Si vous vous trouviez en Chine, vous ne pourriez pas lire cet article. LeMonde.fr est en effet bloqué par la censure chinoise, et sans outils techniques spécifiques, impossible d'y accéder.
C'est ce type de blocage que Lantern veut rendre obsolète. Ce petit logiciel, lancé sur un ordinateur situé dans un pays qui ne s'adonne pas à la censure, sert de relais aux internautes censurés pour accéder aux sites bloqués dans leurs pays.
Il existe déjà des solutions pour contourner la censure mais « elles ont toutes eu beaucoup de difficultés à rester constamment disponibles et non bloquées », explique au Monde le créateur de Lantern, Adam Fisk.
Cet Américain travaille sur ce projet depuis l'été 2010. Il en a eu l'idée alors qu'il travaillait comme développeur pour LimeWire, une entreprise qui commercialise un logiciel permettant le téléchargement en pair à pair, c'est-à-dire en utilisant un réseau reliant les utilisateurs entre eux, sans point central :
« J'ai pris conscience que l'achitecture du logiciel sur laquelle on travaillait pouvait être une solution à la censure, qui commençait alors à devenir un vrai problème. »
Une architecture décentralisée
Lantern a hérité de cette architecture décentralisée, qui complique passablement le travail des censeurs. Il n'y a pas de serveur central coordonnant l'ensemble du réseau, seulement de multiples relais qui se coordonnent les uns avec les autres sur le modèle du pair-à-pair. Les censeurs peuvent donc bloquer individuellement l'accès à un relais Lantern (dans ce cas, l'internaute censuré n'a qu'à changer de relais), mais il ne leur est pas possible de repérer tous les relais et de les bloquer d'un seul coup.
C'est d'autant plus difficile que Lantern utilise une astuce : le logiciel déguise une connexion vers un site interdit en connexion vers un site autorisé, rendant la détection du contournement de la censure encore plus délicate.
De fait, Lantern échappe assez bien aux tentatives de blocage. En décembre 2013, la Chine a réussi à reconnaître des points communs dans toutes les connexions à Lantern issues de son territoire et à bloquer le logiciel. Une faille qui a été rapidement corrigée, et, aujourd'hui, la Chine fait partie des pays où Lantern est le plus populaire – avec l'Iran – même si de l'aveu de son fondateur, « ils continuent et vont continuer à essayer de nous trouver des faiblesses pour nous bloquer ».
L'accès, pas l'anonymat
L'architecture robuste et décentralisée distingue Lantern d'autres solutions qui existent déjà pour accéder à des sites bloqués, comme les VPN. En revanche, cette structure rapproche Lantern du fameux logiciel TOR. Mais les deux n'ont pas exactement les mêmes fonctionnalités ni les mêmes buts, explique M. Fisk :
« Lantern se concentre sur l'accès, tandis que TOR est axé sur l'anonymat. Si vous avez besoin d'être anonyme, pour quelque raison que ce soit, il vaut mieux utiliser TOR. Mais en ne s'occupant pas de l'anonymat, Lantern peut mettre davantage d'énergie à rester non bloqué dans le monde entier, ce qui est en soi un défi important. »
Lantern s'appuie en outre sur un « réseau de confiance » : pour utiliser Lantern, l'internaute se situant dans un pays censuré doit demander à un internaute membre du réseau de lui servir de relais. Le logiciel ne met pas automatiquement en relation les deux utilisateurs. Lorsque ce relais n'a pas accès au site désiré, l'internaute censuré est redirigé vers d'autres membres du réseau, selon le principe du pair-à-pair.
C'est pour cela que M. Fisk recommande à tous d'installer Lantern et de le lancer. Même si on ne connaît personne dans les pays où s'exerce la censure, la résistance et l'invisibilité du réseau s'en trouvent renforcées. A ce jour, 25 000 utilisateurs ont installé Lantern.
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