amour avec son jeune voisin, Maxence, devenu depuis un chanteur de rap, Ma2x, prisé des mêmes ados, inconnu des mêmes parents. Le texte est ponctué d'images -"notre première photo", "notre premier bisou"-, d'émoticônes, et de "pff..." évocateurs.

Elle y parle de la bonne copine avec qui on peut tout faire, de la fille qui enchaîne les mecs, de Maxence qui l'appelle "sa petite femme". Ami-amour? Il m'aime / il m'aime pas? "Parfois, je me demande si tu es au courant que j'ai un coeur", "un amour aussi fort comporte des virgules, jamais des points".

Lui en livre la version musicale dans sa chanson Un amour de jeunesse, "un amour si fort, un amour qui nous blesse": "Si j'allais au collège, c'est car je savais que tu y étais, si je me faisais beau tous les matins, c'est car je savais que je te verrais." Le clip fait 18 millions de vues sur YouTube, lui chante, elle y joue son propre rôle.

Le couple qui fait rêver les ados

A deux, ils incarnent la vraie vie à hauteur d'ado, avec juste ce qu'il faut de rêve. Et ça marche. Margot et Maxence ont fait de leur histoire un petit business. Le succès aidant, on les voit apparaître dans Public ou Closerteen -version ado de Closer qui traite de l'actualité de stars comme M. Pokora et de questions aussi essentielles que "Que pensent les mecs de toi?", test dont le résultat ne peut être que "distante et mystérieuse", "sympa et naturelle" ou "surprenante et imprévisible".

Closerteen

Love story avec Maxence, mariage à Las Vegas... sur les réseaux sociaux ou dans la presse people, Margot Malmaison sait raconter et mettre en scène son existence.

© / Closerteen

L'été dernier, les deux magazines ont eu droit aux photos du mariage des deux tourtereaux à Las Vegas, elle robe courte et chaussures roses, lui bermuda blanc et baskets, des pétales de rose flottant autour d'eux. Elle dit: "Devant Elvis, c'était le truc à faire", et "j'ai réalisé mon rêve de petite fille". Ses fans ont les yeux qui brillent quand elles en parlent.

En bas de la double page apparaissaient, pour elle, la photo de couverture de son livre, pour lui, l'affiche de sa tournée. Affaires oblige... Désormais, Margot se fait rémunérer pour des partenariats avec des marques qui offrent des codes promotionnels à ses fans. Rien d'extravagant. Elle dit toucher entre 100 et 800 euros par billet. Et reconnaît s'être fait offrir une montre par une des marques dont elle assure la promotion. Elle la trouvait "chère en boutique", ce modèle vaut... 180 euros.

L'image de la réussite, de la star accessible

Elle vient d'un milieu modeste -papa est agent technique, maman aide-soignante de la banlieue de Rouen. Elle a passé un bac technologique d'"accompagnement, soin et services à la personne" (ASSP) avant d'arrêter l'école. Comme ses fans, quand elle vient à Paris faire du shopping, c'est aux Halles qu'elle va, pas dans les quartiers chics. Quand Maxence vient "habiter à Paris", ce n'est pas au coeur de la capitale, mais dans une zone pavillonnaire de banlieue, à portée de RER. Bref, une vie presque ordinaire, juste au-dessus de celles de leurs fans.

Dans un monde où les "ça" ont une fâcheuse tendance à s'écrire "sa", où les participes passés se transforment volontiers en infinitifs (à moins que ce ne soit l'inverse), où l'on lance sans ciller un "si je penserais que...", Margot personnifie la réussite, sans avoir pris la grosse tête ni quitté son entourage.

"Elle reste très accessible. Qu'une telle histoire arrive à quelqu'un qui leur ressemble autant, ça plaît à ses fans", souligne la journaliste Anna Topaloff, qui a aidé la jeune femme dans la rédaction de son dernier ouvrage, composé cette fois de réponses à des courriers sur des thèmes comme le harcèlement, l'amour, les copines, les parents, les complexes...

