Il y quelques jours, le gouvernement enjoignait les opérateurs à accélérer leurs déploiements afin d’offrir à tous un accès très haut débit (fibre, 4G ou satellite) à l’horizon 2022. « Le gouvernement a demandé aux opérateurs d’accélérer le déploiement des réseaux fixe et mobile et de définir une feuille de route détaillée dès septembre permettant d’atteindre l’objectif fixé par le gouvernement ».
Le message semble avoir été entendu 5/5 par SFR qui a formulé une proposition surprenante et de taille : fibrer « intégralement » toute la France, seul, sans argent public. Une promesse qui sonne comme un défi : « 80 % du territoire en 2022 et 100 % en 2025 ».
Si l’opérateur ne précise pas la technologie utilisée (fibre à terminaison coaxiale où il est déjà très présent ou fibre jusqu’à l’abonné où il l’est moins), il bouscule de fait le plan THD qui prévoit une « répartition des tâches » notamment dans les villes moyennes entre Orange et SFR.
Dans ces villes, le déploiement est géré à 80% par Orange et à 20% par SFR. Or, ce dernier entend obtenir plus : 50%. SFR a d’ailleurs décidé d’assigner Orange en justice pour forcer l’opérateur historique à renégocier la répartition de la couverture dans ces villes.
SFR tente donc de court-circuiter cette répartition qu’il conteste en prenant son destin en main, quitte à créer un second réseau au côté de celui d’Orange dans ces villes moyennes. « SFR a couvert sa partie des zones moyennement denses et a besoin de nouveaux territoires pour investir. Sinon, cela fait courir un risque au plan de déploiement du très haut débit en France », a déclaré une source anonyme citée par Les Echos.
8 à 15 milliards d’économies pour l’Etat
Du côté d’Orange, on estime que SFR est en retard dans son plan de déploiement : « depuis la fusion entre SFR et Numericable, la nouvelle entité a choisi d’adosser sa stratégie très haut débit principalement sur son réseau câblé, allant jusqu’à geler en zone moins dense le déploiement des communes confiées à SFR ».
Orange indique qu’il a été obligé de se substituer à SFR dans les zones dont il ne s’est pas occupé, ce qui ramènerait sa part de couverture effective à 10% et non 20%. Il reviendra désormais à la justice de trancher ce débat épineux.
Rappelons que l’Autorité de la concurrence a considéré en mars dernier que SFR n’a pas respecté sa part du contrat. Cela lui vaut un rappel à l’ordre et une sanction de 40 millions d’euros.
En zones peu denses, là où les réseaux sont co-financés par l’Etat à travers les RIP, SFR veut également déployer, seul, donc sans argent public. Là encore, on pourrait se retrouver avec deux réseaux en parallèle. Mais SFR a un argument de poids : son modèle permettrait à l’Etat d’économiser entre 8 et 15 milliards d’euros.
Dans les Echos, Michel Paulin, dg de SFR explique : « ce système devient obsolète et ne permet plus de tenir les engagements des pouvoirs publics, comme l’a rappelé la Cour des comptes. Par ailleurs, nous avons constaté que les conditions d’attribution des contrats publics manquent de clarté et connaissent de nombreux dysfonctionnements. La subvention publique, alors que le gouvernement cherche à faire des économies, tend aujourd’hui à devenir une source d’enrichissement de fonds d’infrastructures, basés dans des paradis fiscaux, ayant pour objectif de revendre leurs participations en faisant un gros profit sur le dos de l’Etat, et au détriment des vrais opérateurs télécoms. Nous allons donc investir et détenir notre propre infrastructure sur tout le territoire. Notre réseau sera ouvert pour accueillir les autres opérateurs qui le souhaitent ».
Bref, SFR affiche de nouvelles ambitions qui pourraient séduire l’Etat mais qui changent clairement les règles du jeu fixées au départ. On ne voit donc pas bien comment Orange pourrait accepter une telle remise en cause. Tout comme le régulateur. A moins qu’il s’agisse d’une manoeuvre osée afin d’obtenir ce fameux nouveau partage en zones moyennement dense…
Une hypothèse contestée par SFR : « Pas du tout, nous sommes déterminés à fibrer la France, à le faire rapidement, sans argent public. C’est notre première contribution au gouvernement, concrète, opérationnelle et basée sur nos convictions. Nous sommes prêts à travailler avec Orange pour encore accélérer ce déploiement ».
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