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Le recours au vote électronique facilité

Le recours au vote électronique facilité

Depuis son introduction en 2004, le recours au vote électronique pour les élections professionnelles n’a cessé de progresser. Cette modalité de vote est favorisée tant par la loi, la loi Travail ayant considérablement élargi son utilisation, que par la jurisprudence qui se montre assez souple en la matière.

Elargissement du vote électronique avec la loi Travail

Initialement, la possibilité de recourir à un vote électronique devait être prévue exclusivement par un accord d’entreprise ou de groupe qui comporte un cahier des charges prévoyant les modalités du vote électronique.

La jurisprudence a précisé que l’accord sur le vote électronique est un accord de droit commun, soumis à la majorité de 30 % et au droit d’opposition. Elle a précisé également que cet accord devait faire l’objet d’un dépôt avant la signature du protocole d’accord préélectoral qui prévoit le recours au vote électronique1.

Cette règle demeure mais depuis le 7 décembre 20162, les employeurs d’au moins 11 salariés peuvent, en l’absence d’accord collectif, décider unilatéralement de recourir au vote électronique pour l’élection des délégués du personnel et du comité d’entreprise.

Même si la loi et le décret manquent de clarté sur ce point, il nous semble que l’employeur doit préalablement essayer de négocier un accord avec les syndicats représentatifs avant de mettre en place unilatéralement le vote électronique.

La nouvelle loi précise par ailleurs que la décision de l’employeur de recourir au vote électronique pour les élections peut s’étendre aux élections partielles. Cette clarification devrait permettre d’éviter un contentieux sur le sujet le moment venu.

L’employeur qui décide de mettre en œuvre unilatéralement le vote électronique reste soumis aux mêmes règles que celles applicables en cas de conclusion d’un accord collectif. Il doit notamment établir un cahier des charges qui respectera les dispositions réglementaires relatives au vote électronique. L’ensemble des prescriptions techniques destinées à préserver la sincérité et la sécurité du scrutin, telles que le chiffrement et le scellement du système ou encore le transfert et le traitement des données, demeurent par conséquent inchangées.

Toutefois, quelques autres règles doivent être adaptées. L’employeur devra ainsi informer toutes les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise ou dans les établissements concernés de l’accomplissement des formalités déclaratives préalables auprès de la CNIL.

La loi Travail prévoit enfin que le cahier des charges devra être tenu à la disposition des salariés sur le lieu de travail et mis sur l’intranet, s’il en existe un dans l’entreprise. Cette nouvelle disposition, qui se justifie pleinement en cas de recours unilatéral au vote électronique, est également applicable, compte tenu de la rédaction de la loi, en cas de conclusion d’un accord. Cette nouvelle règle devrait permettre aux salariés de mieux s’approprier le dispositif, ce qui devrait favoriser la participation.

La Cour de cassation exigeante mais assez souple

Plusieurs arrêts récents de la Cour de cassation encouragent le recours au vote électronique dans le cadre des élections professionnelles.

Dans un arrêt du 3 novembre 20163, la Cour de cassation a ouvert la possibilité de recourir au vote électronique par un accord-cadre d’entreprise et de renvoyer les modalités de mise en œuvre à un accord d’établissement. Ce faisant, la Cour de cassation admet qu’un accord d’établissement puisse organiser le vote électronique alors que la loi ne vise que l’accord d’entreprise ou de groupe. Cette décision constitue un revirement de jurisprudence important et utile car elle permet aux entreprises de taille importante notamment d’adapter les modalités du vote électronique au cadre de tel ou tel établissement.

Dans le même arrêt, la Cour a par ailleurs précisé que le cahier des charges, qui doit être annexé à l’accord sur le vote électronique, n’est soumis à aucune condition de forme. La seule chose qui importe, c’est donc que l’accord rappelle dans le corps du texte ou en annexe les garanties applicables. Il faut approuver la décision qui fait prévaloir le fond, c’est-à-dire les règles assurant la confidentialité et la sécurité du vote, sur le formalisme.

Enfin, dans un arrêt du 21 septembre 20164, la Cour de cassation a apporté des précisions sur l’expertise du système de vote. Le Code du travail prévoit une expertise indépendante donnant lieu à un rapport qui doit être tenu à la disposition de la CNIL. Alors que le Conseil d’Etat exige, sur la base de la recommandation de la CNIL, que cette expertise soit effectuée avant chaque scrutin, la Cour de cassation apparait plus souple. En l’espèce, il était reproché à l’employeur d’avoir négligé la phase de l’expertise indépendante destinée à vérifier le respect des prescriptions réglementaires, l’expertise devant en principe être faite à chaque élection. La Cour de cassation fait preuve d’une certaine clémence en retenant qu’une expertise ultérieure, faite après l’organisation du scrutin et qui n’avait montré aucune modification substantielle du système du vote électronique, était suffisante. Là encore, il faut saluer le pragmatisme de la Cour de cassation qui n’annule pas le scrutin alors qu’elle a constaté que, malgré l’absence d’expertise, le système retenu présentait en pratique toutes les garanties requises.

Notes

1 Cass. soc. 28 septembre 2011 n°11-60.028
2 Décret 2016-1676 du 5 décembre 2016, entrant en vigueur le lendemain de sa publication, soit le 7 décembre 2016.
3 Cass. soc., 3 nov. 2016, n°15-21.574
4 Cass. soc., 21 sept. 2016, n°15-60.216

Auteur

Ludovique Clavreul, avocat en droit social.

Le recours au vote électronique facilité – Article paru dans Les Echos Business le 16 janvier 2017
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