La promulgation de la nouvelle Constitution en 1988 a entraîné de profonds changements dans la société brésilienne, tant sur le plan économique que social. Sous l'impulsion de Fernando Henrique Cardoso, la nouvelle monnaie (le Real), implantée en 1994, met fin au processus d'hyperinflation. Ce gouvernement se lance dans les réformes structurelles de l'administration publique et dans la modernisation de l'État. C'est lui également qui lance de nombreux programmes sociaux, tels que les bourses, et qui réussit à faire scolariser 100% des enfants, phénomène inédit dans l'Histoire du Brésil.
Par la suite, venu d'un parti d'opposition plus à gauche, Lula est élu en dépit d'un discours opposé à la politique économique en vigueur depuis la création du Real. Mais dans les faits, Lula n'a jamais osé la modifier, ayant même gardé le président de la Banque Centrale de son prédécesseur. C'est à tort que l'on porte à son crédit toutes les réussites de cet essor, bel et bien initié sous l'administration de Fernando Henrique.
À la fin de son mandat, Lula réussit à faire élire Dilma Rousseff, dont la forte idéologie s'oppose au pragmatisme de son prédécesseur. Celle-ci n'hésite pas à intervenir dans la politique économique. Depuis 2010, elle met en place progressivement de procédures qui rendent les comptes publics moins transparents, telles que l'augmentation des dépenses gouvernementales, la manipulation artificielle des prix des tarifs publics ou encore l'encouragement à la consommation des biens. Cette politique interventionniste a pour résultat la poussée de l'inflation qui, cette année, doit avoisiner les 6,5%.
L'économie commence à ressentir un ralentissement et la société subit les conséquences de cette augmentation de l'inflation, qui reste la bête noire de l'inconscient collectif brésilien. Ce contexte, associé à plusieurs scandales de corruption au cours des années du gouvernement Lula qui se sont répercutés dans le gouvernement Rousseff, constituent les raisons les plus visibles du mécontentement actuel de la population.
Si la coupe du Monde rencontrait un soutien massif de la population à l'époque du choix du pays, il en va autrement aujourd'hui: géré par la Présidente, cet événement est devenu, dans ce contexte de crise, un problème politique. En effet, les Brésiliens n'approuvent pas le fait que le gouvernement ait décidé d'accueillir la Coupe du Monde alors qu'il n'a pas réalisé tous les travaux nécessaires d'infrastructures générales dans le pays, qui en manque cruellement. Les forts taux de croissance des dernières années n'ont pas été suffisamment accompagnés d'investissements dans des infrastructures lourdes, par manque de fonds.
Mais pourquoi donc le Brésil ne dispose pas de ces fonds, lui qui partage pourtant avec la France le rang de 5ème économie mondiale?
Pour bien comprendre ce qui semble constituer un paradoxe, il faut noter qu'à l'inverse des autres pays BRICS qui n'investissent presque rien dans la sécurité sociale, le Brésil, lui, en vertu de sa Constitution, investit 9% de son PIB dans le service public de santé. Mais c'est même 18 à 20% de son PIB qu'il devrait investir dans le secteur de santé public, lui qui est le seul pays au monde à proposer un réseau de santé publique ouvert gratuitement à toute la population.
Le même phénomène est perceptible dans le domaine de l'éducation publique, de basse qualité quoique le Brésil y investisse 5,7% de son PIB, un des taux les plus élevés parmi les pays de l'OCDE, un volume plus grand que celui investit par la Grande Bretagne, l'Allemagne et le Canada. Il est inéluctable qu'un pays qui se développe à pleine vitesse n'ait pas les fonds pour investir dans tous les domaines nécessaires et pour entreprendre des travaux d'infrastructure lourde. Mais le refus de l'aide du secteur privé au service des investissements publics, pour des raisons idéologiques, devient alors inconcevable.
Cette "hostilité" de la population envers la classe politique se répercute sur le gouvernement Rousseff: les derniers sondages de l'institut brésilien Datafolha indiquent une volonté de changement partagée par 74% de la population.
À la fin de la Coupe du Monde, le pays va entrer dans une campagne électorale qui déterminera la voie suivie pour les quatre ans à venir. Ce sera une campagne très disputée, entre deux groupes politiques fortement polarisés:
- d'un côté, le Parti des Travailleurs (PT) plus à gauche mais qui établit les alliances les plus rétrogrades avec d'anciens oligarques, en vue de la réélection de la Présidente de l'autre, le jeune sénateur Aécio Neves qui se présente pour le Parti de la Sociale Démocratie Brésilienne (PSDB): parti de l'ancien Président Fernando Henrique, de centre-gauche, il présente une politique plus libérale, qui vise l'ouverture et l'intégration du pays dans le processus de mondialisation.