Interview

VIH : «Beaucoup de jeunes gays ne savent pas comment ça se transmet»

Une étude publiée ce mardi fait état d'une «situation préoccupante» des hommes homosexuels en France face au virus du sida. Aurélien Beaucamp, président de l'association Aides, évoque la responsabilité de l'Etat.
par Camille Rivieccio
publié le 18 juillet 2017 à 18h44

Une étude réalisée auprès de 2 646 individus, sollicités dans des lieux de convivialité gay de cinq villes françaises – Lille, Lyon, Montpellier, Nice et Paris –, identifie certains comportements à risque chez les jeunes homosexuels. Au total, 28 % des personnes interrogées admettent avoir eu au moins une relation sexuelle non protégée. Et 14,3 % des sondés sont séropositifs, un chiffre à peu près similaire aux autres villes européennes. En revanche, la part des jeunes de moins de 30 ans atteints est plus élevée dans l’Hexagone. Aurélien Beaucamp, président de l’association Aides, dénonce un dysfonctionnement des services de l’Etat.

Y a-t-il un défaut de prévention ?

Aujourd’hui, on a tous les outils, l’offre de dépistage est importante. Le problème c’est la responsabilité de l’Etat. Il n’y a plus de prévention sexuelle de base. L’Education nationale doit engager des investissements à l’image de ceux entrepris dans les années 90. Des journées de prévention étaient organisées dans les collèges et lycées. Il y a clairement quelque chose qui ne fonctionne pas aujourd’hui. Mais il faut relativiser cette étude. Tous les homosexuels ne se rendent pas dans les lieux gays. Il y a une population fragilisée, difficile à atteindre, celle des travailleurs du sexe, des immigrés, et des personnes en situation sociale précaire. L’autre problème réside dans les modes de rencontre. On ne peut pas agir sur les sites de rencontre. Certaines sociétés privées prennent conscience de cette problématique et tissent des partenariats avec nous.

Craint-on moins le sida aujourd’hui ?

Avant, pour prévenir, on faisait peur. Cette génération a été terrorisée à l’idée d’avoir des relations sexuelles. Maintenant, on ne meurt plus du sida, mais on vit avec toute sa vie. Et on vit plutôt bien avec des traitements plus ou moins lourds, sans qu’on ait trouvé une potion miracle pour guérir. Aujourd’hui, c’est vrai, il y a une communication paradoxale. Pour autant, le VIH est toujours perçu comme une infection honteuse.

Comment expliquez-vous que les jeunes soient moins sensibilisés qu’avant ?

Récemment, la parole homophobe s’est libérée, avec le débat sur le mariage pour tous notamment. Les jeunes homosexuels ne veulent pas dire ce qu’ils sont, je parle en connaissance de cause parce que j’ai été un jeune gay moi aussi. Lorsqu’ils évoluent dans un cadre qui cultive le tabou, à l’école, dans la famille ou entre amis, ils n’évoquent pas leur sexualité. Sur le terrain, on rencontre énormément de jeunes gays qui ne connaissent même pas les modes de transmission des MST. Il existe soixante-seize lieux en France métropolitaine et dans les territoires d’Outre-Mer où ils peuvent être reçus anonymement et conseillés par d’autres, qui connaissent leur quotidien.

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