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Hollande : « Il faut que les Français pensent que la politique peut être efficace »

Le chef de l’Etat a répondu lundi soir pendant plus de deux heures aux questions des journalistes de la presse présidentielle. Des «confidences» très maîtrisées et un ton très grave.

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François Hollande a répondu lundi soir pendant plus de deux heures aux questions des journalistes de la presse présidentielle, des «confidences» très maîtrisées et un ton très grave

Par Pierre-Alain Furbury

Publié le 22 juil. 2014 à 06:28

Comme promis, il a réitéré l’exercice. Pour la deuxième année consécutive, François Hollande s’est confié ce lundi soir, dans le 7e arrondissement de Paris, devant quelque 80 journalistes français et étrangers de l’Association de la presse présidentielle. Une prestation de plus de deux heures sur un ton nettement plus grave qu’il y a un an. Passage en revue de ses principales déclarations.

L’«attitude» russe en question

D’emblée, le ton se fait grave. Bien plus que l’année précédente. François Hollande entame son intervention devant les journalistes en insistant sur un «moment extrêmement lourd». Un peu effacé derrière son Premier ministre en France, le chef de l’Etat veut montrer qu’il est à la manœuvre à l’international, terrain de toutes les «tragédies» et de toutes les menaces. «La France est en mouvement. La France en fait beaucoup (…) La diplomatie française est l’une des plus actives au monde». Au Proche-Orient. En Afrique. En Ukraine aussi, insiste-t-il, revenant sur le Boeing de Malaysia Airlines, abattu en fin de semaine dernière, affaire qui «a suscité une émotion qui n’est pas que néerlandaise». «Nul doute que la pression sera forte sur la Russie. S’il y a le moindre manquement, la moindre difficulté, le moindre obstacle, des décisions seront prises», prévient François Hollande, haussant le ton. La France pourrait ainsi revenir en partie sur la vente de navires militaires Mistral à Moscou. Deux de ces navires dernier cri ont été vendus à la Russie en 2011, pour 1,2 milliard d’euros, plus gros contrat jamais passé entre le Kremlin et un pays de l’Otan. Le premier exemplaire doit être livré «en octobre» et il le sera, assure le chef de l’Etat : «Les Russes ont payé.» Mais «est-ce que le reste du contrat pourra être honoré [en 2015] ? Ça dépendra de l’attitude de la Russie. Je le dis très clairement», tranche-t-il.

L’interdiction de la manifestation «justifiée»

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François Hollande s’avoue très préoccupé par «l’état du pays» et les «forces obscures» qui «travaillent» la société française. «Arriver à unir, à fédérer, c’est le rôle qui est le mien», explique-t-il. Le chef de l’Etat justifie l’interdiction de la manifestation pro-palestinienne à Sarcelles, ce week-end, qui a eu lieu et s’est soldée par des violences. «Tout le monde est parfaitement libre d’avoir un point de vue sur ce qui se passe au Proche-Orient, mais il n’y a aucune raison de s’en prendre à d’autres Français pour des causes qui n’ont rien à voir avec ce qui s’y passe», souligne-t-il. «Ce n’est pas l’interdiction qui a produit la violence. C’est parce qu’il y avait déjà eu des violences qu’il y a eu interdiction», explique le président, tout en rappelant que les manifestations sont «libres en France» et que «soixante» se sont déroulées «sans incident majeur» ces derniers jours. François Hollande souhaite que la manifestation de mercredi «se passe bien». «Son parcours a été changé pour éviter les risques» et «les organisateurs s’en sont portés garants», explique-t-il. François Hollande jure que la position de la France au Proche-Orient est «toujours la même» : «celle de deux Etats dans le respect de la sécurité d’Israël et la reconnaissance des droits des Palestiniens».

Moscovici «pas le plus mal placé» pour Bruxelles

Pierre Moscovici est clairement le candidat de la France pour un poste de commissaire européen à l’Economie. Interrogé par les journalistes, François Hollande relève qu’il est «légitime» que la France ait «une responsabilité importante», «à la hauteur de la France», et que l’ancien locataire de Bercy, qui «a mené» pendant deux ans «une politique visant à améliorer la compétitivité et à réduire les déficits», n’est «pas le plus mal placé pour prétendre à des responsabilités de cet ordre». L’Allemagne grince des dents ? Elle n’est pourtant «pas choquée» que soit proposée la présidence de l’Eurogroupe à l’ancien ministre de l’Economie espagnol, Luis de Guindos, alors que «l’Espagne n’est pas plus vertueuse que la France», tacle le chef de l’Etat. Il rappelle toutefois que c’est le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, qui «a l’autorité» : «La France propose un nom. Le président de la Commission européenne propose une compétence.» François Hollande aura une discussion avec lui dans les tous prochains jours. Pour l’heure, il se félicite de l’orientation de son premier discours, qu’il qualifie de «bon schéma pour la future Commission».

