MUSIQUE - C'est parti pour trois jours de gros son. Le Hellfest ouvre ses portes ce vendredi 20 juin à Clisson, petite commune du vignoble nantais qui se transforme chaque année depuis 2006 en temple français (et européen) des musiques metal, hard rock et hardcore.
Aujourd'hui, plus besoin d'être un initié pour avoir au moins entendu parler du Hellfest, qui a gagné ses lettres de noblesse en se hissant parmi les plus grands festivals de musique français. Campagnes d'affichage dans le métro et les gares, tournages de films, articles dans les grands médias et même débats à l'Assemblée nationale, le festival a su surfer sur les buzz (et les polémiques) pour devenir incontournable. Voici cinq raisons pour lesquelles on en parle.
Depuis ses prémisses en 2002 (il s'appelait alors le Furyfest et attirait à peine 400 personnes), le Hellfest a connu un succès et une croissance aussi spectaculaires qu'inattendus. En 2012, il a même fait son apparition dans le trio de tête des plus grands festivals de musique de France (derrière les Vieilles Charrues et Solidays) avec 112.000 visiteurs accueillis sur trois jours, ce qui en fait une référence absolue dans son genre.
A l'échelle européenne, le Hellfest se rapproche du modèle qu'est le Wacken Open Air en Allemagne. Il attire jusqu'à 70 nationalités différentes, bien au-delà des frontières de l'Europe. Inutile d'ajouter que le Hellfest n'a aucun équivalent en France. Seul le festival itinérant Sonisphere aurait pu lui faire de l'ombre mais il a été annulé cette année. Les autres festivals français consacrés aux musiques "extrêmes" (metal, hardcore, hard rock, etc.) sont beaucoup plus confidentiels... et vous n'y verrez jamais Iron Maiden.
La programmation est évidemment l'un des gros points forts du Hellfest, qui propose un savant mélange d'énormes têtes d'affiche et de groupes plus pointus, et ce dans une vaste diversité de genres. Pour cette édition 2014, on retrouve des noms aussi ronflants qu'Iron Maiden, Aerosmith, Deep Purple, Black Sabbath et Slayer. Les années précédentes, les festivaliers ont aussi eu droit à d'anciennes gloires comme Kiss, Iggy Pop, Ozzy Osbourne, Guns N' Roses, Alice Cooper, les ZZ Top ou encore Lynyrd Skynyrd.
Que l'on soit un amateur de death metal, de stoner ou de rock progressif, personne n'est oublié avec pas moins de six scènes qui accueillent des groupes capables de remplir des salles de plusieurs milliers de personnes aussi bien que des formations obscures habituées à jouer dans des bars. Autrement dit, le Hellfest s'adresse théoriquement à quasiment tous les amateurs de rock "dur", du quinquagénaire (voire sexagénaire) nostalgique à l'adolescent en pleine découverte.
Il y a la musique bien sûr, mais il y a aussi l'univers qui entoure le Hellfest. A l'instar du Wacken Open Air encore une fois, les organisateurs ont fait du Hellfest ce qui s'apparente de plus en plus à un grand parc à thème. Cette année, les festivaliers qui voudront se reposer les oreilles pourront aussi bien déguster des produits locaux (vin, bière, confiture) que se promener dans un quartier inspiré de Camden à Londres. Ils pourront aussi monter sur une grande roue, se faire un barbecue, partir à la recherche de ce disque qui manquait à leur collection ou encore assister à un match de la Coupe du monde sur écran géant.
Comme le note SudOuest, un grand soin est aussi apporté aux décors sur place, avec des "sculptures en métal (le matériau cette fois-ci) rouillé" des "torches allumées à la nuit tombée" et la reproduction d'une "immense cathédrale pour matérialiser l'entrée du site". Evidemment, le spectacle est aussi sur scène, avec des concerts où se mêlent entrées grandiloquentes et effets pyrotechniques.
Ayant démarré avec des petits moyens, le Hellfest a basé une partie de son succès sur le bouche-à-oreille, notamment grâce à l'ambiance festive et bon enfant qui y règne. Le festival brasse ainsi une population diverse et il n'est pas rare d'y croiser des parents accompagnés de leurs enfants en bas âge mais aussi des personnages plus ou moins improbables, à l'image de la Denrée ("La Soupe aux choux").
Comme dans une sorte de grand carnaval, de très nombreux festivaliers sont en effet déguisés avec des accoutrements souvent second degré à mille lieues de l'imagerie qui leur est associée. D'autres se livrent à des "combats de boue" (quand il pleut), organisent de fausses manifestations dont le mot d'ordre est "libérez l'apéro" ou encore portent des t-shirts proclamant "j'ai croisé Christine Boutin sous la Rock Hard Tent" (l'ancien nom d'un des chapiteaux sous lequel jouaient les groupes les plus extrêmes).
Si cela s'est calmé lors des dernières éditions, le Hellfest a longtemps fait l'objet de polémiques, venant à la fois de groupes chrétiens conservateurs comme Civitas (qui annonçait des "profanations" antichrétiennes si le festival était maintenu) et de personnalités politiques comme Philippe de Villiers et Christine Boutin. En 2010, cette dernière avait écrit une lettre à Kronenbourg pour demander à la marque de cesser de sponsoriser le festival, qui promouvait selon elle "la culture de mort".
"Quand on parle de diversité culturelle et qu’on parle d’égorger des nonnes et des chrétiens, ça ne me va pas. L’incitation à la haine, ça ne me convient pas" avait aussi lancé sur Europe 1 celle qui présidait le Parti chrétien démocrate. Si d'autres polémiques ont forcé les organisateurs à réagir (notamment en 2011 avec la déprogrammation de deux groupes à l'idéologie jugée douteuse), ces accusations de satanisme ont au contraire permis au Hellfest de se faire connaître, jusqu'à arriver sur les bancs de l'Assemblée où le député PS Patrick Roy (décédé en 2011) l'avait défendu.