Le plan du gouvernement pour économiser 4,5 milliards d'euros

Dans une interview accordée au Parisien-Aujourd'hui en France, Gérald Darmanin, ministre de l'Action et des Comptes Publics, dévoile les mesures pour boucler le budget 2017.

Gérald Darmanin dans son bureau du ministère de l'Action et des Comptes publics 
Gérald Darmanin dans son bureau du ministère de l'Action et des Comptes publics  LP/Frédéric Dugit

    Dans son audit sur l'état des finances de la France rendu début juillet, la cour des comptes à été très claire : pour parvenir au seuil symbolique des 3% de déficit public à la fin de l'année, le gouvernement doit trouver entre 4 et 5 milliards d'euros d'économie. En exclusivité pour le Parisien-Aujourd'hui en France, Gérald Darmanin fait le tour des 4,5 milliards d'euros d'économies que l'Etat entend réaliser d'ici la fin de l'année 2017. L'intégralité des mesures repose sur les efforts de l'Etat, mais sans suppressions de postes ni coup de rabot sur les minimas sociaux. Les ministères vont devoir se serrer la ceinture. En revanche, ni les collectivités locales ni la Sécurité sociale ne seront mis à contribution. De même, aucune hausse d'impôt n'est prévue.

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    Selon la Cour des comptes, il faut réaliser 4 à 5 milliards d'euros d'économies d'ici fin 2017 pour arriver à 3 % de déficit public. Les arbitrages ont-ils été rendus ?
    GÉRALD DARMANIN. Oui. Nous tiendrons la parole de la France. Nous avons trouvé 4,5 milliards d'euros d'économies pour contenir le déficit sous les 3 % dès cette année sur le seul budget de l'Etat. Ni les collectivités locales, ni la Sécurité sociale ne seront mises à contribution. L'Etat va donc être exemplaire vu qu'il ne l'a pas été dans la gestion précédente. Pour ce faire, le Premier ministre a fixé deux règles. Un : on ne touche pas aux services publics rendus aux Français. Deux : on n'augmente pas les impôts, contrairement aux pratiques des précédents gouvernements. Nous le ferons aussi sans toucher aux minima sociaux. C'est inédit. 

    Ce montant global d'économies est-il sans précédent ?
    Oui, c'est sans précédent. D'abord, parce que jamais personne n'a fait 4,5 milliards d'euros d'économies. La moyenne est plutôt de 2,5 milliards. Et c'est la première fois qu'on le fait dès le mois de juillet, c'est- à-dire en milieu de gestion et donc sans toucher aux effectifs.


    Qu'est-ce que ce plan implique, ministère par ministère ?
    Il n'y a pas de coup de rabot global, selon la volonté du président de la République. Nous avons considéré qu'il y avait possibilité de réduire le train de vie des ministères : sur la gestion du parc des voitures, avec des appels d'offres mieux négociés, etc. Les mesures ont été négociées avec l'intégralité des ministres. Les services du Premier ministre, par exemple, vont connaître une diminution de 60 millions d'euros de leur fonctionnement. A Bercy, c'est 268 millions d'euros d'économies. Nous avions un programme de numérisation, j'ai demandé qu'on le fasse moins cher. Au ministère des Affaires étrangères, c'est 282 millions d'euros en moins, dont la moitié sera de la baisse de l'aide publique au développement.


    La Défense, l'Intérieur ou la Justice vont-ils devoir faire un effort ?
    Nous avons demandé au ministère de la Défense de tenir le budget qui a été voté en 2017 par le Parlement, ce qui entraîne une réduction des dépenses de 850 millions d'euros. Le budget ne diminue pas, mais l'enveloppe votée devra être respectée. Il faudra assurer le financement des opérations extérieures en trouvant des économies ailleurs. De même, le ministère de l'Intérieur va faire 526 millions d'euros d'économies de fonctionnement, sans toucher aux effectifs de police et de gendarmerie. Enfin, pour la justice, ce sera 160 millions d'euros d'économies, essentiellement des programmations immobilières.

