FIN DE VIE - Les parents de Vincent Lambert ont pris les devants. Avant même que le Conseil d'Etat ne rende son jugement, mardi 24 juin, sur le maintien en vie ou l'arrêt des traitements de cet homme de 39 ans, son père et sa mère ont pris une décision cruciale: saisir la Cour européenne des droits de l'homme.
Selon Le Monde, ils ont même demandé dès lundi à la justice européenne de regarder de près le dossier de leur fils. Plus précisément, ils souhaitent obtenir que la CEDH gèle la décision du Conseil d'Etat si celle-ci ne va pas dans leur sens. Catholiques proches des milieux traditionalistes, ils s'opposent à l'euthanasie passive de Vincent Lambert, préconisée par le rapporteur public.
Et la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) leur a donné raison en demandant mardi soir en urgence le maintien en vie de Vincent Lambert, contre l'avis rendu le même jour par le Conseil d'Etat.
C'est ce qu'a fait savoir dans la soirée l'avocat des parents du tétraplégique. "Ayant pris connaissance de l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat", la CEDH a décidé de demander au gouvernement "de faire suspendre l'exécution de cet arrêt pour la durée de la procédure devant la Cour", précise un courrier adressé par la CEDH au gouvernement français, et transmis à l'AFP par Me Jean Paillot.
"Cette mesure implique que Vincent Lambert ne soit pas déplacé avec le but d'interrompre le maintien de son alimentation et de son hydratation", précise la Cour. Après cette décision conservatoire, prise en urgence, le dossier va désormais être étudié sur le fond par la Cour européenne, laquelle précise avoir décidé "que la requête serait traitée en priorité".
Avant un éventuel recours sur le fond, Pierre et Viviane Lambert avaient fait appel à l'article 39 du règlement de la Cour européenne des droits de l'homme, relatif aux "mesures provisoires". Il permet, en urgence, d'obliger un Etat à ne pas appliquer une décision de justice.
"Lorsqu'il existe un risque imminent de dommages irréparables en cas d'atteinte au droit à la vie (article 2) ou de traitements inhumains et dégradants (article 3), il est possible de saisir extrêmement rapidement par fax ou mail la CEDH. Elle statue dans les 24 heures pour, le cas échéant, enjoindre à un Etat de ne pas procéder à l'exécution d'une décision de justice susceptible de porter atteinte à ces principes", explique l'avocat Patrice Spinosi, spécialiste de la CEDH.
Cette procédure est généralement utilisée dans des cas d'extradition ou de renvoi de personnes dans un pays où elles risquent de subir un traitement inhumain et dégradant.
Pas de décision sur le fond avant au moins deux ans
La décision du Conseil d'Etat sera-t-elle cassée pour autant? Non, et elle ne préjuge en rien de la décision finale de la CEDH. Mais le président de la juridiction administrative a estimé que sa décision n'allait pas à l'encontre de ces principes. "La décision du Conseil d’État souligne aussi que la loi Leonetti est compatible avec la convention européenne des droits de l’Homme dont l’article 2 protège le droit à la vie", a déclaré Jean-Mrc Sauvé.
Seulement, il faudra attendre très longtemps. "La décision du Conseil d'Etat resterait acquise mais son effet serait suspendu dans l'attente de la décision sur le fond, rendue dans un délai de deux ou trois ans. Pendant ce temps aucune atteinte ne pourrait être portée au droit a la vie de Vincent Lambert", ajoute Me Spinosi.
"C'est un nouvel épisode, un de plus, qui prolonge d'autant la situation dramatique de Vincent à qui nous allons devoir faire encore subir des traitements qui relèvent d'un acharnement thérapeutique et de l'obstination déraisonnable qu'il redoutait tant lui-même", a regretté le docteur Kariger, médecin de Vincent Lambert., qui a décrit la décision de la CEDH comme "le recours et le délai de trop".
De quoi prolonger une guerre familiale qui dure déjà depuis plus d'un an.