POLITIQUE - Depuis le retrait prématuré de Jean-Louis Borloo de la vie politique, le plus vieux parti de France se cherche un ou une nouvelle présidente. Et la bataille pour la direction du Parti radical s'est révélée beaucoup moins consensuelle que certains ne l'auraient espéré.
Plutôt habitué à des désignations internes sans tapage, le Parti radical valoisien a vu s'affronter (parfois durement) les deux candidats en lice: le maire de Nancy, Laurent Hénart, pilier du parti, et l'ancienne ministre sarkozyste Rama Yade. Le premier compare son adversaire à "un terroriste" et à "une enfant gâtée". La seconde renvoie son rival à sa faible notoriété tout en l'accusant (à demi-mots) de tripatouiller les fichiers du parti.
Les quelque 13.000 adhérents du Parti radical valoisien ont jusqu'à ce dimanche 22 juin pour les départager via un scrutin électronique qui pourrait une nouvelle fois souffrir des contestations. Et pour cause. La semaine dernière, Le Canard Enchaîné a mis le feu aux poudres en relevant des chiffres d'adhésion étonnants aux alentours du mois de mai.
Alors que certains redoutent un remake du psychodrame version UMP, le président de la commission de contrôle de l'élection au Parti radical, Xavier de Roux, assure que tout a été contrôlé en tenant compte des réclamations des candidats.
Hénart favori auprès des cadres, quid des adhérents?
Président par intérim du Parti radical, Laurent Hénart assure que toute la transparence a été faite sur les fichiers électoraux et que Rama Yade cherche avant tout à dynamiter une élection perdue d'avance. Car s'il est moins connu que sa rivale, propulsée devant les projecteurs lors de sa participation au gouvernement, le nouveau maire de Nancy dispose de solides appuis en internes.
"Je suis depuis 25 ans dans la maison. Quand il a fallu quitter l'UMP, c'est moi qui ait fait le taf", résume d'un ton détendu ce quadragénaire aux yeux bleus et à la mèche poivre et sel. Dès l'annonce du départ de Borloo, cet ancien secrétaire d'Etat de Jean-Pierre Raffarin (en charge de l'insertion professionnelle) a fait patiemment le tour des fédérations. A l'en croire, il disposerait du soutien des deux tiers des présidents de fédés. Dans les Hauts de Seine, où Rama Yade s'est implantée, "je serai majoritaire, prédit-il un sourire aux lèvres. Ce sont eux qui la connaissent le mieux".
Pas assez consensuelle Rama Yade? C'est justement ce qui pourrait séduire les adhérents d'un Parti radical menacé de dilution par une UDI encore en gestation. "Le Parti Radical a aujourd'hui perdu quasiment toute visibilité, il est l'oublié de la politique française. Qui mieux que Rama Yade pourrait permettre à notre parti de retrouver une voix qui porte et que l'on puisse entendre, une image jeune et positive?", plaident ses partisans.
Privée d'un mandat national ou exécutif, adhérente de fraîche date du PR, Rama Yade se dit prête à mettre sa notoriété au service de sa formation politique. "Une présidente à audience nationale, c'est un Parti radical fort, qui renforcera parallèlement l'UDI", écrit-elle dans son annonce de candidature. Les militants radicaux "en ont assez de devoir expliquer aux gens ce qu’est le Parti radical alors que c’est le plus vieux parti de France", déclarait-elle encore récemment.
Qui est la marionnette de Sarkozy?
Sur le fond pourtant, pas de désaccord profond. Et chacun revendique à demi-mots le soutien ou l'approbation de Jean-Louis Borloo, qui s'est pourtant bien gardé de prendre parti. Hénart s'inscrit dans les pas de l'ancien ministre. Yade assure que c'est Borloo qui lui a suggéré de prendre le parti lorsqu'il envisageait de se présenter à la présidentielle de 2012.
Du coup, c'est sur la stratégie à tenir vis-à-vis des alliés du Parti radical, et notamment l'UMP, que les deux impétrants tentent de marquer leur différence. Pour Rama Yade, un centre fort et incarné est la seule manière de proposer une alternative à la montée de l'extrême droite. Celle-ci se montre également très critique à l'égard du Modem, fraîchement allié à l'UDI et dont les alliances locales avec la gauche désorientent certains adhérents de centre-droit. Or, affirme-t-elle au JDD, " mon concurrent a été un des artisans de cette alliance, qu'il continue de défendre".
Partisan farouche d'une candidature centriste à la présidentielle de 2017, Laurent Hénart a néanmoins trouvé la parade en accusant sa rivale d'être "sous l'influence de Nicolas Sarkozy". "Je n'ai pas besoin de la présenter comme sa marionnette, elle s'en charge toute seule", assure le maire de Nancy alors que des rumeurs -"diffamantes" assure-t-elle- suggèrent que Rama Yade aurait demandé à Nicolas Sarkozy une place de sénateur pour l'élection de septembre prochain.
"Au congrès de 2012, j'ai été la seule à m'opposer au ralliement à la candidature de Nicolas Sarkozy, ce qui m'a valu d'avoir un candidat UMP en face de moi aux législatives. Mon indépendance, je l'ai chèrement payée", s'est-elle récemment défendue sur le plateau de Mots Croisés.
Et dire que cette élection n'est qu'un avant-goût de celle qui se profile en octobre pour la présidence de l'UDI...