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PJ Harvey, singulière plurielle

Le nouvel album de PJ Harvey est un voyage musical et poétique à travers la planète. IAN GAVAN/Getty Images/AFP

Elle a été encensée, enterrée, ressuscitée, un peu oubliée, retrouvée… Mais voir PJ Harvey reste à chaque fois une bénédiction. Alliant grâce et profondeur, elle suit une route où la maturité ne ternit en rien son excentrique créativité.

PJ Harvey est un caméléon. Mais pas de ceux qui finissent par disparaître sous leurs parodiques costumes qui, une fois retirés, révèlent leur immense vacuité (n'est pas David Bowie qui veut!).

Mademoiselle Harvey a traversé deux décennies d'histoire du rock bien campée sur ses jambes au galbe aussi impeccable que la tessiture de sa voix. Et si l'on se retourne, ce n'est pas une PJ Harvey mais cinq, six, peut-être une dizaine que l'on voit. Violente et fragile, sexy et parfois moche, assez souvent allumée, mais aussi modeuse, historienne, casanière et aventureuse, tellement victorienne, parfois mystique et à d'autres moments décadente ou franchement glamour… Il y a en cette artiste une multitude d'histoires qui sont aussi les nôtres. Des albums qu'on a adorés, d'autres qui ne nous ont jamais ouvert les portes.

Il y a en cette artiste une multitude d'histoires qui sont aussi les nôtres

De son époque rageuse, au début des années 1990, elle a gardé un art de l'exploration, aujourd'hui plus assagie musicalement certes, mais avec cette densité restant le propre des artistes qui, à part ne rien faire, ne savent pas être autre chose que des auteurs-compositeurs filtrant l'eau du monde au tamis de leur sensibilité. Son dernier album, The Hope Six Demolition Project (Island Vagrant), sur lequel elle renoue avec le saxophone, l'instrument de ses débuts avec les anachroniques Automatic Dlamini, est un voyage musical contemporain et poétique à travers la planète. «Je ne peux pas regarder à travers ou au-delà / Ce visage disant dollar dollar / Un visage grêlé et creux /Me fixant derrière le verre» est le couplet qui achève l'album. Constat lucide, sans moralisation ni culpabilisation, mais résumant à la perfection ce que ressentent les voyageurs occidentaux dans une bonne partie du monde. C'est cet art de la justesse de PJ Harvey, ce mélange de pudeur et de sensibilité, qui l'impose depuis des années dans le peloton de tête des stars rock influentes.

Philtres d'amour

Sur scène PJ Harvey n'a plus de leçon à recevoir non plus. Entourée de sa bande - notamment ses fidèles John Parish, Mick Harvey et Jean-Marc Butty -, qui est pour beaucoup dans la qualité remarquable de ses prestations, son nouveau spectacle, mis en scène malicieusement par Ian Rickson, ancien directeur artistique du Royal Court Theatre of London, est sans doute l'un des plus aboutis. On va finir par être ridicule à force de répéter à chacun de ses nouveaux passages à Paris qu'elle n'a jamais aussi bien chanté, mais c'est un fait. Libérée le plus souvent de sa guitare (qui la rend pourtant si sexy!), elle est en harmonie parfaite avec des chorales qui la supportent sous les impulsions percussives des cuivres et des tambours. Ces derniers ont pris une place étrangement prépondérante dans son univers depuis son album de fresques guerrières Let England Shake (2011). Ils participent à cette impression qu'il y a quelque chose d'à la fois martial et magique dans la cérémonie qu'elle orchestre en prêtresse avertie. Laissant flotter les manches interminables de son costume de scène dessiné par la belge Ann Demeulemeester, elle invite à l'ondulation pour déguster ses philtres magiques… d'amour bien sûr. Qui se laisse tenter?

PJ Harvey au Zénith. 211, av. Jean-Jaurès (XIXe). Tél.:01 44 52 54 56. Date: le 21 oct. à 20 h 30 (pas de 1re partie). Place:49,50 €.

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