ÉCONOMIE - C'était jour de gala jeudi à Bercy. Arnaud Montebourg avait invité tout le gotha pour présenter son plan censé offrir une nouvelle dynamique au tissu industriel. Amateur du verbe haut et de la formule, comme à son habitude, le ministre de l'Economie a mis beaucoup de couleur à son discours.
Pêle-mêle, il a annoncé sa volonté de relancer l'investissement dans les infrastructures, en citant les ports, la fibre optique, le tourisme et la construction de barrages. "L'esprit de Franklin Roosevelt souffle dans les couloirs de ce ministère", a-t-il malicieusement glissé, avant de citer d'autres grands réformateurs comme Colbert, Saint-Simon ou Pierre Mendès-France.
Plus que les autres, l'exemple de l'ancien président américain est revenu plusieurs fois dans le texte. "Comme disait Roosevelt, si ça ne marche pas essayez autre chose", s'est enflammé le ministre devant quelques personnalités triées sur le volet.
Cette figure du XXe siècle revient régulièrement quand les gouvernements adoptent une politique dite "keynesienne", ou "de la demande". Le "New Deal" ("Nouvelle donne" en français) est le nom donné par Franklin Roosevelt à sa politique interventionniste mise en place pour lutter contre les effets de la Grande Dépression aux États-Unis. Ce programme s'est déroulé entre 1933 et 1938, avec pour objectif de soutenir les couches les plus pauvres de la population et redynamiser une économie américaine meurtrie depuis le krach de 1929 par le chômage et les faillites en chaîne.
Pour Arnaud Montebourg, les exemples du passé peuvent apporter des réponses aux maux d'aujourd'hui. Comme Roosevelt, il explique se battre contre une crise dont les origines sont financières. "Voilà six ans que nous nous battons depuis le krach de la banque américaine Lehman Brothers", a-t-il dit, comme pour fixer le point de départ de la turbulence économique traversée aujourd'hui. Et à l'instar du "New Deal" américain, le ministre de l'Economie compte développer une stratégie de grands travaux.
Des barrages pour relancer l'industrie française ?
"Les investissements dans les infrastructures génèrent les emplois d'aujourd'hui et les biens communs de demain", a martelé celui qui dirige Bercy depuis maintenant 100 jours avec Michel Sapin. "Je vous propose que nous reprenions la réalisation d'infrastructures qui nous seraient profitables comme la construction de barrages sur nos fleuves", a-t-il expliqué.
"Ces barrages nouveaux peuvent devenir le moyen de réaliser les objectifs ambitieux de montée de la production d'électricité d'origine renouvelable", a-t-il ajouté. "La France connaît un déficit d'investissement", alors qu'elle dispose pourtant "d'une épargne record et massive de 3600 milliards d'euros", a rappelé le ministre. Par ailleurs, "pour remonter l'activité de nos ports, l'investissement dans l'amélioration des dessertes ferroviaires du port de Marseille et du Havre doit être accéléré", a-t-il aussi souhaité.
Les premiers des programmes de grands travaux de Roosevelt virent le jour en 1933, soit quatre après le début de la Grande dépression. Le plus célèbre, la Tennessee Valley Authority (TVA), s'employa à la construction de barrages en vue d’aménager le territoire de la vallée du Tennessee, à limiter les inondations, à augmenter la production hydroélectrique tout en fournissant des emplois aux chômeurs. Il visait également à rendre plus attractive cette zone des États-Unis en pleine déprise. Suffisant pour la France?
Non, le New Deal n'a pas sauvé les Etats-Unis
La posture du ministre relève plus de l'effet de communication que du lancement d'un New Deal à la française. Au-delà de sa volonté, Arnaud Montebourg a présenté sa "loi sur la croissance et le pouvoir d'achat" comme un "one man show" depuis Bercy. Lancer des grands travaux autour des barrages relève plus du symbole historique. Sans compter que rediriger l'épargne populaire vers ces tâches reste seulement une ébauche pour le moment.
Son attachement au keynésianisme ne date toutefois pas d'hier. Chantre de la démondialisation, il déclarait dès l'été 2012 avoir son programme. "Je reconstruis brique à brique la maison industrie. Roosevelt l'a fait aux États-Unis. La Fin du laisser-faire de Keynes, c'est mon livre de chevet." Mais la réussite tant chantée de l'ancien président a aussi ses limites.
Le New Deal a permis aux Etats-Unis de s'offrir une issue heureuse grâce à la Seconde guerre mondiale. Jusqu'en 1937 le pays a affronté une grave récession qui a failli balayer Roosevelt de la Maison-Blanche. Dans les premiers mois de 1939, les Etats-Unis comptent même 10 millions de chômeurs et l'administration paraît impuissante à extirper les racines de la crise.
Ce n'est qu'en renonçant à la neutralité et à l'isolement dans lesquels il s'est évertué à maintenir le pays, que le pays a retrouvé le salut économique. A partir du début de la guerre, il obtient du Congrès d'importants crédits militaires: soit les clés pour le réarmement qui vient au secours de l'économie américaine.