«Intelligence» sur les 3%

Pourquoi ne pas avouer qu’il a déjà renoncé à ramener les déficits publics à 3% du PIB en 2015, comme le disent déjà nombre de responsables socialistes ? Interrogé, François Hollande continue de jouer les équilibristes. Oui, «le principe, c’est de respecter nos engagements». Mais il entend «utiliser les flexibilités du pacte de stabilité si la croissance devait s’affaiblir». Pas question, en tout cas, d’aller au-delà des 50 milliards d’économies prévus sur trois ans. «C’est le bon dosage, la bonne formule pour réduire les déficits, permettre aux entreprises plus de compétitivité et faire des baisses d’impôts.» «Nous ferons les choses avec intelligence», promet le chef de l’Etat, qui insiste : «Si nous changeons continuellement d’objectif, les acteurs économiques ne s’y retrouveront pas et les Français non plus.»

Le «problème de langage» de Gattaz

Les oreilles de Pierre Gattaz ont une fois encore dû siffler. Car c’est peu dire que le président du Medef irrite François Hollande. Le patron des patrons s’est encore alarmé ce lundi, dans «Le Figaro», de la «situation catastrophique» de la France, jugeant que la pacte de responsabilité «ne suffira pas» à redresser le pays et appelant l’exécutif à abandonner la taxe à 75% sur les très hauts revenus pour redonner de la confiance aux chefs d’entreprise. A défaut de dire qu’il y a un problème Gattaz, le chef de l’Etat parle d’un «problème de langage». «Ce langage doit changer», prévient-il, demandant au patronat d’être «pleinement dans la responsabilité», de «considérer ce qui a été fait» et de défendre un pacte qu’il «a signé», qui plus au moment où le Cice, qu’il «a voulu garder», est «versé» aux entreprises. «Ce n’est quand même pas moi qui ai porté un badge ’un million d’emplois’», tacle le locataire de l’Elysée. «Ce problème d’expression peut avoir des conséquences économiques. A un moment, il faut que le patronat pense à ses propres intérêts. Comme voulez-vous que les investisseurs investissent et que les consommateurs consomment ?», insiste-t-il, notant toutefois avec satisfaction que le vice-président du Medef et délégué général de l’IUMM, Jean-François Pilliard, appelait dans «Les Echos» les branches à négocier. «Mener les négociations branche par branche», c’est la «responsabilité» du patronat, souligne François Hollande, qui conclut : «Les corps intermédiaires, on en a besoin. S’ils ne le comprennent pas eux même, il faut le leur dire.»

«Le mouvement créé le mouvement»

François Hollande sait que «les gens n’y croient plus». Parce que trop de promesses, depuis des décennies, n’ont pas été tenues. Parce que lui-même a promis un «changement» et des résultats qui ne viennent pas. «C’est lent, c’est long», a-t-il lui-même déploré, jugeant le mode de décision «peu compatible avec l’urgence». Mais pas question pour lui de «renoncer». Sinon, prévient-il, «ce n’est pas l’abstention qui gagne mais les extrêmes». «Il faut que les Français pensent que la politique peut être efficace, qu’elle peut être juste, qu’elle peut faire grandir le pays.» Mais comment ? Par la réformes, qu’il jure de «continuer» après le pacte de responsabilité, «pas pour le plaisir de faire les réformes, mais pour que le pays aille mieux» : «On va faire tout ce que nous avons décidé et on va en faire davantage.» Sa recette pour redonner confiance au pays, c’est «le mouvement». «Il n’y a aucune excuse à l’immobilisme. C’est le mouvement qui crée le mouvement», veut-il croire, disant ne pas attendre que l’opposition, il est vrai mal en point, «vienne à sa rescousse». François Hollande rêve aussi de «cultiver un sentiment patriotique». «Etre patriotique, ce n’est pas être nationaliste», explique le chef de l’Etat, qui multiplie depuis quelques mois les commémorations. Arnaud Montebourg est à cet égard utile, qu’il prend soin de ménager malgré ses récentes prises de distance. «Il veut redonner du pouvoir d’achat», élude-t-il, interrogé sur les récentes déclarations et propositions de son ministre de l’Economie.

