Inde : De fausses images déclenchent une vague de violences entre musulmans et hindous
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Un homme est mort et au moins 12 personnes ont été blessées dans des affrontements entre hindous et musulmans depuis le début du mois de juillet dans l’État indien du Bengale-Occidental. À l’origine de ces violences : une photo, publiée sur Facebook par un étudiant hindou et jugée blasphématoire par la communauté musulmane.
Une image, grossièrement photoshopée, de deux hommes ayant une relation sexuelle sur la Kaaba, l’un des lieux sacrés de l'islam à La Mecque, a suffi à mettre le feu aux poudres dans le Bengale-Occidental. Publiée sur Facebook par un jeune hindou au début du mois [la date exacte n’est pas connue, la publication ayant été supprimée depuis], elle a suscité l’indignation de la communauté musulmane de Baduria, dans l’est de l’État.
Allah hu Akbar was loudly heard during Communal flare up at Baduria
— Sourish Mukherjee (@me_sourish) July 4, 2017
Is it another Direct Action Day of 1946 in the making?? pic.twitter.com/pAcrBIjZnZ
Le 2 juillet, des dizaines de musulmans sont descendus dans les rues de la ville pour mettre le feu aux boutiques tenues par des hindous. Une foule en colère, qui réclamait la peine de mort pour l’internaute de 17 ans, a également incendié plusieurs voitures de police. Arrêté par les forces de l’ordre, le garçon a été mis à l’abri par crainte des représailles à son encontre. Ces derniers jours, la communauté hindoue a riposté alors que la police tentait difficilement de mettre fins aux émeutes.
@sudhirchaudhary after Dhulagarh in West Bengal pls do a DNA on Baduriya, Basirhat, West Bengal where Hindus are torchered by Muslims pic.twitter.com/TyBDanaKAA
— Suraj Mukherjee (@surajmukherjee) July 3, 2017
Une image d'agression... extraite d'un film
Ces altercations ont été suivies par la diffusion, sur les réseaux sociaux, de nouvelles fausses images alimentant les tensions. Le 5 juillet, un internaute, Bhabatosh Chatterjee, a ainsi assuré sur Facebook que plusieurs femmes hindoues avaient été molestées par des musulmans. Son message était accompagné d’une photo montrant un homme en train d’arracher le sari d’une femme devant un groupe d'hommes. Sauf qu'il s’agit en réalité d’une image extraite d’un film intitulé "Aurat Khilona Nahi", comme le rapporte Alt News, un site indien spécialisé dans la vérification d’informations.
L’auteur de cette publication a été arrêté pour incitation à la violence intercommunautaire. Mais, dans le même temps, d’autres vidéos et photos sorties de leur contexte se sont mises à circuler. Pour tenter d’apaiser la situation, les polices de l’État et de Calcutta, capitale du Bengale-Occidental, ont mis en garde les internautes sur Twitter et leur ont demandé d’arrêter de répandre des messages haineux ou de publier de fausses informations.
Some people are posting old videos of other countries/regions as incidents of West Bengal. This is highly condemnable...(1/2)
— West Bengal Police (@WBPolice) July 7, 2017
Some anti social elements are circulating provocative and fake videos from foreign countries to disturb peace in our beloved City of Joy.
— Kolkata Police (@KolkataPolice) July 7, 2017
All of you are requested to not get provoked by such false information and morphed photographs posted by people with vested interests.
— Kolkata Police (@KolkataPolice) July 7, 2017
"Les principaux médias indiens doivent réfléchir à des moyens de lutter en amont contre les fausses informations"
Pratik Sinha est le co-fondateur sur site Alt News. Selon lui, c’est aux médias indiens de mener un travail de sensibilisation aux contenus publiés sur les réseaux sociaux.
Les réseaux sociaux sont aujourd’hui devenus un canal de diffusion de l’information très important en Inde. Une image partagée sur WhatsApp peut faire le tour du pays. Cela s’accompagne d’une très nette augmentation de la diffusion des fausses informations et des images photoshopées. Dans un pays où l’accès à Internet est récent, c’est un vrai problème.
Beaucoup d'Indiens, notamment dans les zones rurales, n'ont pas l'habitude des réseaux sociaux et ne sont pas en mesure de filtrer ce qu'ils y voient. Aujourd'hui, nous en sommes au point où, s'il y a une rumeur qui circule sur les réseaux sociaux, elle se propagera immédiatement et pourra avoir des conséquences réelles.
Les principaux médias indiens, et en particulier la télévision, doivent donc commencer à prendre au sérieux cette question et réfléchir à des moyens de lutter en amont contre les fausses informations. Il faut apprendre aux internautes à ne pas croire tout ce qu'ils reçoivent.
Another incedent of vandalism by Muslim at Baduria,WB. No coverage by media. @DilipGhoshBJP @republic @tathagata2 @TimesNow pic.twitter.com/wNYUaatLLh
— Suman Dasgupta. (@HIDUDE3079) July 4, 2017
"Les politiciens se sont emparés des réseaux sociaux, ce qui a eu une grande influence"
Michael Kugelman est le directeur adjoint de l’"Asia program" au sein du Woodrow Wilson International Center de Washington, un centre de recherche sur les questions internationales. Il étudie notamment la politique indienne contemporaine et l’utilisation des réseaux sociaux chez les jeunes Pakistanais.
Malheureusement, ces incidents ne sont pas surprenants étant donné la polarisation de la société indienne. Le nationalisme hindou s’est accentué sous le gouvernement de Narendra Modi. [Premier ministre depuis 2014, il fait partie du Bharatiya Janata Party, un parti de droite nationaliste hindoue accusé de défendre l’hindutva, une idéologie qui prône le rayonnement d’une nation indienne fondée sur la culture hindoue, NDLR].
Governor2 Mamata"PoliceVan has been burnt down in Baduria"
— J Roy (@JRoys_) July 4, 2017
DearGovrnr PoliceVan was burnt down by BJP goons in Kolkata(pic) too.Any comment? pic.twitter.com/cSlsMkFLupLes réseaux sociaux ont une influence sur le monde extérieur. Les personnes de pouvoir, dont les politiciens, se sont également grandement emparées des réseaux sociaux, ce qui a eu une grande influence. Ces réseaux sont ainsi devenus des sources d'informations jugées crédibles et sûres pour beaucoup de gens. La propagation de fausses informations sur ces réseaux ne concerne pas seulement l’Inde, mais elle est ici renforcée par la polarisation politique de la société.