"C'est la copine que tout le monde voudrait avoir"

Margot Malmaison sait qu'elle vend son image et l'entretient. Toujours apprêtée, manucure soignée et maquillage naturel, elle se prête volontiers aux demandes de ses admiratrices. Un selfie? Va pour un selfie. Une vidéo pour la copine qui n'a pas pu venir? Pas de problème. Un câlin pour finir? Elle se laisse enlacer sans rechigner.

Elle appelle ses fans "mes amours", répond aux messages qu'on lui adresse. Ses admiratrices adorent, elles qui pleurent parce qu'elles ne pourront pas venir à une dédicace, qui disent "avoir réalisé le rêve de leur vie ce 28 juin 2017" en la rencontrant, qui sont capables d'aller en quelques jours à Amiens, Strasbourg et Lille pour un rapide contact, au cours duquel elles n'osent pas toujours parler, tant elles sont impressionnées.

Même les mamans approuvent. Au contraire de certaines stars de la téléréalité, hypersexualisées, Margot Malmaison ressemble à n'importe quelle jeune fille bien élevée. Un jour d'été, elle porte une robe blanche, un petit foulard bleu au cou, un sac Vuitton; un autre, une grande chemise grise sur une jupe noire, avec juste quelques paillettes argentées pour le glam. "C'est la copine que tout le monde voudrait avoir. C'est une fille très saine, jamais transgressive, reprend Anna Topaloff. Il ne lui arrive que des trucs choupinets, très doux. Elle est parfaite pour des mamans toujours prêtes à acheter un livre à leur fille."

Un Amour de jeunesse, par Margot Malmaison, Michel Lafon

Un Amour de jeunesse, par Margot Malmaison, Michel Lafon

© / Michel Lafon

La maman de Lauryne, qui a pris son après-midi pour accompagner sa fille à Amiens, approuve: "Elle donne de bons conseils sans jamais être vulgaire. J'ai reconnu ma fille dans ce qu'elle dit et je pense qu'elle peut lui apporter des réponses." Même le petit frère de 9 ans, rare garçon dans cet univers féminin, a fini par tomber sous le charme.

Un professionnalisme à toute épreuve

A Amiens, toutes avaient la question sur le bout de la langue, aucune n'a osé la poser: comment c'est la vie après Maxence? Au début du mois de juin, Maxence et Margot ont annoncé leur séparation, déclenchant un flot de commentaires de "choquez" (sic) à "je suis en train de pleurer". Mais pas question de laisser percer de l'amertume. Maxence, qui s'y est essayé, a vite été remis au pas par ses fans.

Margot, elle, affiche un professionnalisme à toute épreuve. Demain, en dépit de la séparation, elle espère bien pouvoir jouer avec son ex dans une série mettant en scène ses livres. Le projet est bien avancé, pas encore signé.

En attendant, elle prépare un agenda à son image et entretient le suspense sur son prochain ouvrage. Elle aurait tort de s'en priver. Avec près de 5700 exemplaires de son dernier livre écoulés entre sa sortie, le 22 juin, et le 9 juillet, Margot Malmaison est un concept qui marche. Même sans Maxence.

Les éditeurs ont vite compris l'intérêt de publier des auteurs qui ont déjà de très nombreux fans sur les réseaux sociaux. Les éditions Hugo & Cie ont été pionnières avec Anna Todd et son After.

PhonePlay, par Morgane Bicail, Michel Lafon

PhonePlay, par Morgane Bicail, Michel Lafon

© / Michel Lafon

La maison Michel Lafon a, elle, détecté plusieurs Françaises comme Margot Malmaison. Des textes destinés à la jeunesse: PhonePlay, de Morgan Bicail, a dépassé les 40000 exemplaires et Blue, de Camille Pujol, sorti en janvier, frôle les 10000 ventes.

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Mais notoriété n'est pas garantie de succès. Le rappeur Ma2x n'a vendu qu'un peu plus de 5500 exemplaires de Ma story, soit nettement moins que sa petite amie de l'époque... une certaine Margot Malmaison.

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