Publicité
Interview

D. Okhuijsen (Altice-SFR) : « Notre dette de 50 milliards ne présente aucun risque »

Dettes de 50 milliards, consolidation des télécoms en France, chute d’Altice en Bourse : le directeur financier d’Altice-SFR, Dennis Okhuijsen, répond aux « Echos ».

0211544170857_web.jpg
Dennis Okhuijsen est directeur financier d’Altice

Par Fabienne Schmitt, David Barroux

Publié le 29 nov. 2016 à 18:03

Altice cumule 50 milliards de dettes et cela inquiète, pas vous  ?

Non ! Certes, 50 milliards est un chiffre important, en valeur absolue, mais nous avons des actifs très solides, et nous pouvons donc largement supporter ce niveau de dette. Ceux qui s’émeuvent ou s’inquiètent sont essentiellement en France, car aux Etats-Unis, par exemple, ce débat n’existe pas et on a l’habitude d’avoir des groupes endettés comme nous ou plus que nous.

Nous sommes devenus le quatrième plus gros opérateur télécom en Europe. En valeur d’entreprise, nous sommes juste derrière Deutsche Telekom, Vodafone et Telefonica. Nous ne sommes pas un petit groupe, donc nous sommes sereins !

Oui mais vous êtes beaucoup plus endetté que vos pairs....

Publicité

En Europe, on a un endettement d’un peu plus de cinq fois l’Ebitda, mais on est très confortable avec ça. On peut emprunter de l’argent à long terme et on n’a pas d’obligation de rembourser vite. En s’endettant, on a créé un grand groupe industriel tout en permettant au fondateur de garder le contrôle de l’entreprise familiale. Ce n’est pas risqué, car nous remboursons toute cette dette avec notre business plan à 10 ans.

Nous dégageons des cash flow massifs, faisons de très belles marges d’Ebitda, mieux que Free ou Bouygues Telecom en France. Si nous voulions avoir une dette de deux fois notre Ebitda, cela serait facile et atteignable en quelques années. Mais nous préférons aujourd’hui réinjecter notre cash dans nos activités, notre croissance et nos investissements.

On a beaucoup de flexibilité financière, car on n’a pas de remboursements majeurs avant 2022 et on continue à repousser la maturité de nos emprunts. Depuis début 2016, nous avons ainsi refinancé et repoussé 21 milliards de notre dette, soit plus de 40 % en 10 mois. Et puis, il n’y a aucun effet domino possible dans nos activités, car nos dettes sont séparés par actifs, et cloisonnées en silo.

Ne seriez-vous pas vulnérable si les taux d’intérêt devaient remonter ?

Absolument pas. Plus de 85 % de notre dette est à taux fixe. On a payé plus cher pour cela, c’est le prix de la sécurité. Comprenez bien : on ne prend aucun risque financier. On paie le prix pour une dette long terme et pour ne pas avoir d’échéance avant sept ans : aucun amortissement, aucun covenant et 85 % à taux fixe, très peu d’emprunteurs sont dans notre situation en terme de qualité de nos emprunts.

Et parce qu’on a une dette importante, tous les grands acteurs dans le monde investissent dans notre dette et nous ne sommes donc pas dépendants de tel ou tel établissement bancaire. Nos préteurs sont très satisfaits en tant que détenteurs de notre dette. Dans les télécoms, quand vous détenez vos propres infrastructures, vous recouvrez toujours vos créances .

Donc, pour vous, c’est zéro risque ? Et s’il y avait un Lehman Brothers bis ?

Un nouveau Lehman Brothers n’aurait qu’un impact très limité sur nous. Les banques nous ont déjà prêté l’argent. Quand le marché se referme, le danger existe pour les groupes ayant des dettes à refinancer à court terme, ce qui n’est pas du tout notre cas. Nous n’avons que les intérêts à payer pendant sept ans et nous pouvons y faire face seulement grâce à nos cash-flow massifs.

De plus, on a 5 milliards de trésorerie disponible et il nous reste beaucoup de marge de progression opérationnelle. Par exemple, si vous regardez la France, aujourd’hui c’est l’un des rares pays où le consommateur n’a pas encore complètement adopté la fibre. Le jour où le marché basculera, nous serons très bien placés pour en recueillir les fruits car on est leader sur ce marché, avec Orange.

Est-ce que cela signifie que vous pourriez vous endetter encore plus pour faire de nouvelles acquisitions ?

