ETUDEDes scientifiques expliquent comment le chat a conquis le monde

Des scientifiques expliquent comment le chat a conquis le monde

ETUDEUne étude, publiée ce lundi, retrace le parcours du chat domestique à travers les millénaires à partir d’échantillons d’ADN ancien. Du Proche-Orient, avec les débuts de l’agriculture, à votre canapé, en passant par la mode du chat égyptien…
Un chat. Illustration.
Un chat. Illustration. - F. Lodi / Sipa
Fabrice Pouliquen

F.P.

L'essentiel

  • Une équipe internationale pilotée par deux chercheurs de l’Institut Jacques-Monod, s’est penchée sur le parcours du chat à travers les millénaires lors d’une étude génétique menée sur 230 individus anciens.
  • L’étude assure que le chat domestique ne vient pas du chat sauvage européen mais du Felis silvestris lybica, venu du Proche-Orient.
  • Surtout, l’étude détermine deux grandes vagues de diffusion du chat à travers le continent : l’une liée à la naissance de l’agriculture, l’autre à la mode du chat égyptien.

Vous auriez peut-être du mal à le croire en observant votre chat étalé de tout son long dans votre canapé, incapable de se dresser sur ses pattes même si une souris passe au loin. Mais génétiquement, le chat domestique est resté au fil des ans très proche du chat sauvage.

Quelques gènes ont changé

« Une petite dizaine de gênes ont changé, commence Thierry Grange, chercheur spécialiste de paléogénétique à l ’institut Jacques-Monod, contacté par 20 Minutes. Entre une photo d’un chat sauvage et celle d’un chat domestique, vous auriez d’ailleurs bien du mal à dire qui est qui. La différence morphologique est très faible. » Faites maintenant la même expérience avec un chihuahua et un loup… Vous visualisez le fossé ?

Mais alors comment le chat a-t-il conquis le monde ? Comment est-il même devenu en France, avec 13 millions de chats domestiques, le premier animal de compagnie, détrônant le chien dans le cœur des hommes ?

230 individus anciens passés au crible

Une équipe internationale de chercheurs pilotée par Thierry Grange et Eva-Maria Geigl, elle aussi scientifique à l’Institut Jacques-Monod, apporte des éléments de réponses dans un article paru ce lundi dans la revue Nature Ecology & Evolution. Ils ont réalisé la première étude d’ampleur sur des restes de chats, datant pour les plus vieux, d’il y a 10.000 ans. Plus de 200 dépouilles ont été extraites de sites archéologiques en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique.

Des chats venus du Proche-Orient ?

Premier enseignement : votre chat qui ronronne tranquillement dans le salon ne descend pas des chats sauvages européens (Felis silvestris silvestris) mais du felis silvestris lybica, un cousin venu d’une vaste zone allant de l’Afrique du nord au sud de l’Anatolie). « Il est vraisemblable que le chat sauvage lybica était plus docile et moins féroce que l’Européen, commence Thierry Grange. Surtout, c’est au Proche-Orient qu’est née l’agriculture il y a près de 10.000 ans. En cultivant des céréales, les hommes se sont mis à stocker des graines dans les villages, attirant alors des rongeurs et, avec eux, des chats. »

Se débarrasser des rongueurs

Les hommes ont rapidement saisi l’intérêt d’avoir un chat dans les parages se voyant ainsi débarrasser des rats. Mais pas que. « Les traces de chats dans l’iconographie égyptienne les montrent aussi chassant des scorpions ou des serpents », poursuit Thierry Grange.

Si les premières traces de compagnonnages entre l’Homme et le chat remontent à il y a 10.000 ans, l’Europe, elle, n’a vu arriver les chats que quelques milliers d’années plus tard. L’étude établit ainsi une première grande vague de diffusion de l’animal à l’époque néolithique, il y a 5.000-6.000 ans. Le chat a-t-il suivi les migrations des agriculteurs du croissant fertile ou est-ce l’homme qui l’a amené avec lui ? « Les deux probablement », indiquent Thierry Grange et Eva-Maria Geigl.

La mode du chat egyptien

Mais l’étude a déterminé une deuxième grande vague à partir de l’Antiquité classique. Cette fois-ci, il ne s’agit plus seulement de mettre hors d'état de nuire des rongeurs, mais aussi de succomber à un phénomène de mode : celle du chat égyptien, très en vogue sous les Empires grecs et romains. « Le chat égyptien est lui aussi une variante du lybica, mais il présente déjà quelques gènes différents qui auraient pu engendrer des changements de comportements, explique Thierry Grange. Ce sont des hypothèses, mais ce chat égyptien devait être plus docile, plus sympathique envers l’homme. »

La diffusion du chat ne se faisait plus seulement par voie terrestre, mais aussi par voie maritime. « Les navires de guerre romains embarquaient des chats afin de lutter contre les rongeurs », expliquent les chercheurs. Après un pic au début de l’Empire ottoman, la signature génétique du chat égyptien dans la population de chats domestiques régresse ensuite.

Peu de modifications par l’homme

Si l’étude a pu déterminer des scénarios de diffusion du chat, elle n’a pas pu en revanche établir avec certitude le moment où la domestication s’est réellement opérée, note le CNRS. « C’est difficile parce qu’encore une fois, le chat domestique est resté génétiquement assez proche du chat sauvage, explique Thierry Grange. Les missions qui lui ont été confiées par l’Homme, notamment donc l’éloignement des rats, ne nécessitaient pas de sélection particulière des races. Contrairement aux chiens par exemple. »

Ah si, il y a tout de même un marqueur génétique de la domestication des chats par l’homme : la couleur du pelage de l’animal. Celui du chat sauvage est exclusivement tigré, tandis que le chat domestique présente parfois une robe tachetée ou marbrée. « Ça, c’est l’œuvre de l’homme », rappelle Thierry Grange.

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