Le Bon Coin, AirBnB, Drivy… L’économie de partage est en plein essor depuis plusieurs années. Malgré une obligation légale théorique, les revenus générés par ces plateformes échappent en grande partie à la fiscalité française. Qu’il s’agisse du Sénat ou de Bercy, les autorités entendent bien réguler ce far-west fiscal.

Louer un logement, vendre un vélo, trouver un transport à moindre coût… À la faveur de la démocratisation du smartphone, les sites d’économie de partage sont aujourd’hui entrés dans les habitudes de consommation des français. En 2014, près de 70% des internautes français, soit plus de 31 millions d(utilisateurs, ont eu recours aux plateformes collaboratives.

Une étude, publiée par AskHeem et Escal Consulting, indique que l’économie collaborative représente un marché d’environ 3,5 milliards d’euros. L’Hexagone est un marché dynamique, avec 276 plateformes collaboratives, dont 70% sont françaises. L’achat ou la vente de biens entre particuliers via des plateformes en ligne concernait 52% de la population en 2013. 32% des Français indiquent avoir recours à des moyens de transports collaboratifs, dont 21% pour le covoiturage. Les Français semblent ainsi ouvert aux concepts liés à la consommation du partage et en profitent dans différents secteurs.

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Pratique de la consommation collaborative par secteur

Mais pour les pouvoirs publics, la régulation de ce nouveau mode de consommation n’est pas aisée. Lorsqu’un usager revend un meuble dont il n’a plus l’utilité, il ne semble pas utile de le taxer. En revanche, lorsque Uber envisage de transformer des milliers de conducteurs en chauffeurs occasionnels, l’impact financier est tout autre. Vaste entreprise que de délimiter les activités amateurs de celles professionnelles.

Une taxe de séjour pour Airbnb

Théoriquement, le droit impose déjà aux usagers de ces nouvelles plateformes de déclarer les revenus qu’ils y génèrent. Dans la pratique, peu honorent cette obligation, perdus par le clair-obscur qui entoure ces différents sites.

Depuis le mois d’octobre 2015, AirBnB collecte directement la taxe de séjour pour ses hôtes. La législation impose déjà une taxe de séjour lors d’une location entre particuliers via une plateforme en ligne, mais la collecte devait être réalisée par les hôtes. Une fois collectée auprès des voyageurs, l’hôte devait aller la reverser à la mairie de sa ville. Un processus, dans la pratique, assez contraignant. En août 2015, le gouvernement a publié un décret donnant droit aux sites comme AirBnB de prendre en charge la collecte de cette taxe.

En décembre 2015, l’Assemblée nationale a adopté un texte visant la fiscalité des plateformes d’économie collaborative. L’amendement de la loi finance 2016 oblige ainsi les sites tels que Airbnb ou Drivy à mieux informer les utilisateurs sur leur obligation fiscale. Les plateformes devront leur fournir un relevé annuel de leurs revenus, sous peine d’une amende de 10 000 euros. La mesure, entrée en vigueur le 1er juillet, "contribuera à clarifier la frontière entre les activités assimilables à celles d'un travailleur indépendant et celles relevant de l'économie du partage, qui ne génèrent pas de revenus », précise le texte. La ligne dessinée par les pouvoirs publics tend à séparer l’activité de partage non lucratif (covoiturage où les utilisateurs ne font que partager les frais par exemple) de celle qui génère de l’argent.

Le "capitalisme de plateforme" soumis à l'impôt

Le gouvernement ne s’arrête en revanche pas là. Le « capitalisme de plateforme » a, pour les autorités, vocation à être assujetti à l’impôt, au même titre que les entreprises classiques. Et pour cause : le secteur, qui génère 13 000 salariés directs, est estimé à plus de 3 milliards d’euros.

Ainsi, le Premier ministre Manuel Valls a missionné Pascal Terrasse, député PS de l’Ardèche, afin de faire la lumière sur l’économie collaborative. Dans le préambule de son rapport, le député explique que « l'économie collaborative, ce n'est pas l’ubérisation ». Il décrit l’économie collaborative comme une alternative crédible à un modèle de consommation qui s’essouffle mais exige que ses acteurs prennent leur responsabilité.

Parmi les 19 propositions qu’il a préparées, le député estime que l’information de revenus à l’administration fiscale devrait empêcher cet argent d’échapper à la fiscalité. Lui non plus ne préconise pas la taxation des services qui n'engendrent pas d’argent. Se pose alors la question du seuil au-delà duquel une activité devient imposable. Pascal Terrasse n’explicite pas ce point, qui sera déterminé par l’administration fiscale. Cette mesure proposée par le député devait être intégrée à la loi Macron 2. Le projet ayant avorté, elle a été intégrée à la non moins controversé loi de travail, dont la majorité du texte a été validé par le Conseil Constitutionnel jeudi 4 août.