JUSTICE - La cour d'appel de Paris a confirmé, mercredi 27 novembre, le licenciement de la salariée de la crèche de Baby-Loup qui avait refusé d'enlever son voile islamique au retour d'un congé parental. Cette décision, contraire à ce qu'avait jugé la Cour de cassation en mars dernier est conforme à toutes les décisions de justice prises jusque là.
Avant même le jugement, la salariée avait fait par de son intention de poursuivre le combat judiciaire. Elle devrait à nouveau porter son combat devant la Cour de cassation avant peut-être de saisir les instances européennes. "Le pourvoi en cassation est très probable", a fait savoir l'avocat de Fatima Afif.
A l'audience, le mois dernier, le procureur général François Fallletti avait demandé à la cour de "résister" à la Cour de cassation, qui avait annulé le licenciement qu'elle avait considéré comme "discriminatoire" s'agissant d'une "crèche privée". Ce mercredi, les magistrats ont donc suivi le parquet en considérant que la faute grave pouvait être retenue comme motif de licenciement.
En effet, selon les magistrats, la crèche Baby-Loup est certes une entreprise privée sans délégation de service public mais elle entre dans le cadre des "entreprises de conviction". Cette terminologie rarement usitée permet aux dirigeants "d'exiger la neutralité de ses employés". Pour les juges, le règlement intérieur de la crèche répond "à l'exigence professionnelle et déterminante de respecter et de protéger la conscience en éveil des enfants".
De quoi réjouir Me Richard Malka, avocat de la directrice de la crèche: "C'est l'affirmation que si la religion est sacrée pour certains, elle n'est pas sacralisée par la République", a-t-il déclaré.
En conférence de presse, la directrice de la crèche, Natalia Baleato, a salué une décision qui va dans le sens de la protection des enfants.
Malgré cette décision de justice favorable, la crèche va tout de même déménager dans quelques semaines. De Chanteloup-les-Vignes, dans les Yvelines, l'établissement créé il y a une vingtaine d'année va s'installer dans la ville voisine de Conflans-Saint-Honorine. Une conséquence du vif débat qui avait suivi la décision de la Cour de cassation au printemps dernier. "Cette décision apporte de l'eau au moulin des communautarismes", commentait alors Richard Malka.
Une circulaire pour éviter les affaires de ce type?
Entre tenants de la laïcité et respect de la liberté religieuse, la confrontation n'avait pas manqué. Et pas seulement sur ce sujet de Baby-Loup. "Ce que nous disons, c'est qu'il y a moins d'atteintes à la laïcité. Le problème c'est que lorsqu'il y en a, elles sont plus radicales et plus visibles. Ce sont des sujets épidermiques, donc à chaque fois qu'ils surgissent, ils sont très commentés ce qui accentuent les tensions", explique Nicolas Cadène, rapporteur général de l'Observatoire de la laïcité.
Dans un communiqué en réaction à la décision de la cour d'appel, l'Observatoire dit vouloir "éviter toute nouvelle affaire de ce type". Pour ce faire, il a recommandé au gouvernement "d'édicter une circulaire interministérielle rappelant ce que le droit permet et ce qu'il interdit". Objectif, que les acteurs de terrain puissent préciser leurs règlements intérieurs afin d'imposer, "quand cela est nécessaire et justifié", des restrictions au fait religieux.
En attendant, la décision du jour va peut-être permettre d'apaiser les tensions. Mais ce n'est pas gagné. Ainsi, le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), qui soutient de nombreuses femmes voilées, a vilipendé la décision. "L'examen et l'issue du procès doivent, sans aucun doute, être retenus comme un véritable scandale judiciaire", dénonce le CCIF estimant que ce délibéré "a fait prévaloir les convictions personnelles de certains magistrats devant l'exigence de respect de la loi et d'impartialité de la justice".