Les Français sont contre la suppression de l'impôt sur la fortune.

L'IFI (impôt sur la fortune immobilière), qui doit venir remplacer l'ISF.

AFP PHOTO / DAMIEN MEYER

L'idée de l'IFI (impôt sur la fortune immobilière), qui doit venir remplacer l'ISF (impôt de solidarité sur la fortune), comme l'a promis Emmanuel Macron, est assez simple. Sans changer le seuil d'imposition de 1,3 million d'euros ni le barème (de 0,50 à 1,50 %), seuls les biens immobiliers seraient désormais taxables.

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Le redevable n'aurait donc plus à déclarer l'ensemble de ses biens mobiliers. Ses voitures, son mobilier échapperaient à l'impôt. Mais également tous ses placements financiers. Exit donc la taxation des livrets d'épargne, de l'assurance vie et des portefeuilles de valeurs mobilières. C'est une aubaine pour les contribuables, qui devraient en principe voir leur impôt diminuer, ou même échapper à toute taxation.

Les plus grosses fortunes favorisées

Mais le diable est dans les détails. Cet IFI favorisera essentiellement les plus gros patrimoines. Ce sont eux dont la fortune est principalement mobilière, les actifs immobiliers ne représentant guère plus de 20 % de leur patrimoine.

Pour les dirigeants qui bénéficiaient de l'exonération de leurs participations dans leur entreprise, cela ne changera pas grand-chose. En revanche, les actionnaires minoritaires de groupes familiaux se frottent les mains.

Ces derniers étaient jusqu'à présent souvent taxables sur la valeur totale de leurs titres car ils n'atteignaient pas les seuils de participation exigés par la loi (25 %) ou n'exerçaient pas d'activité dans l'entreprise. Pour échapper partiellement à l'impôt, à hauteur de 75 % de la valeur de leurs titres, ils pouvaient signer un pacte d'actionnaires aux lourdes contraintes.

Toutes ces tracasseries leur seront désormais épargnées et ils pourront jouir de leurs dividendes et plus-values sans craindre l'impôt sur la fortune. On voit bien le but recherché par Emmanuel Macron. Il s'agit d'inciter les exilés fiscaux, en grande majorité des actionnaires minoritaires surtaxés par l'ISF, à regagner la mère patrie. Le pari est loin d'être gagné, car l'impôt sur la fortune existera toujours et dans cinq ans l'ISF ancienne version pourrait revenir !

Pas grand-chose pour les moins riches des riches

Quant aux "petits ISF", ceux dont la fortune est majoritairement immobilière, ils ne gagneront pas grand-chose. Les agriculteurs de l'île de Ré ou les Parisiens qui ont hérité ou acheté un appartement au bon moment qui vaut aujourd'hui une fortune ne verront pas une grande différence.

Prenons le cas d'un contribuable parisien dont la fortune est de 1,8 million d'euros et est composée d'un appartement de 150 m2 évalué après abattement à 1,4 million d'euros, d'un appartement locatif de 200 000 euros, le reste - soit 200 000 euros - étant constituté de son mobilier, sa voiture, d'un portefeuille titre et d'un contrat d'assurance vie. Son patrimoine taxable passe donc de 1,8 million d'euros à 1,6 million d'euros. Son ISF était de 6000 euros et son IFI sera de 4600 euros. Certes, il économise 1 400 euros et c'est toujours bon à prendre.

Mais l'économie d'impôt n'a rien à voir avec celle réalisée par l'actionnaire minoritaire d'un groupe familial. On suppose que son patrimoine taxable hors sa participation est de 1,5 million d'euros et les 10 % de titres de l'entreprise familiale qu'il détient, valorisés à 6 millions d'euros. Avec l'ISF, il payait 66 940 euros d'impôt si la valeur totale des titres était imposable et 15 690 euros s'ils étaient exonérés à concurrence de 75% suite à la signature d'un pacte d'actionnaires. Avec l'IFI, il ne versera que 3 900 euros d'impôt. On comprend mieux pourquoi nombre de très grandes fortunes ont soutenu la candidature d'Emmanuel Macron.

Comme quoi, avec cette réforme, il y a vraiment deux poids, deux mesures. On peut d'ailleurs s'interroger sur ce que pensera le Conseil constitutionnel d'un tel dispositif. Il y a manifestement inégalité de traitement entre les contribuables selon la composition de leur patrimoine.

Et on ne voit pas pourquoi un particulier qui préfère se constituer un patrimoine immobilier important, notamment à usage locatif, serait plus mal traité qu'un autre qui préfère investir dans l'entreprise. Après tout, leurs placements ont tous un intérêt pour notre économie. L'un contribue à la bonne santé du secteur de l'immobilier, fort pourvoyeur d'emploi, et loge des personnes. L'autre participe au développement des entreprises.

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