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Politique

Avec Pierre de Villiers, Macron a trouvé plus pro que lui en com'

De cet affrontement avec le chef d'état-major des armées (démissionnaire depuis), Emmanuel Macron ne sort pas vainqueur, ni en politique, encore moins en communication.

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Général Pierre de Villiers et Emmanuel Macron

Général Pierre de Villiers et Emmanuel Macron

(c) AFP

Emmanuel Macron avait-il d'autre choix que de contraindre à la démission le général Pierre de Villiers, chef d'état major des armées, lequel, auditionné la semaine dernière devant la commission de la Défense de l'Assemblée, s'était rudement opposé à la politique d'économies budgétaires mises en place par le gouvernement sous l'autorité du chef de l'État- en clair l'annulation de 850 millions d'euros de crédit sur le budget de la Défense en 2017? Dans les jours qui viennent, les meilleurs spécialistes du sujet -militaires et civils confondus- auront à n'en pas douter l'occasion de s'expliquer et de s'opposer… À l'Élysée et au ministère des Armées, on se contente de faire savoir "qu'en 2018, il y aura l'augmentation budgétaire la plus importante des quinze dernières années et que l'engagement [capital celui là] d'un budget de la Défense à 2% du produit intérieur brut (PIB) d'ici 2025 sera tenu". 

Alors, fermez le ban puisqu'en toute légalité républicaine et militaire, le général de Villiers a aussitôt cédé place et fonction au général François Lecointre, 55 ans, carrière exemplaire - "un héros", dit-on déjà-, réputation en béton… Certainement pas puisque cette affaire de Villiers relève aussi de la politique et d'un art connexe à la politique,  art dans lequel Emmanuel Macron avait jusque là excellé, celui de la communication.  

Or de cet affrontement, il ne sort pas vainqueur, ni en politique, encore moins en communication. Un (petit) événement en ce début de quinquennat plutôt fort mal mené et ce, de l'avis quasi général.

Sur le terrain politique, il n'est pas inutile de relever que, pour la première fois depuis fort longtemps, en tout cas depuis le premier tour de l'élection présidentielle, l'excellent éditorialiste du Figaro, Guillaume Tabard, "cogne" le président:" c'est le style Macron qui est en question (…). Ce qui était mis à son crédit commence à être mis à son débit. Son autorité était saluée; son "autoritarisme" est désormais pointée (…). Le président donne le sentiment d'avoir fait sa première faute politique. Jupiter, brutalement, revient chez les humains". Nulle surprise donc à ce que le chœur non pas des vierges mais des opposants, de l'extrême-droite à l'extrême-gauche, de Marine Le Pen à Jean-Luc Mélenchon, sans oublier une palanquée de Républicains (LR) et un ersatz de socialistes, entonnent sans la moindre fausse note ni couac une ode au général Pierre de Villiers qui, sans aucun doute, en mérite tant et même plus...

Une fois ce cantique entonné, une fois le général sanctifié et béatifié, les "politiques" en arrivent à vitesse grand V à une exécution du président qui, apparemment, n'est plus "intouchable"…

-Benoît Hamon (ex-PS) qui n'a décidément pas l'intention de se faire oublier:" la démission du général Pierre de Villiers est le nouveau chef d'œuvre d'Emmanuel Macron"… Ironique avec ça…

-Louis Alliot (vice-président du FN), sur la ligne "Macron brade les intérêts de la France:" la cécité idéologique du président est enfin démontré"…

-Hervé Morin (centriste UDI, ex-ministre de la Défense), paternaliste:"un pêché de jeunesse de la part de Macron"…

-Jean-Luc Mélenchon, que les électeurs de la France Insoumise ne savaient pas à ce point accro à l'art et aux stars militaires:" je déplore que Villiers soit contraint à la démission sur une admonestation publique du chef auto-proclamée des armées. Le chef des armées, c'est le parlement". Lecture inédite, pour le moins originale des institutions et de la pratique en 5ème république, mais pourquoi pas… 

