Accéder au contenu principal
Découvertes

Pourquoi la fin de la neutralité du Net aux États-Unis doit nous inquiéter

Dans un monde globalisé, ce qu'il se passe de l'autre côté de l'Atlantique n'est jamais sans risque pour une autre partie du monde. 

À Washington, aux abords de la Federal Communications Commission (FCC), un panneau de protestation a été installé.
À Washington, aux abords de la Federal Communications Commission (FCC), un panneau de protestation a été installé. Andrew Harrer/Bloomberg via Getty Images
Publicité

Aux États-Unis, la neutralité du Net est en train de vivre ses derniers jours. Le régulateur des télécoms s'apprête à adopter des mesures qui auront pour conséquence de laisser la voie libre aux fournisseurs d'accès à Internet pendant que la résistance s'organise comme elle le peut, sans trop y croire.

VOIR AUSSI : AdNauseam, l'extension qui clique sur toutes les pubs pour éviter que le Web vous profile

Pour bien comprendre ce que cela veut dire, il faut d'abord avoir en tête ce qu'implique le principe de neutralité du Net. Son essence pourrait être résumée comme ceci : il s'agit de l'idée que tout ce qui circule sur Internet doit pouvoir le faire sans discrimination. L'égalité des flux d'information permet un accès égalitaire au réseau : l'internaute dispose du même environnement que son voisin, quelque soit son niveau de revenus. Il a aussi les mêmes droits d'expression, encadrés par la loi. Contrairement aux médias traditionnels, Internet est une forme de démocratie de l'information dans laquelle il ne peut y avoir d'internaute défavorisé. S'il y a des régions du monde où l'on peut être un citoyen de seconde zone, ce n'est pas censé être le cas sur le Web.

Or, ce principe de neutralité du Net est considéré comme peu rentable par les trois principaux fournisseurs d’accès américains – Verizon, Comcast et AT&T – qui militent pour sa mise à mort. En d'autres termes, ces entreprises souhaitent pouvoir mettre sur le marché des offres pour le moment interdites : un accès prioritaire au réseau moyennant un forfait, des bouquets avec des services Web exclusifs, des prix différents sur la consommation de bande passante, etc. Pour le dire autrement : la fin de la neutralité du Net signerait le début de la dérégulation.

Risque d'un Internet à deux vitesses

Cette perspective est loin d'être souhaitée par l'ensemble des acteurs du numérique. Ainsi, presque toute la Silicon Valley y est opposée, mais aussi de nombreux spécialistes du Web et de ses réseaux. Alors que tout prédispose l'administration Trump à se défaire de la neutralité du Net, la grogne populaire s'organise, même en sachant ses chances minimes :

[scald=62277:article_details]

La crainte partagée ? Voir Internet devenir un espace à deux vitesses, avec d'un côté ceux qui ont les moyens de se payer un nouveau haut débit, de l'autre ceux qui n'auraient pas accès à tous les contenus.

L'idée que tous les internautes doivent être traités de manière identique est un véritable garde-fou pour préserver la dimension démocratique de la Toile. La Federal Communications Commission (FCC) entérinait un principe important en février 2015 alors que Barack Obama était président des États-Unis : l'Internet américain devenait "bien public". Une décision qui de facto interdisait aux fournisseurs d'accès de bloquer des contenus ou d'avoir la main sur la vitesse des flux de données selon le prix payé par un internaute. Sauf que l'arrivée de Donald Trump a tout changé, puisque le nouveau président américain n'a jamais caché son intention de détricoter la neutralité du Net. Même avant son élection, une lettre signée par 150 personnes de la Sillicon Valley faisait déjà état d'inquiétudes sur l'avenir de l'Internet neutre. En nommant à la tête de la FCC un certain Ajit Pai, ancien conseiller d’un opérateur américain fermement opposé à la neutralité, Donald Trump jetait ses dés. 

Surfez, vous êtes observé

Vous avez sans doute déjà entendu cette personne "qui ne voit pas le mal qu'il y a à être scruté sur le Net" dire : "Je n'ai rien à cacher après tout". Imaginez qu'on vous filme chaque jour et qu'on se serve ensuite de ce que l'on voit de vos activités pour revendre vos données personnelles ou encore vous faire payer des choses à la carte. C'est le même principe qui est en jeu avec la neutralité du Net, comme le montre cet article de Numerama qui a imaginé des cas de figure à la française, ou cette infographie du Washington Post qui devisait en 2014 sur ce à quoi pourrait ressembler un Net sans la neutralité qui le protège :

Dans le détail, les utilisateurs américains risquent de voir leur consommation d'Internet tout à coup analysée et payable à la carte, donc. En France, c'est un peu comme si le groupe Altice, qui possède Libération, avait tout à coup le pouvoir de vous facturer vos lectures d'articles mis en ligne par un autre média. Effrayant, non ?

Pour l'heure, le cadre européen semble heureusement plutôt opposé à une telle dérégulation. Mais la protection de la neutralité du Net se cache parfois dans des interstices à surveiller. Par exemple, le zero rating, pratique consistant à offrir un accès illimité à certains services (donc sans les décompter du forfait), entre clairement en conflit avec la neutralité du Net : séduisante au demeurant puisqu'elle permet une offre "en plus" pour l'abonné (par exemple, lorsque l'opérateur a un partenariat avec YouTube ou Spotify, pour ne citer qu'eux), elle n'en est pas moins déloyalement concurrentielle pour d'autres opérateurs. Sur ce point, le Berec (notre FCC européen) n'interdit pas le zero rating mais propose d'en encadrer les pratiques afin d'éviter qu'un service soit plus mis en avant qu'un autre. 

Si le sort de la neutralité du Net américain n'a en l'espèce aucune conséquence sur notre façon de naviguer, il faut avoir en tête que l'exemple américain peut toujours être prescripteur. Après tout, s'il y a bien une chose qui ne connaît pas de frontière, c'est Internet.

Quelque chose à ajouter ? Dites-le en commentaire.

Le résumé de la semaineFrance 24 vous propose de revenir sur les actualités qui ont marqué la semaine

Emportez l'actualité internationale partout avec vous ! Téléchargez l'application France 24

Partager :
Page non trouvée

Le contenu auquel vous tentez d'accéder n'existe pas ou n'est plus disponible.