Oui, mais cela dépend des actifs que vous achetez. Ce qui est sûr, c’est que si on le voulait, le marché nous donnerait encore plus de dettes ! 2016 a été une année d’intégration des actifs achetés, je ne peux pas vous dire ce que nous ferons en 2017 si ce n’est de continuer d’intégrer nos actifs et de délivrer.

Publicité

Vous savez, il y a beaucoup d’opérateurs qui ont la pression de leurs actionnaires sur les dividendes. Chez nous, ce n’est pas le cas, nous ne payons pas de dividendes à nos actionnaires, c’est l’avantage d’un groupe contrôlé par une famille, ce qui est très rare dans les grands groupes de télécoms.

On voit bien que les marchés doutent tout de même : Altice a perdu plus de 50 % de sa valeur en un an et demi...

Cela dépend comment on regarde les choses. Les gens regardent toujours la meilleure performance qu’on a faite un jour de juin 2015 par rapport à aujourd’hui, mais ils oublient où on a commencé. Si vous regardez la valeur d’Altice depuis son introduction en Bourse en 2014, on est deux fois et demi au-dessus aujourd’hui, soit plus de 150% en 34 mois.

C’est une belle performance qui est arrivée très vite. En trois ans, nous sommes passés de 3,2 milliards de chiffre d’affaires à 25 milliards, et nous avons aujourd’hui 50 millions de clients sur 4 continents. Aucun de nos concurrents n’approche, même de loin, d’une telle performance en Europe.

Est-ce que vous pourriez coter vos activités américaines ?

Pour l’instant, on s’efforce d’améliorer les deux câblo-opérateurs que nous avons rachetés Suddenlink et Cablevision. On va continuer encore pendant quelques trimestes. On verra bien ce qu’on fera après. On reste pour l’heure concentré sur l’opérationnel. On a besoin de démontrer d’abord, ce que nous faisons déjà, que notre modèle fonctionne, avant de nouvelles acquisitions.

En France, est-ce que Altice va continuer à racheter des actions SFR sur le marché et allez-vous mettre en place une redevance ?

Ce n’est pas une stratégie pour nous, nous resterons opportunistes. Nous avons été un peu frustrés de voir que le r égulateur a désapprouvé notre projet d’offre publique d’échange volontaire . Nous avons refermé le dossier. Maintenant, cela ne change pas nos plans pour SFR.

En revanche, on va mettre progressivement en place une redevance de nos filiales à Altice comme cela existe dans tous les grands groupes internationaux qui centralisent certaines fonctions, Vodafone, Liberty Global, Deutsche Telekom, Orange...

Allez-vous tenter une énième fois de racheter Bouygues Telecom en France ?

On a déjà essayé trois ou quatre fois. Sans succès, dont acte. Le scénario d’une consolidation en France n’est désormais plus à notre agenda. En France, nous sommes désormais concentrés sur la transformation de SFR. La consolidation, tout le monde y aurait gagné, les acteurs des télécoms, l’Etat, l’investissement et le consommateur.

Car, à trois, nous aurions eu plus de moyens pour investir dans nos infrastructures. Aujourd’hui, en France, les prix sont parmi les plus bas d’Europe. Il vaut mieux que tous les français aient la fibre, quitte à ce qu’ils payent 5 euros de plus, plutôt qu’une couverture du territoire disparate, parce que les opérateurs télécoms n’ont pas suffisamment de moyens.

Propos recueillis par David Barroux et Fabienne Schmitt

MicrosoftTeams-image.png

Nouveau : découvrez nos offres Premium !

Vos responsabilités exigent une attention fine aux événements et rapports de force qui régissent notre monde. Vous avez besoin d’anticiper les grandes tendances pour reconnaitre, au bon moment, les opportunités à saisir et les risques à prévenir.C’est précisément la promesse de nos offres PREMIUM : vous fournir des analyses exclusives et des outils de veille sectorielle pour prendre des décisions éclairées, identifier les signaux faibles et appuyer vos partis pris. N'attendez plus, les décisions les plus déterminantes pour vos succès 2024 se prennent maintenant !
Je découvre les offres

Nos Vidéos

xx0urmq-O.jpg

SNCF : la concurrence peut-elle faire baisser les prix des billets de train ?

xqk50pr-O.jpg

Crise de l’immobilier, climat : la maison individuelle a-t-elle encore un avenir ?

x0xfrvz-O.jpg

Autoroutes : pourquoi le prix des péages augmente ? (et ce n’est pas près de s’arrêter)

Publicité