AGRICULTUREPourquoi le glyphosate pose (ou non) problème

Glyphosate: Pourquoi les experts s'écharpent-ils autour de ce pesticide?

AGRICULTUREAlors que l’UE doit rendre son verdict concernant l’éventuelle prolongation de l’autorisation du glyphosate en Europe, les experts s’opposent fermement sur la question de la toxicité du désherbant…
Le Roundup, fameux désherbant de jardin, contient du glysophate.
Le Roundup, fameux désherbant de jardin, contient du glysophate. - ALLILI MOURAD/SIPA
William Pereira

William Pereira

L’UE va décider mercredi ou jeudi si elle prolonge ou non de 9 ans l’autorisation du glyphosate sur le sol européen. Présente dans un grand nombre de désherbants comme le Roundup, la substance divise les scientifiques. L’agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) établit qu’il ne pose aucun souci, là où le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) le considère comme dangereux. Paradoxalement, le CIRC a été désavoué le 16 mai par sa maison mère, l’OMS, qui estime qu’il est finalement « peu probable » que le désherbant soit cancérogène.

  • Pourquoi les résultats des deux entités divergent ?

Interrogé par 20 Minutes, le biologiste Robert Bellé explique que l’opposition entre l’EFSA et le CIRC vient de leurs méthodes de travail. « L’EFSA, a évalué les principes actifs du glyphosate pur, alors que le CIRC a évalué directement des produits contenant du glyphosate. Or, le glyphosate pur, à moins d’être utilisé en énorme quantité, ne pénètre pas dans les cellules, et a besoin d’adjuvants pour y parvenir. Mais les adjuvants ne sont qu’une passerelle pour le glyphosate, qui reste le centre du problème », analyse-t-il.

Porte-parole de la plateforme Glyphosate France, Emilien Guillot-Vignot désigne quant à lui d’autres différences méthodologiques. « Le CIRC analyse la matière intrinsèque, quand l’EFSA analyse le danger face à une exposition. Il y a une mise en situation de la part de l’EFSA, qui évalue par exemple le risque que l’agriculteur inhale un certain produit ou s’en verse sur les mains en l’utilisant », déclare-t-il.

  • Que disent exactement les deux camps ?

S’il ne nie pas que le glyphosate « est un produit toxique » et, qu’a fortiori, « il faut faire attention aussi bien aux conditions climatiques dans lesquelles on l’utilise qu’aux dosages utilisés », Emilien Guillot-Vignot garantit que « son profil est sain d’un point de vue environnemental. »

Une vision que ne partage pas Robert Bellé. « Le glyphosate est un produit génotoxique, c’est-à-dire qu’il attaque le gène au moment de la division cellulaire », avant de pointer du doigt un autre problème, celui de l’AMPA, produit de dégradation du glyphosate (« qui est encore pire »). « Admettons que vous ayez répandu 1 g de glyphosate sur une surface donnée. Il restera 0,5g de glyphosate au bout d’environ un mois, mais aussi 0,5g d’AMPA, dont l’espérance de vie est bien plus grande, et que l’on retrouve notamment dans les eaux en Bretagne », illustre-t-il.

Existe-t-il une alternative au glyphosate dans le domaine agricole ?

Le porte-parole de la plateforme Glyphosate France rapporte qu’il n’existe aujourd’hui « aucune alternative » à cette substance dans le domaine agricole. Il ajoute également, citant une étude d'Adquation, que « deux tiers des agriculteurs français ont utilisé un désherbant à base de glyphosate » cette année, et que « 90 % estiment qu’ils se retrouveraient dans une situation qui leur poserait des problèmes assez sérieux si le glyphosate venait à être interdit en France ». Robert Bellé prend de son côté l’exemple de l’atrazyne, substance aujourd’hui bannie de l’agriculture, pour mettre en lumière le caractère dispensable du glyphosate. « Quand les agriculteurs ont appris que c’était une molécule nocive, ils l’ont pris en considération et ont cherché une alternative. Il faut faire pareil avec le glyphosate. »

  • Réduire l’utilisation du glyphosate au quotidien

Il est cela dit un point sur lequel les deux intervenants tombent d’accord. Les produits comme le Roundup sont parfois utilisés trop facilement à petite échelle. « En France, on utilise environ 8.000 tonnes de produits contenants du glyphosate par an. Dans cette utilisation, on trouve des applications diverses, comme le désherbage des trottoirs dans les communes, alors qu’il a été démontré que les brosses latérales de camions nettoyeurs suffisent dans ce cas », s’indigne Robert Bellé. Et Emilien Guillot-Vignot de conclure. « Individuellement, il y a eu de mauvaises utilisations de ces produits. Ce n’est pas quelque chose qui est contrôlable, mais on peut combattre ce problème par de la pédagogie. »

Un problème que n’auront peut-être plus à se poser les experts français puisque Marisol Touraine a déclaré qu’elle ne prolongerait pas l’autorisation du glyphosate en France.

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