    L'Education nationale sera impactée ?
    Il y a une économie de 75 millions d'euros. Mais il n'y aura pas de postes de professeurs supprimés pour la rentrée scolaire. Et nous allons tenir l'intégralité des promesses du président de la République, notamment sur l'accompagnement des auxiliaires de vie scolaire auprès des enfants handicapés. Nous faisons justement des économies pour pouvoir mettre de l'argent là où nous en avons besoin. Je prends un exemple : l'hébergement d'urgence cet hiver n'a pas été budgétisé. Sans économies, nous aurions été obligés de fermer les centres cet hiver.

    Le ministère de la Culture est aussi mis à contribution ?
    Nous ne touchons pas à la création et au spectacle vivant. On a trouvé, sur la gestion du ministère, 50 millions d'euros d'économies.


    Et pour les transports, des chantiers vont être suspendus ?
    Nous ferons 260 millions d'euros d'économies. C'est conforme au discours du président, qui a dit qu'on faisait une pause et une revue de tous les grands projets. Des crédits étaient prévus pour des études, on a décidé de les suspendre.

    Allez-vous toucher aux contrats aidés ?
    Oui. Le précédent gouvernement en a fait 190 000 dans les cinq premiers mois, soit deux tiers de l'enveloppe prévue. Nous en ferons 110 000 dans les mois qui restent. C'est au ministère du Travail de les répartir.

    Il faudra faire trois fois plus d'économies en 2018. Comment allez-vous faire ?
    Nous anticipons avec des réflexions sur les réformes structurelles à mener, dès à présent, concernant la politique du logement, de l'emploi, la formation professionnelle. Je reçois d'ailleurs dès cette semaine tous mes collègues pour y travailler. Et sur les niches fiscales, il n'y a pas de tabous.


    Mettre en œuvre la réforme de la taxe d'habitation dès 2018 va avoir un coût. Peut-on déjà le chiffrer ?
    Le président a été élu sur un programme : il tiendra ses engagements et le gouvernement le mettra en œuvre. Si nous baissons la dépense publique, c'est justement pour pouvoir baisser les impôts des Français.

    Priorité aux transports du quotidien. L'inauguration de la ligne à grande vitesse (LGV) jusqu'à Bordeaux (Gironde) et Rennes (Ile-et-Vilaine) le 1 er juillet a été l'occasion pour Emmanuel Macron de mettre un sérieux coup de frein aux « grands projets » dans les transports. Fini les travaux importants et place aux renouvellements des infrastructures pour les transports du quotidien.

    La Défense doit rester dans les clous. Revu à la hausse en 2017, le budget du ministère des Armées se chiffre à 32,7 Mds€, soit 1,7 % du PIB. Cette augmentation de 600 M€ est censée financer une bonne part de la hausse des effectifs. Après les attentats du 13 novembre 2015, François Hollande avait en effet annulé la suppression de 10 000 postes et décidé d'en créer 800 de plus d'ici à 2019. Autre motif de dépassement, les opérations extérieures dont la Cour des comptes dénonce la sous-budgétisation. Chiffrées à 450 M€ pour 2017, elles dépassent le milliard d'euros depuis plusieurs années. Le budget de la Défense va continuer à augmenter dans les années qui viennent, la France s'étant engagée, dans le cadre de l'Otan, à le hisser à 2 % du PIB d'ici à 2025.

    Moins de contrats aidés. Nés en 1977, les contrats aidés ont eu droit à un coup de jeune sous le quinquennat de François Hollande. Ces contrats permettent à un employeur, privé ou public, d'obtenir une subvention publique de l'Etat. Le plus ancien est le contrat unique d'insertion (CUI) qui s'adresse aux personnes dont l'accès à l'emploi est particulièrement difficile comme les chômeurs de longue durée. Durant son mandat, François Hollande a créé les emplois d'avenir, destinés aux 16-25 ans très peu diplômés et dont profitent les collectivités publiques et associations, ainsi que les contrats de génération qui permettent à une entreprise privée d'embaucher un jeune si elle conserve un senior. 473 000 personnes étaient concernées en mars 2017, contre 542 000 en juin 2016, selon le ministère du Travail.