REMANIEMENT - Il aura fallu moins d'une semaine pour que les écolos renouent avec leurs vieux démons. Eux qui se déchiraient jadis pour déterminer s'il fallait rester ou non au gouvernement, les voilà qui se déchirent pour déterminer si oui ou non il faut y rentrer.
La dernière dispute en date dans le long feuilleton des divorces stratégiques qui rythment la vie d'EELV oppose cette fois-ci la direction du parti à son groupe parlementaire à l'Assemblée nationale. La majorité des députés écologistes n'ont en effet pas digéré le refus catégorique d'Emmanuelle Cosse et de Cécile Duflot de négocier (au prix fort) la présence des Verts au sein de la nouvelle équipe Valls.
"L'oukase" de Duflot hérisse les députés
"Nos ministres ont décidé de manière un peu personnelle" de "poser un oukase sur Manuel Valls", a regretté ce matin sur France2 Barbara Pompili, coprésidente des députés.
Certes, le choix de Manuel Valls comme premier ministre a quelque peu douché leur enthousiasme. Mais sortis renforcés du scrutin municipal, qui a vu la ville de Grenoble basculer dans leur escarcelle, les écologistes s'estimaient en position de force pour obtenir des garanties sur la future loi de transition énergétique, voire un ministre de plus dans le prochain de gouvernement.
Manuel Valls "nous proposait une réforme fiscale, une réforme sur les collectivités territoriales et sur la proportionnelle", il assurait d'un non-changement politique sur les gaz de schiste "et surtout il nous proposait de nous donner les clefs de la transition énergétique, ce que nous demandons depuis toujours" avec un ministère écologie-énergie, se désole Barbara Pompili, convaincue que "parmi deux choix mauvais, on a fait le pire"
Pour François de Rugy, l'autre coprésident du groupe EELV au Palais-Bourbon, c'est la stratégie partisane qui l'a emporté sur l'intérêt supérieur de l'écologie.
"Nous avons eu une discussion que nous n'avions jamais eue depuis deux ans. Nous avions souhaité avoir cette discussion, nous l'avons eue, nous avons vu qu'elle pouvait être intéressante et fructueuse. C'est une occasion manquée", se désolait-il ce matin sur France Inter.
"Je regrette que la direction du parti, dix personnes, aient pu voter contre l'avis des deux groupes parlementaires" car "au sein du groupe écologiste à l'Assemblée nationale comme au Sénat, il y avait une majorité très large pour participer au gouvernement", a-t-il encore déclaré un peu plus tard sur RFI.
Même sentiment chez le député de Paris, Denis Baupin.
EELV promet un soutien "vigilant"
Une fronde que le parti écolo n'entend pas minimiser, conscient que sa décision n'a rien d'évident. "En effet, une partie du mouvement pense que même dans des conditions très difficiles il fallait quand même y aller pour poursuivre nos objectifs", a reconnu Emmanuelle Cosse ce matin sur Itélé.
Mais à la direction d'EELV, on estime malgré tout que les garanties exigées ne sont pas au rendez-vous. "Moi je n'ai pas de discussions à avoir sur les personnes", a plaidé Emmanuelle Cosse, écartant tout délit de faciès à l'égard du nouveau premier ministre. "Au-delà de ce que Manuel Valls a pu nous proposer, il y a une inquiétude très forte sur la volonté de François Hollande de faire bouger sa ligne après le signal envoyé par les Français dimanche dernier", expliquait-elle ce matin dans Le Monde.
Un conseil fédéral est programmé ce week-end pour valider cette ligne intransigeante, manière pour la direction d'EELV d'opposer la discipline interne du parti à la fronde des parlementaires.
En attendant, les écologistes n'ont toujours pas décidé s'ils voteront la confiance au gouvernement de Manuel Valls tout en refusant d'y participer. Un grand écart qu'il faut désormais expliquer à une opinion publique bien souvent désarçonnée par les débats internes des anciens Verts.
"Les écologistes ont été décriés sur les questions de postes. Maintenant, nous ferons notre boulot de parlementaires. Nous ferons valoir nos idées dans le dialogue avec le gouvernement de Manuel Valls", promet sur BFMTV le sénateur Jean-Vincent Placé, pourtant très déçu de ne pas pouvoir rejoindre le gouvernement.
Daniel Cohn-Bendit regrette "une faute politique"
Le psychodrame risque néanmoins de laisser des traces. Accusée d'avoir fait cavalier seul sur la stratégie politique à suivre, Cécile Duflot est soupçonnée d'avoirpesé de tout son poids pour convaincre les siens de ne pas rempiler au côté de Manuel Valls.
"Cécile Duflot a une très grande responsabilité. Elle a le droit de ne pas vouloir être dans un gouvernement Manuel Valls. Mais elle l’a fait sans discuter avec le mouvement. Et après, elle a mobilisé pendant quatre ou cinq heures la base par des textos contre les élus de Paris", a attaqué le fondateur d'EELV Daniel Cohn-Bendit dans son billet d'humeur sur Europe1.
Cohn-Bendit dénoncé la "faute politique" d'EELVpar Europe1fr
Une "faute politique" également décriée au Parti socialiste, où l'on soupçonne, parfois à voix haute, l'ex-numéro un des Verts de préparer déjà sa candidature à l'élection présidentielle de 2017.
"Cécile Duflot a choisi une stratégie politique personnelle, de candidature alternative. C'est dommage parce qu'il y avait là la possibilité d'être à la responsabilité de l'écologie et de la transition énergétique de notre pays", a regretté le porte-parole du PS David Assouline sur iTELE.
Le député EELV François de Rugy va encore plus loin: "Ceux qui ont pris la responsabilité de diviser les écologistes en passant outre l'avis des deux groupes ont une responsabilité assez lourde quant à l'avenir du mouvement écologiste en France qui malheureusement, alors qu'il est sorti renforcé des municipales, sort brutalement affaibli de cette séquence".