Bientôt plus de stérilisation obligatoire pour les personnes transgenres

En cette semaine de pride, les députés s’apprêtent à voter une loi sur les transgenres.

© DIBYANGSHU SARKAR - AFP

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Par Myriam Baele

La chambre s'apprête à voter, mercredi 24 mai, une révision de la loi de 2007 sur le changement de genre.

Les conditions imposées aux personnes qui veulent changer le genre indiqué sur leur carte d'identité seront assouplies. Ce projet de loi, porté par le Ministre de la Justice CV&V Koen Geens et par la Secrétaire d'état à l'égalité des chances, la N-VA Zuhal Demir, a déjà été approuvé en commission justice, par tous les partis présents.

Une loi de 2007...

Avant 2007, il n'y avait aucune mention dans la loi des personnes transgenres. En 2007, une première loi leur ouvre le droit de changer officiellement le genre qui figure sur leurs documents. Quand une personne se sent femme née dans un corps d'homme ou l'inverse, elle peut depuis 10 ans faire modifier le "M" en "F" sur ses papiers d'identité, mais à certaines conditions... contraignantes.

Jusqu'à présent un psychiatre devait autoriser ce changement, comme s'il s'agissait d'une pathologie mentale.

Un changement qui devait aller de pair avec une prise d'hormones pour adapter le corps au genre qui figurait sur les papiers. Et ce parcours médical devait être irréversible, donc impliquer de facto une stérilisation de la personne, vasectomie ou ligature des trompes, pour garantie de ne plus avoir d'enfants.

...pour "ouvrir une porte"

Karine Lalieux (PS) était députée et membre de la Commission justice qui a forgé cette première loi.  Et elle est actuellement rapporteuse des débats sur la révision de la loi. Elle l'affirme sans détour: ces conditions étaient excessives et peu respectueuses. Mais il y a 10 ans, elles semblaient nécessaires.

"Il y a 10 ans, on voulait ouvrir la porte pour le changement de prénom et de sexe au niveau administratif... mais en évitant de choquer" se souvient Karine Lalieux."On voulait rassurer la population, dire 'ces personnes vont changer de sexe mais n'auront plus d'enfant et auront un suivi psychiatrique'. C'était une façon d'avancer mais tout en évitant, c'est vrai, d'avoir un débat de société. A l'époque, on devait déjà faire face aux débats sur l'euthanasie, l'adoption par les couples homos... c'était une volonté collective d'éviter ce débat là mais de façon peu respectueuse, il faut bien le dire".

La députée ajoute: "aujourd'hui on va réparer... avec cette nouvelle vraie bonne loi. La société est davantage prête à accueillir ces personnes. La suppression de la stérilisation dans le texte n'a pas vraiment fait débat en commission."

La stérilisation obligatoire, contraire aux normes internationales

Obliger à la stérilisation... Cette contrainte lourde est contraire aux normes internationale: dénoncée par l'ONU, le Parlement Européen, le Conseil de l'Europe, la Ligue des droits de l'homme... parmi d'autres. La France a été condamnée pour cette disposition dans sa législation et la Belgique devait changer sa copie. C'est donc bientôt chose faite.

Les députés, en Commission Justice, ont donc décidé de dissocier le suivi médical du parcours administratif. Plus de prise d'hormones obligatoire ni de stérilisation: les personnes transgenres pourront décider de modifier leur apparence physique, mais sans obligation. Plus d'obligation non plus d'avoir l'aval d'un psychiatre.

Le parcours administratif proposé dans cette nouvelle loi implique une série de démarches et un délais de plusieurs mois de réflexion entre l'introduction de la demande et le changement de genre. Un suivi psychologique est aussi prévu. La loi maintient l'exigence qu'un changement de genre soit irréversible: pas de retour en arrière possible après un changement de genre sur les papiers d'identité.

Pour les mineurs, pas de changement de genre avant 16 ans et à cet âge-là une transition peut-être amorcée mais seulement après avis d'un pédopsychiatre.

Une avancée mais encore insuffisante

Pour les associations de terrain, cette nouvelle loi est une avancée mais encore insuffisante.

Camille Pier, de la RainbowHouse qui organise la Pride, résume:"cette loi ne reconnait pas le droit à l''autodétermination'. Les personnes ne peuvent pas changer d'avis, revenir en arrière. Un changement reste irréversible".

La situation des mineurs aussi dérange les associations. De nombreuses personnes concernées vivent depuis toutes petites ce décalage entre leur corps et le genre qu'elles ressentent. Or un changement de papiers n'est pas possible avant 16 ans. Une transition peut commencer à 16 ans, "mais de 16 à 18 ans, il y a quand même le recours à la psychiatrisation" réagit Camille Pier, "pour les mineurs on a maintenu l'esprit de la loi de 2007".

Pour Camille Pier, c'est "un chemin partiel, qui prouve qu'il y a encore un stress dans la société lié à ces changements de genre et qu'il y a donc encore du travail de sensibilisation à effectuer".

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