Publicité

La neutralité du Net sur la sellette

La justice a rendu un verdict favorable à Verizon face au régulateur. Les opérateurs pourront faire payer Google ou Netflix pour leur assurer du débit.

0203246477408_web.jpg

Par Romain Gueugneau, Solveig Godeluck

Publié le 15 janv. 2014 à 19:47

Catastrophe : il n’y a plus de règle du jeu dans l’Internet aux Etats-Unis. Le cadre réglementaire posé par la FCC en 2010, qui garantissait une certaine neutralité du Net, vient de voler en éclats. Les opérateurs télécoms qui critiquaient ce cadre se sentent pousser des ailes, tandis que les fournisseurs de contenus craignent que cela leur coûte cher.

La FCC, le gendarme des télécoms, n’est tout simplement pas compétent pour réguler les fournisseurs d’accès à Internet, a jugé la cour d’appel de Washington. Elle ne s’est pas prononcée sur le fond, c’est-à-dire la demande de Verizon de pouvoir servir en priorité certains contenus ou applications, en se faisant rémunérer par leurs producteurs - ce que les règles de la FCC, précisément, interdisaient.

Certes, la FCC va probablement tenter de reformuler ce cadre, peut-être même faudra-t-il amender le Telecom Act de 1934, mais cela prendra du temps. Or le marché américain est beaucoup plus sensible aux discriminations dans la gestion du trafic, car les fournisseurs d’accès y sont plus puissants qu'en Europe, avec une moindre concurrence, explique un juriste télécoms français : « Des câblo-opérateurs comme Comcast sont très intégrés et se permettent de prioriser certains types de contenus, ce qu’on n'imaginerait pas en France », souligne-t-il.

Verizon et consorts vont donc pouvoir faire payer les fournisseurs de contenus pour garantir un débit optimal à leurs clients. Cela peut changer le modèle économique de Netflix, Google ou Amazon. Les analystes de Wedbush Securities ont calculé que la hausse des coûts pour le géant de la vidéo Netflix s’élèverait à plusieurs centaines de millions de dollars sur une année - pour un chiffre d’affaires de 4,4 milliards de dollars en 2013. Ces dépenses pourraient être répercutées sur la facture des consommateurs. A Wall Street, le cours de Netflix chutait de 5 % hier en séance.

Publicité

La bataille de la neutralité du Net découle de l’explosion du trafic sur les réseaux, qui nécessite de lourds investissements. La consommation de vidéos est en grande partie responsable de cette envolée. Aux Etats-Unis, Youtube et Netflix représentent désormais un peu plus de la moitié du trafic en soirée, contre 30 % il y a trois ans. Les opérateurs estiment que les fournisseurs de contenus doivent partager la facture, au moins de façon symbolique.

Pour les défenseurs de la neutralité du Net, la décision de justice de mardi est un sérieux coup porté à l’innovation et à la liberté d’expression sur le Web. Elle est de nature à favoriser les géants comme Facebook, Amazon et Google, qui ont les moyens de s’offrir un débit dédié, et à reléguer au second rang les start-up, qui ne peuvent pas payer pour avoir la même visibilité. « C’est totalement contre-productif et cela témoigne d’une vision très court-termiste des opérateurs et des fournisseurs de services Internet. Car cela instaure un filtre dans lequel seuls des groupes de la taille de Google peuvent entrer », critique Jérémie Zimmermann, à la Quadrature du Net.

En Europe, le Parlement va pour la première fois débattre d’un projet de règlement sur la neutralité du Net, en mars. Son contenu reste néanmoins flou. D’une part, il interdit toute discrimination des contenus et des services de la part des fournisseurs d’accès Internet ; d’autre part, il leur reconnaît le droit d'appliquer des restrictions pour des motifs raisonnables. Au final, personne n’est réellement satisfait par les propositions. Sans attendre l’issue du vote, la Commissaire au Numérique Neelie Kroes n'hésite pas à faire un appel du pied aux entrepreneurs américains. « En regardant ce qui se passe aux Etats-Unis, je devrais peut-être inviter les start-up américaines à venir en Europe, pour qu’elles aient plus de chance de réussir », a-t-elle écrit hier sur Twitter.

Solveig Godeluck

MicrosoftTeams-image.png

Nouveau : découvrez nos offres Premium !

Vos responsabilités exigent une attention fine aux événements et rapports de force qui régissent notre monde. Vous avez besoin d’anticiper les grandes tendances pour reconnaitre, au bon moment, les opportunités à saisir et les risques à prévenir.C’est précisément la promesse de nos offres PREMIUM : vous fournir des analyses exclusives et des outils de veille sectorielle pour prendre des décisions éclairées, identifier les signaux faibles et appuyer vos partis pris. N'attendez plus, les décisions les plus déterminantes pour vos succès 2024 se prennent maintenant !
Je découvre les offres

Nos Vidéos

xx0urmq-O.jpg

SNCF : la concurrence peut-elle faire baisser les prix des billets de train ?

xqk50pr-O.jpg

Crise de l’immobilier, climat : la maison individuelle a-t-elle encore un avenir ?

x0xfrvz-O.jpg

Autoroutes : pourquoi le prix des péages augmente ? (et ce n’est pas près de s’arrêter)

Publicité