Un nouveau geste fiscal qui doit se voir»

Après la sortie de 1,8 million de Français de l’impôt sur le revenu en 2014, prépare un geste de plus pour les classes moyennes en 2015. Il l’a dit, déjà, le 14 Juillet. S’il devrait s’agir de toucher les Français «au-dessus de 1,1-1,2 Smic», «ce n’est pas maintenant que cette mesure se décide». François Hollande marche sur des œufs. D’abord parce qu’il sait que «quand on annonce un geste de plus, les Français pensent que ça va se faire à l’automne». C’est, résume-t-il, «la parabole de la pause fiscale», annoncée l’été dernier, juste avant que les contribuables ne reçoivent leurs feuilles d’impôt. Or, le chef de l’Etat est soucieux que ces baisses d’impôt soient «sensibles», qu’elles «se voient». Dernier problème : «Il faut du temps pour que la baisse des impôts soit sensible. Deux-trois ans», souligne-t-il, ajoutant, dans un sourire : «C’est pour ça qu’on raison de s’y prendre maintenant.»

Les «corrections limitées» à la réforme territoriale

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Sur ce front-là, François Hollande se dit «satisfait». Non pas que la réforme ne fasse pas grincer des dents. Mais, pour le chef de l’Etat, que la nouvelle carte fasse grincer des dents est normal (elle «vit sa vie dans le débat parlementaire») et «les corrections ont été limitées». «Une réforme territoriale où tous les élus sont contents, ce n’est plus une réforme territoriale !», lâche-t-il. L’important, c’est que la réforme, qui est une «bonne» réforme, soit «pour l’essentiel validée», explique-t-il, à la veille du vote des députés en première lecture, ce mercredi. François Hollande ne veut pas répliquer à Martine Aubry, qui a dit sa colère devant un rattachement de la région Nord-Pas de Calais à la Picardie. Il note simplement que son ancienne rivale à la primaire socialiste «a dit qu’elle se ralliait au principe de la réforme».

La «tentation» du référendum sur les institutions

On savait François Hollande soucieux de faire des réformes institutionnelles en 2016. La nouveauté, c’est qu’il n’exclut pas un référendum pour les faire adopter. «Il n’est jamais facile de changer les institutions (…) S’il faut aller devant le peuple français à un moment où à un autre, il faudra prendre cette responsabilité», glisse le chef de l’Etat devant la presse présidentielle. Se disant conscient des dangers de cette «méthode», mais ne cachant pas son étonnement devant l’opposition systématique de la droite sur des sujets sur lesquels «tout le monde devrait se retrouver». Le président insiste, évoquant les «problèmes de comportement et de pratiques» : «Je ne demande pas qu’on soutienne le président, ça n’aurait aucun sens. Je demande qu’on soutienne la République.»

Son anniversaire et «rien d’autre»

La rumeur enfle depuis des mois, notamment sur les réseaux sociaux, sur un éventuel mariage de François Hollande et Julie Gayet le 12 août, jour où le chef de l’Etat doit justement souffler ses 60 bougies. Interrogé par un journaliste, le président coupe court à cette histoire «complètement folle» : «J’ai une information à donner. Le 12 août, ce sera mon anniversaire. Vous pouvez me le souhaiter mais ce n’est pas la peine d’apporter d’autres cadeaux, présents ou dragées. Le 12 août, c’est mon anniversaire et rien d’autre.» Fermez le ban.

Sur 2017, «n’attendez rien de moi»

Pas question pour François Hollande de s’aventurer sur ce terrain-là. Officiellement, la prochaine présidentielle ne l’intéresse pas. Pas même le choix du prochain président de l’UMP et un éventuel retour de Nicolas Sarkozy. «Là-dessus, n’attendez rien de moi», tranche le chef de l’Etat. «Je ne me pose pas la question. Il y a tellement à faire jusqu’en 2017 (…) Un président peut tout faire, sauf s’occuper de l’opposition. Et même la majorité, ce n’est pas toujours facile», explique-t-il. D’ailleurs, «je ne suis pas habilité à choisir le candidat à droite. Je ne participe aucune primaire… à droite», glisse-t-il, dans une allusion à ceux qui, dans son propre camp, réclament déjà une primaire à gauche. Comme pour montrer qu’il a du pain sur la planche et n’entend pas rester les bras ballants pendant le mois d’août, il souhaite, avant de s’éclipser, de «bonnes vacances» aux journalistes, «sauf si vous me suivez».

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