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Scandale à Alger : l'ambassadeur saoudien qualifie le Hamas d'« organisation terroriste »

Les propos de l'ambassadeur d'Arabie saoudite à Alger le 12 juillet, qui a qualifié le Hamas d'« organisation terroriste », ont provoqué des réactions d'Alger à Gaza
Un partisan du Hamas et sa fille commémorent le 29e anniversaire du mouvement à Gaza en décembre 2016 (AFP)

ALGER – Dans un entretien accordé à la télévision privée algérienne Ennahar TV, l’ambassadeur saoudien à Alger, Samy Ben Abdallah Salah n’a pas hésité à qualifier le Hamas palestinien de «  terroriste » : « Bien sûr que le Hamas est une organisation terroriste ! », a-t-il déclaré le 12 juillet.

https://www.youtube.com/watch?v=JCCAde30_yA

Le journaliste algérien lui pose la question de la légitimité de la résistance, mais l’ambassadeur du royaume wahhabite enfonce le clou : « Le droit de résistance est garanti, mais pas en restant dans des hôtels cinq étoiles au Qatar pour ourdir des complots ».

Le premier à réagir à ces déclarations a été le parti algérien du Mouvement pour la société pour la paix (MSP, tendance Frères musulmans).

« La déclaration de l’ambassadeur saoudien à Alger contre la résistance palestinienne est une entrave au droit et aux accords arabes et internationaux qui garantissent le droit des peuples à lutter contre toutes les formes de l’occupation ! C’est une agression contre la longue liste de martyrs qu’a sacrifiés ce mouvement leader de la résistance », a écrit le président du parti, Abderrezak Makri, dans un communiqué de presse.

« Les accusations de l’ambassadeur saoudien ciblant les dirigeants de la résistance à l’intérieur de la Palestine et à l’étranger reflètent son ignorance des besoins de cette résistance, qui s’appuie autant sur la lutte armée que sur la représentations à l’internationale comme ce fut le cas pour la révolution algérienne », lit-on encore dans ce communiqué très largement commenté sur les réseaux sociaux.

Traduction : « Ceux-là sont les dirigeants de la révolution algérienne qui ont lutté  à l’intérieur et à l’extérieur du pays pour réaliser l’indépendance exactement comme le font aujourd’hui les dirigeants du Hamas palestinien. Selon, donc, l’ambassadeur saoudien, ce sont des terroristes ! ». Photo datant de mars 1962, prise lors des négociations entre les dirigeants du Front de libération nationale (FLN) et les responsables français à Évian en Suisse.

« Cette déclaration, faite au pays des martyrs, est une atteinte aussi à l’Algérie, à sa révolution libératrice, et à ses positions officielles et populaires de soutien inconditionnel à la lutte palestinienne et à tous les mouvements de résistance », ajoute le leader du MSP appelant le diplomate saoudien « à s’excuser auprès des peuples algérien, palestinien et saoudien et de tous les peuples qui soutiennent le droit à la lutte contre l’occupation ».  

Dans la foulée, le député MSP Nacer Hamdadouche a qualifié, sur sa page facebook, l’ambassadeur du royaume de « traître » qui a « vendu son âme et son honneur au diable ! ».

Sur Twitter, plusieurs hashtag de dénonciations ont été lancés dès la publication des propos du diplomate : « Bien sûr, c’est une résistance » , « Hamas est un mouvement de résistance et non un mouvement terroriste », etc.

Depuis Gaza, le palestinien Mohamed Abou al-Majd a lui aussi lancé un hashtag : « Merci au peuple algérien ».

https://twitter.com/AboAlmajd_Mohd/status/885237757907546113

Traduction : « #BienSûrC'estUneRésistance est un hashtag lancé par les hommes valeureux d'#Algérie rejetant les déclarations de l'ambassadeur saoudien chez eux qui a qualifié le #Hamas d'organisation terroriste #MerciAuPeupleAlgérien #HamasEstRésistanceEtPasTerrorisme »

Cet énième soubresaut de la crise du Golfe, qui s’étend maintenant à une représentation diplomatique saoudienne en Algérie, intervient dans un pays qui fait de la définition consensuelle du terrorisme un axe important de sa diplomatie.

L’Algérie, qui a fait face à un terrorisme de masse dans les années 1990, milite pour que soit adoptée une définition du terrorisme « acceptable » mais évitant les amalgames, en particulier la tendance à associer islam et activités terroristes.

« Il nous sera impossible d’assimiler à des actes terroristes les combats que mènent les peuples privés de leurs droits », avait insisté en 2002 devant l’Assemblée générale de l’ONU le président algérien Abdelaziz Bouteflika.

À LIRE : Hezbollah : Alger veut faire la différence entre terrorisme et résistance

Alger a aussi refusé d’accepter les classifications d’« organisations terroristes » établies par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), l’Union européenne (UE) ou le Département d’État américain.

Même au sein de la Ligue arabe, l’Algérie a résisté aux tentatives de certains pays du Golfe de qualifier le Hamas, puis le Hezbollah libanais, d’« organisations terroristes ».    

Le Hamas palestinien a qualifié les déclarations de l’ambassadeur saoudien en Algérie d’« étrangères aux préceptes et principes de la oumma arabo-islamique, qui est la profondeur stratégique de la cause palestinienne ».

Le mouvement palestinien a défendu son statut de mouvement de résistance « légitime » contre l’occupant, et de « fer de lance de la défense de la première qibla [direction de la prière] ».

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