Luc Rouban, directeur de recherche au CNRS au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), décrypte le « volet enseignant » de l’enquête sur le vote des fonctionnaires publiée le 21 février. 1 450 personnels de l’éducation y ont participé.
On connaissait l’ancrage du Front national dans les catégories modestes de la fonction publique. A combien l’estimez-vous parmi les catégories plus diplômées, dont les enseignants ?
Dans la fonction publique d’Etat, l’ancrage du FN atteint 19,6 %. S’il reste très inférieur parmi les enseignants, on l’estime tout de même à 7,5 %, retraités compris, alors qu’en 2012 seuls 3,5 % avaient opté pour Marine Le Pen. Cet ancrage demeure faible au regard de l’attrait que la candidate d’extrême droite suscite parmi les policiers – près de la moitié des intentions de vote – ou dans l’hospitalière – 34 % parmi les aides-soignants et les personnels de base. Mais ses gains ne sont plus médiocres dans la catégorie A [niveau de diplôme licence ou master] : Marine Le Pen s’attire 12 % des intentions de vote, et même 17 % hors enseignants.
Emmanuel Macron marque lui aussi des points. Comment expliquez-vous ce « recentrage » du vote des fonctionnaires ?
Ce candidat recueille 29 % d’intentions de vote parmi les enseignants – devant Benoît Hamon, qui en attire 25 %. Longtemps, l’attrait qu’Emmanuel Macron pouvait exercer sur les fonctionnaires a été masqué par les candidatures potentielles de François Hollande et d’Alain Juppé – le premier attirant le centre gauche, le second le centre droit. Les deux primaires ont vu se dessiner un phénomène de radicalisation des positions, à droite comme à gauche – François Fillon sur une ligne très conservatrice, Benoît Hamon sur la ligne des contestataires. Avec le retrait de François Bayrou, reste un espace central dont Emmanuel Macron tire bénéfice.
Faut-il y voir un effet conjoncturel plus qu’un désaveu du Parti socialiste ?
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