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Bernadette Chirac : "J’ai aimé la vie à l’Elysée" - La première dame préférée des Français

Bernadette Chirac avec les enfants de l’hôpital Necker-Enfants malades, lors du lancement du 25e anniversaire des Pièces jaunes, le 8 janvier 2014.
Bernadette Chirac avec les enfants de l’hôpital Necker-Enfants malades, lors du lancement du 25e anniversaire des Pièces jaunes, le 8 janvier 2014. © DR
Interview Caroline Pigozzi , Mis à jour le

A l’heure où il n’y a plus de première dame en France, la plus populaire d’entre elles évoque cette mission difficile mais excitante.

Paris Match. Vous venez de fêter les 25 ans des Pièces jaunes, fondation que vous avez créée avant d’être première dame.
Bernadette Chirac. Si votre question est de savoir si c’était plus facile quand mon mari était président de la République, en effet : des personnalités diverses souhaitaient alors me faire plaisir. C’est-à-dire être généreuses, afin de collecter de l’argent pour financer des projets destinés aux enfants hospitalisés, dans le cadre de la Fondation Hôpitaux de France- Hôpitaux de Paris. D’ailleurs, pendant la cohabitation, même les ministres de gauche me disaient : “Mes enfants me font les poches pour vous !” Eux-mêmes vidaient leur monnaie dans la tirelire géante installée face au vestibule du palais présidentiel.

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A ce propos, y a-t-il un “avant” et un “après” l’Elysée ?
 Sûrement, mais cela ne s’est pas appliqué aux Pièces jaunes. En 2013, malgré la crise économique, nous avons battu les records de dons et ainsi pu consacrer 5 millions d’euros pour améliorer le quotidien des enfants malades à l’hôpital. En un quart de siècle, grâce à l’élan des Français, nous avons réalisé huit mille projets de toutes tailles. Cela a notamment permis de rapprocher des familles, en construisant des chambres mère-enfant à l’hôpital, de fournir des pompes à morphine “auto-analgésiques”… Mais là encore, ne me parlez pas de première dame, car TF1, notre partenaire depuis 1989, m’avait déjà, à l’époque, à travers les Pièces jaunes, fait connaître à d’innombrables familles.

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Devenir première dame vous a-t-il incitée à vous mobiliser pour le monde associatif ?
 L’humanitaire, au sens large du terme, n’est pas le seul rôle de la femme du chef de l’Etat. Lorsqu’on se trouve dans cet univers, on rencontre toujours plus de gens du milieu hospitalier qui vous alertent. Pris dans un engrenage, cela vous donne envie de vous consacrer encore davantage à ceux qui souffrent. En réalité, l’épouse du chef de l’Etat est d’abord là pour servir avec dignité.

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Première dame, est-ce un métier ?
 Jusqu’à présent, la question ne se posait pas vraiment. D’ailleurs, ce qualificatif m’exaspère, il est ridicule. Chacune avec sa personnalité doit définir son rôle et se faire sa place. Cette fonction particulière suppose d’avoir des codes qu’on apprend si on le veut. Si la femme de celui qui a été élu à l’Elysée a du plaisir à remplir ce rôle, à l’assumer, tout marche bien. Donner le meilleur de soi-même est une fierté et fait partie des bonheurs de l’existence. J’ai adoré cela. S’investir ainsi est utile au président de la République qui n’a pas trop de temps pour suivre nombre de questions, secondaires bien sûr aux yeux de certains, à côté des responsabilités quotidiennes, nationales et internationales, qui sont les siennes.

Quelle était votre fonction au quotidien ?
Par exemple, des détails du protocole, du choix des cadeaux destinés aux hôtes étrangers ou lors des visites officielles. L’Elysée est la première Maison de France et, lorsqu’on a l’amour de son pays, on doit faire honneur à ses concitoyens. Mais chacune avec son caractère, son style ! Cela peut signifier aussi faire réparer des tapis ou une fontaine… Comme moi, certaines femmes sont plutôt classiques, orientées vers la culture, la mode, les associations de bienfaisance… D’autres préfèrent le monde industriel et emmènent volontiers des hôtes de passage visiter une entreprise… Cela requiert une certaine habileté, du savoir-vivre, notamment lors des déplacements à l’étranger, où l’épouse doit être à la fois élégante, présente et discrète. Elle a d’ailleurs généralement un programme prévu à l’avance. En France, la touche de la maîtresse de maison est importante car il n’y a pas, au palais présidentiel, de petits sujets. Mme de Gaulle avait fait broder à la main de magnifiques nappes en organdi avec des étoiles au fl d’or, que les lingères de l’Elysée, à mon époque encore, étaient fières d’amidonner pour les dîners d’Etat. J’allais aussi voir les argentiers pour sélectionner les services avec eux. Lorsque je recevais une personnalité étrangère, j’étais attentive au choix de l’interprète et préparais toujours nos futures conversations.

