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Climat : la poigne de Macron n'a pas empêché Trump de sortir de l'accord de Paris
La poignée de main entre Macron et Trump avait rendu les médias gagas.
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Climat : la poigne de Macron n'a pas empêché Trump de sortir de l'accord de Paris

Environnement

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D’après la presse américaine, le président des Etats-Unis s’apprêtait à retirer son pays de l’accord sur le climat signé à Paris en 2015. Ce que Donald Trump a confirmé le 1er juin.

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1er juin, 21h en France, Donald Trump a confirmé lors d'une conférence de presse ce que les médias américains disaient depuis quelques jours : les Etats-Unis vont sortir de l'accord de Paris. "Afin de remplir mon devoir solennel de protection de l’Amérique et de ses citoyens, les Etats-Unis se retireront de l’accord de Paris sur le climat", a-t-il déclaré, considérant que l'accord "punissait" son pays.

>> L'article ci-dessous a été publié le 31 mai.

Les poignées de main les plus énergiques d’Emmanuel Macron n’auraient donc servi à rien ! Alors qu’une bonne partie de la presse française a été proprement ébahie par l’assurance du président de la République au moment de serrer la pince à son homologue américain à Bruxelles, il semble que notre chef de l’Etat a été meilleur devant les photographes qu’au moment de convaincre Donald Trump sur l’essentiel...

D’après plusieurs médias américains (les chaines CBS et CNN, le quotidien The New York Times), Donald Trump va décider de « sortir » les Etats-Unis de l’accord sur le climat signé à Paris fin 2015. Ce traité, signé par 195 pays et ratifié par 144 d’entre eux, avait été jugé « historique » et comportait des engagements majeurs visant à lutter contre la pollution et le réchauffement climatique.

L’accord prévoit notamment de « contenir le réchauffement bien en deçà de 2 degrés Celsius », et repose sur la bonne volonté des pays riches : ceux-ci devront fournir au moins 100 milliards de dollars par an à partir de 2020, et « montrer la voie » en matière de réduction des gaz à effet de serre, notamment en aidant financièrement les pays en développement.

Lorsque les médias américains ont annoncé la décision de Donald Trump, celui-ci a précisé sur Twitter qu’il rendrait sa décision publique « dans les prochains jours »... en faisant suivre son message d’un tonitruant « MAKE AMERICA GREAT AGAIN », son slogan de campagne, qui laisse peu de place aux doutes : le président américain devrait rester sur sa ligne et ne pas opérer de reculade sur le climat. Ce qui, avant l’élection, pouvait passer pour outrance, va devenir réalité.

Le concept de réchauffement climatique a été créé par et pour les Chinois
Donald Trump

Donald Trump avait promis de sortir d’un accord qualifié de « mauvais » pendant la campagne présidentielle américaine. Le milliardaire affiche depuis longtemps ses doutes sur l’existence du phénomène de réchauffement climatique, pourtant reconnu par l’écrasante majorité de la communauté scientifique. « Le concept de réchauffement climatique a été créé par et pour les Chinois, afin de rendre l’industrie américaine non-compétitive », avait tweeté Donald Trump en 2012... qui s’était quelque peu calmé une semaine après son élection, en concédant au New York Times une « connexion » entre le réchauffement climatique et les activités humaines.

La lutte contre le climat n’est en tout cas pas une priorité pour le président américain. Ce qui l’intéresse est de faire repartir l’industrie du charbon US, afin de « redonner du travail aux mineurs » américains. Peu importe si les Etats-Unis se sont largement engagés vers la réduction de leurs émissions de carbone, en développant le gaz naturel et les sources d’énergie propres ; peu importe que le renouvelable crée beaucoup plus d’emplois que l’abandon du charbon n’en détruit aux Etats-Unis. Cela fait bien longtemps que les allégations de Donald Trump reposent sur des tissus de mensonges.

Il semble toutefois que la fragilité des arguments sur lesquels se fonde la sortie des Etats-Unis de l’accord de Paris n’ait pas échappé à une partie de l’administration Trump. L’équipe du président était très divisée sur la question, le secrétaire d’Etat à l’énergie Rick Perry et le secrétaire d’Etat (équivalent du ministre des Affaires étrangères) Rex Tillerson étaient favorables au maintien des Américains. En tranchant en faveur des climatosceptiques, Donald Trump ne met pas fin aux incertitudes.

Sortie progressive, brutale, ou cachée

Comment sortir de l’accord de Paris ? Plusieurs options s’offrent aux Américains. La plus évidente est d’invoquer l’article 28 du traité, qui permet à un pays signataire de « dénoncer » l’accord afin d’en sortir. Mais cet article ne peut être activé que trois ans après l’entrée en vigueur du traité... Et une année de délai supplémentaire est prévue après la dénonciation du traité. Bref, si les Etats-Unis décident maintenant d’utiliser l’article 28, ils ne sortiront de l’accord qu’en novembre 2020... Date des prochaines élections présidentielles américaines.

Une autre option beaucoup plus radicale s’offre à Donald Trump : la sortie des Etats-Unis de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), conclue en 1992. Ce texte est la matrice de toutes les conférences climatiques depuis 25 ans. Il ne faudrait qu’un an aux Etats-Unis pour quitter la convention, mais cela couperait la première puissance mondiale du reste de la planète : le pays serait incapable d’avoir le moindre poids en matière de climat vis-à-vis des 195 autres Etats-membres de l’ONU. De l’isolationnisme – prôné par Donald Trump – à l’isolement, il n’y a qu’un pas...

Dernière option pour les Etats-Unis : décider de ne pas respecter les engagements pris, en renonçant à réduire les émissions de gaz à effet de serre US de 26 à 28% d’ici 2025, tout en restant dans l’accord – qui ne prévoit pas de sanctions. Une attitude qui risque de ne pas bien passer auprès des partenaires de l’alliance climatique. La chancelière allemande Angela Merkel serait déjà passablement agacée par l’attitude de Donald Trump. Certains arguent qu’en revenant sur de nombreuses mesures écologiques prises par Barack Obama, en coupant les fonds du secrétariat à l’Energie et en relançant les industries pétrolière et de charbon, Donald Trump a déjà de facto sorti les Etats-Unis de l’accord de Paris.

Donald Trump, ce pilote à contresens

Si la décision du président US des conséquences prévisibles sur son pays, elle engage surtout la planète entière. Les Etats-Unis sont responsables de 15% des émissions de gaz à effet de serre, d’après les dernières données disponibles datant de 2014. En refusant de ratifier le protocole de Kyoto en 1995, les Etats-Unis et la Chine avaient porté un grave coup d’arrêt à la lutte contre le réchauffement climatique. Depuis, la Chine, désormais pays le plus polluant du monde, a ratifié l’accord de Paris. C’est un immense retour en arrière que prépare Donald Trump, qui pourrait décourager de nombreux pays de lutter contre le réchauffement de la planète. Nicolas Hulot, le ministre de la Transition écologique, refusait même il y a quelques jours de croire à une telle décision, qualifiant ce choix de « contresens tragique de l’histoire ». Mais Donald Trump, devenu le pilote fou de la première puissance mondiale, doit penser qu’il est le seul à rouler dans la bonne direction...

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne