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Paris 2024

Jeux olympiques : Paris probable vainqueur... mais pour quand ?

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Oui, mais... Oui, si... Après le retrait, mercredi, de la candidature de Budapest, la capitale reste seule en lice pour 2024 avec Los Angeles. Or le CIO pourrait désormais désigner en même temps les organisateurs des éditions 2024 et 2028.
Le budget prévisionnel pour les JO que Paris espère organiser en 2024 s'élève à 6 milliards d'euros. (Photo Frédéric Porcu. PRESSE SPORTS)
publié le 23 février 2017 à 13h42

Paris et Los Angeles… Le retrait de Budapest mercredi, sur fond de contestation des opposants politiques, a réduit à deux le match pour les JO d'été 2024, qui sera définitivement arbitré le 13 septembre par un vote du Comité international olympique. Mais, contre toute attente, il pourrait y avoir deux vainqueurs, le CIO envisageant d'attribuer coup sur coup les éditions de 2024 et 2028. Ce qui garantirait à Paris de recevoir enfin les Jeux, pas forcément à la date initialement convoitée (2024), mais de les accueillir malgré tout, une première depuis 1924.

Thomas Bach, président du CIO, a ouvert la porte à une double attribution, déclarant en décembre que le processus actuel de désignation «fabriquait trop de perdants». Interrogé par la presse sur la possibilité d'un vote portant à la fois sur 2024 et 2028, il n'avait pas démenti : «Laissez nous étudier la question.» La semaine dernière, dans le cadre des championnats du monde de ski alpin à Saint-Moritz (Suisse), Bach a une nouvelle fois indiqué que le principe d'une double attribution faisait toujours l'objet d'une «discussion».

Une solution qui arrangerait tout le monde

Alors que, suivant ce changement de procédure, ils seraient assurés de recevoir les Jeux, les responsables de la candidature parisienne ont écarté le lot de consolation d'une désignation pour 2028. «Nous sommes exclusivement tournés vers 2024 car c'est le seul mandat de notre équipe et notre projet est seulement possible pour 2024», déclarait à l'AFP le porte-parole et ancien champion de canoë Tony Estanguet, avant que soit officialisé le retrait de Budapest. De leur côté, les représentants de Los Angeles ont également rappelé qu'ils étaient candidats pour 2024 et non pour 2028.

Pourtant, l'option d'un double vote satisferait l'ensemble des parties concernées, les deux villes à la lutte ainsi que le Comité international olympique. Une attribution des Jeux en 2028 serait «toujours mieux que rien» pour Paris, en position d'outsider, ou pour Los Angeles, qui fait figure de premier choix, en raison du poids économique de ses soutiens, les entreprises de la Silicon Valley et la télévision publique NBC (qui a déboursé 11,4 milliards d'euros pour diffuser les Jeux entre 2012 et 2032).

Les deux métropoles ont jusqu’à présent affirmé qu’elles possédaient la plupart des équipements nécessaires à la tenue des Jeux. En cas d’obtention de l’organisation pour 2028, elles pourraient retarder les travaux nécessaires pour les infrastructures restantes.

Changer la règle en cours de route

Le Comité international olympique a pour sa part intérêt à régler au plus vite la question de l’attribution des JO 2028, en récompensant Paris ou Los Angeles, dont les dossiers sont très bien avancés, lors de son Congrès, fixé le 13 septembre à Lima, au Pérou.

Auparavant, le CIO devra recueillir l’accord de l’association des comités nationaux olympiques, ce qui ne devrait pas poser de grandes difficultés, et négocier avec les villes qui envisageaient de poser leur candidature pour 2028, telles que Melbourne, Brisbane (Australie), Busan (Corée du Sud) ou encore le ticket entre Santiago (Chili) et Buenos Aires (Argentine)…

Les débats risquent d'être plus incertains au sein du Comité international olympique lui-même, plusieurs dirigeants se montrant réticents à l'idée de modifier les règles en cours de route. Deux des quatre vice-présidents du CIO ont notamment déclaré ce mois-ci au site Insidethegames qu'un changement du mode d'attribution ne leur semblait pas «faisable».

D’autres membres du comité exécutif, à l’image du cheikh Ahmad al-Fahad al-Sabah (Koweït), se sont déclarés favorables à cette modification. Tout comme le président, Thomas Bach, ils estiment qu’il faut sécuriser au plus vite l’attribution des Jeux 2028 et se concentrer sur l’émergence de candidatures nombreuses et de qualité pour l’édition 2032.

Abandons en série

C’est peu dire en effet que Paris et Los Angeles ne sont pas les finalistes espérés par les dirigeants du sport mondial, dans une course qui ne comprend ni Istanbul (Turquie), ni Doha (Qatar) ni Bakou (Azerbaïdjan), des options discutables sur le plan démocratique – et climatique pour ce qui concerne le Moyen-Orient –, mais qui présentent clairement les moyens financiers de leurs ambitions. Ces trois villes ont un temps envisagé de postuler pour 2024 puis ont renoncé. Il manquait aussi dans la shortlist, au moins comme symbole, un dossier de Durban ou du Cap (Afrique du Sud), en lice pour une première organisation des Jeux sur le continent africain.

Pire encore, Los Angeles et Paris sont les derniers rescapés d’une importante série de défections, après le renoncement de Boston (juillet 2015), Hambourg (novembre 2015), Rome (octobre 2016) et enfin Budapest.

Un problème de crédibilité

L'abandon des Hongrois, annoncé mercredi soir par le gouvernement de droite dure de Viktor Orbán, était prévisible depuis fin 2016, des opposants s'étant mobilisés pour organiser un référendum sur le sujet. Les anti-JO réclamaient un redéploiement des fonds en faveur de l'éducation et de la santé, tout en alertant sur les risques de «corruption». Leur pétition a été signée 266 000 fois, presque le double requis pour la tenue d'un référendum. En acceptant de jeter l'éponge, Orbán et le maire de Budapest, lui aussi membre du parti conservateur, se sont épargnés une fronde qui dépasse la simple question des Jeux olympiques.

C’est ce même débat démocratique et budgétaire qui avait été fatal aux autres candidatures : faible adhésion de la population à Boston (dont le retrait a été compensé par le «plan B» de Los Angeles), référendum municipal hostile à Hambourg (les Jeux ont été rejetés à 51,7%) et refus de maintenir le dossier à Rome (de la part de la nouvelle maire «populiste», issue du Mouvement Cinq Etoiles).

Le cauchemar du CIO serait que les JO d’été soient touchés par le syndrome JO d’hiver. L’avenir de ces derniers semble encore plus critique. Les candidatures européennes pour les accueillir se raréfient, notamment de la part des villes scandinaves, pourtant berceau historique des disciplines concernées. Garmisch-Partenkirchen (Allemagne) et le canton des Grisons (Suisse) ont envisagé de se lancer dans la course, respectivement pour 2022 et 2026, avant de renoncer, également à la suite de référendums. Et les Jeux d’hiver sont associés pour l’instant à des pays asiatiques et/ou autoritaires depuis l’édition désastreuse de Sotchi (Russie) en 2014, marquée par des scandales de corruption, mais aussi d’atteintes à l’environnement et de dopage d’Etat, pour une facture record de 37 milliards d’euros (plus de dix fois le budget de Turin en 2006). Le CIO, qui a choisi de faire confiance à Pyeongchang (Corée du Sud) pour 2018 et Pékin (Chine) pour 2022, sait qu’il doit restaurer au plus vite la crédibilité de sa fête des neiges.

Dépassements budgétaires

Si les populations hésitent désormais à s’engager dans des projets olympiques, c’est que les précédentes expériences ont été particulièrement ruineuses. Ainsi, Athènes, qui a accueilli les Jeux d’été en 2004, avait déboursé 13 milliards d’euros, ce qui a contribué, à hauteur de 2% à 3%, à la dette nationale, comme l’a reconnu plus tard Jacques Rogge, l’ancien président du CIO. Autre exemple, Rio, la ville hôte de 2016, qui a officiellement payé 9 milliards d’euros, pourrait en avoir dépensé 18 milliards au total selon certains économistes. Et six mois après la fin des JO, la ville est devenue un cimetière d'«éléphants blancs», ces infrastructures bâties à fonds perdu et laissées à l’abandon une fois la fête terminée.

Dans ce contexte, et afin d'éviter de nouvelles contestations populaires, le Comité international olympique exhorte les villes à «limiter les coûts». Trop tard pour Tokyo, la cité des Jeux 2020, qui est passée de 6,14 milliards d'euros initialement prévus à 14,4 milliards. Los Angeles et Paris affirment quant à eux qu'ils maîtriseront leurs prévisions, chiffrées respectivement à 5 et 6 milliards d'euros.

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