Une offensive politique de faible ampleur

Constatons que l'offensive politique reste de faible ampleur. Les principaux ténors de la droite républicaine sont restés silencieux- Juppé, Raffarin, Wauquiez. Jean-Pierre Chevènement, "grande" conscience républicaine et féru des choses de la guerre, a estimé utile de faire savoir "qu'il a la plus grande estime pour le général et regrette son départ". L'ex-ministre des armées s'est contenté du "service minimum", comme s'il ne voulait pas polémiquer avec ce nouveau président dont il pense et dit plutôt du bien. Plus gênant, les réserves du député La République En Marche (LREM) Jean-Jacques Bridey, président de la commission de la Défense à l'Assemblée nationale. Première fissure d'importance dans le camp Macron. La preuve, au moins, que les divergences peuvent là aussi apparaître au grand jour, qu'elles ne sont ni interdites ni sanctionnées.

Alors pourquoi cette affaire Macron/Villiers a-t-elle pris tant d'importance en ces premiers jours d'assoupissement estival? Parce que, pour le coup et sur ce coup, Emmanuel Macron a découvert en la personne du général Pierre de Villiers un maître en matière de…communication.

Une opération en 3 étapes

Première séquence: s'exprimant devant les députés de la commission de la Défense, le cavalier Villiers se laisse aller- volontairement ou pas? "Je ne me laisserai pas baiser comme ça", assène-t-il à propos des 850 millions d'Euros rognés. Le propos est aussitôt "exfiltré", rapporté sans être pour autant déformé.

Mais qui donc chercherait à "baiser" un chef d'état major des armées si populaire parmi les siens et qu'Emmanuel Macron vient de renouveler à son poste, ce CDMA avec qui le chef de l'état apprécie tant de se montrer? Qui Villiers a-t-il inscrit dans son viseur? L'Élysée? Matignon? Bercy? Cet univers tout entier voué à sa vindicte? Le président, et c'est sans doute son impair psychologique , semble le prendre pour lui, d'abord et avant tout pour lui.

Deuxième séquence: prenant la parole devant les plus hauts gradés des militaires, dont Pierre de Villiers, dans les jardins de l'hôtel de Brienne  comme l'exige la tradition à la veille du défilé du 14 juillet, le président a choisi de répliquer, de ne pas passer sous silence la sortie "salle de garde" du Général ainsi que le reste de ses propos face aux parlementaires. Villiers a frappé fort. Macron va frapper plus fort encore sans le moindre mot trivial, froid, mâchoires serrées: "je considère qu'il n'est pas digne d'étaler certains débats sur la place publique. J'ai pris des engagements [les fameux 2%, l'obsession du général]. Je suis votre chef. J'ai le sens du devoir. J'ai le sens de la réserve. Les engagements que je prends devant nos concitoyens et devant les armées, je sais les tenir. Et je n'ai, à cet égard, besoin de nulle pression et de nulle commentaire".

Dans l'esprit du président de la république, le "se faire baiser" n'est pas passé et ne passe pas!  

Troisième séquence: mortifié d'avoir été "recadré en public et devant les "siens", le général de Villiers n'a plus d'autre choix choix que de partir. C'est ainsi qu'il a entendu le "message" de Macron. Mais il ne "s'écrasera pas", hors de question, même s'il prend la peine de faire savoir que le "se faire baiser" visait Bercy. Il sait bénéficier de l'appui de la quasi totalité de ses pairs militaires et il choisit de défier le maître de la communication en son jardin. D'où un communiqué ciselé officialisant sa démission et cette phrase partout répété, "la" phrase qui percute les Français de plein fouet, forcément :"je considère ne plus en être en mesure d'assurer la pérennité du modèle d'armée auquel je crois pour garantir la protection de la France et des Français". 

À ce moment précis, avec cette sortie précise, Villiers 1-Macron 0! Du moins dans l'opinion publique. Mais Emmanuel Macron accepte ce risque: pas question en effet de plier, et donc de se retrouver entravé en permanence, sur chaque dossier "chaud", à la manière de ses deux récents prédécesseurs, Nicolas Sarkozy et François Hollande. Quitte à en payer le prix, en particulier sondagier.

Prochaine séquence: entamer la réconciliation entre les militaires et le président. Gageons qu'une (bonne) surprise budgétaire pourrait advenir sous peu…

 

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