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"Les enfants des ministres de gauche donnaient pour les Pièces jaunes"

Quel était votre secret ?
D’abord de travailler en équipe – cela ne s’applique pas qu’au président – avec le personnel, heureux de servir là. C’est pourquoi il faut lui consacrer du temps, lui parler, s’intéresser à lui et à ce qu’il fait… L’Elysée est un lieu d’émotion car chaque mur est porteur d’un souvenir. Pour l’harmonie générale, il ne faut pas oublier le parc et les jardiniers qui entretiennent les massifs tout au long de l’année, plantant au fl des saisons des jacinthes, des roses… Quant à l’organisation quotidienne, il est difficile de ne pas avoir de secrétariat. Pour ma part, je recevais énormément de lettres. Il me fallait deux assistantes, l’une pour tenir l’agenda et coordonner les rendez-vous, l’autre pour répondre au volumineux courrier. J’avais bien sûr un chauffeur : les gens ne s’attendent pas à vous voirarriver au volant de votre propre voiture… Cependant, quand je prenais la mienne, c’était toujours avec plaisir.

Que pensez-vous de l’afaire Trierweiler ?
 Elle vient de traverser une grande épreuve. Bien sûr, en tant que femme, j’ai une pensée amicale pour elle. Mais je n’ai pas à porter un jugement sur cette situation. C’est une question qui la regarde, et elle seulement. Le président de la République est désormais seul à l’Elysée… Etre un président de la République célibataire, cela doit être très difficile. La charge et la responsabilité sont très lourdes. Dans ce cas précis, le chef de l’Etat devra recruter des collaborateurs spécialement choisis pour surveiller la bonne marche du palais de l’Elysée.

Un monde auquel il faut s’habituer ?
Il peut paraître compliqué, c’est vrai, d’arriver à l’Elysée du jour au lendemain. Avec un mari dix huit ans maire de Paris, deux fois Premier ministre et plusieurs fois ministre, j’étais rodée ! J’ai toujours vécu dans cette ambiance, d’autant que nous habitions l’Hôtel de Ville. Une forme d’existence qui demande, en permanence, d’avoir l’oeil à tout. De plus, les équipes du personnel, très professionnelles, sont heureuses, au début, de vous expliquer les choses ; la maîtresse de maison est alors importante.

Une première dame est-elle influente ?
Etre deux semble important pour échanger les opinions qu’on a sur les gens et les choses, car on peut apporter une vision différente, plus directe que celle des conseillers. Toutefois, je m’étais donné comme règle de ne contrer mon mari qu’en privé, jamais à table. Lorsque je suis entrée dans cette vie, j’avais un modèle, une locomotive, Claude Pompidou, qui m’a énormément appris. C’est alors que j’ai mesuré d’un peu plus près l’influence que je pouvais avoir. Il ne faut pas se laisser aller à une bataille permanente mais progresser dans le même sens. Savoir garder du temps pour soi compte aussi lorsqu’on en donne aux autres. Pour me faire enrager, lorsque je déjeunais avec lui, Jacques me disait, généralement sur un ton agacé : “Qu’avez-vous fait ce matin ? Rien, naturellement !” Je préférais ne pas répondre.

Votre souvenir le plus émouvant ?
 Il remonte à un jour mémorable, le 17 mai 1995, date de la cérémonie solennelle d’investiture de mon mari comme président de la République. La proclamation officielle des résultats et la remise du grand cordon de la Légion d’honneur ont aussi été, pour moi, de grandes émotions.

Votre pire moment ?
 Le 11 novembre 1998, lorsque la reine d’Angleterre est venue à Paris inaugurer la statue de Winston Churchill. Je devais l’accueillir à l’entrée du palais et, à cause d’une erreur du protocole, je suis arrivée avec cinq minutes de retard ! J’étais confuse de cette situation ridicule. Je suis allée aussitôt lui présenter des excuses dans la bibliothèque, où elle m’attendait. Elle a pris cet incident avec beaucoup de calme, d’humour et même de gaieté !

Dans son tout récent sondage, notre confrère “Le Parisien” vous place en tête de popularité avec 46 %, devant Danielle Mitterrand à 40 %…
La clé est de se donner pleinement à cette fonction, sans attendre le temps qui passe. Si je devais résumer, l’essentiel est l’enthousiasme, l’envie d’aider les autres, d’être à l’écoute, naturelle, surtout de rester soi-même. S’impliquer et savoir que l’on est utile est un défi quotidien qui vous galvanise. J’ajoute à cela un atout primordial, celui d’avoir une bonne santé physique et morale… Car l’Elysée, chargé d’Histoire, n’est pas une aire de jeu, encore moins un parc de loisirs !

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