Alimentation

Europe : vers une interdiction totale du clonage animal

Alimentation

par Sophie Chapelle

Plus aucun risque de trouver des animaux clonés dans son assiette ? C’est ce que souhaite le Parlement européen. Le 8 septembre, les eurodéputés ont voté à une large majorité en faveur d’une proposition interdisant le clonage de tous les animaux de ferme [1]. Cette interdiction s’étend aux descendants des animaux clonés, aux produits qui en sont dérivés et aux importations sur le territoire européen. « Le Parlement a renforcé considérablement le texte proposé par la Commission européenne passant d’une mise à niveau d’un moratoire à une interdiction pure et simple, s’est réjouie l’eurodéputée écologiste Michèle Rivasi. Les parlementaires se sont assurés que cette interdiction vaudra non seulement pour la viande et le lait obtenus à partir de clones mais aussi de leurs descendants, là où réside la véritable menace ».

Depuis 1997, année de naissance de la brebis « Dolly », premier mammifère cloné à partir d’une cellule adulte, de nombreux citoyens européens se sont montrés préoccupés par les questions éthiques que soulève cette pratique. « Le clonage permet de reproduire ces animaux génétiquement manipulés (AGM) comme une photocopieuse en protégeant tout cela avec des brevets sur les techniques et sur les gènes, a également réagi José Bové après le vote. Nous nous sommes opposés aux plantes génétiquement modifiées et nous ne pouvons pas accepter le développement de ces technologies sur les animaux ». Le clonage ne sera cependant pas interdit à des fins de recherche, de conservation des espèces rares ou menacées, d’utilisation pour la production de produits pharmaceutiques et de dispositifs médicaux.

Du bien-être animal à la santé des consommateurs

Jusqu’à maintenant, la commercialisation de produits alimentaires issus d’animaux clonés dans l’Union européenne nécessitait une approbation préalable à la mise sur le marché. Celle-ci se basait sur une évaluation scientifique par l’Autorité européenne de sécurité des aliments. Mais selon la co-rapporteure allemande de la commission de l’environnement, Renate Sommer (Parti populaire européen), « la technique du clonage n’est pas totalement mature, et en fait, aucun progrès n’a été fait grâce à elle ». Et de poursuivre : « Le taux de mortalité reste toujours aussi élevé. Bon nombre des animaux qui sont nés vivants meurent dans les quelques premières semaines, et ils meurent douloureusement. Devrions-nous permettre cela ? »

« Nous devons tenir compte de l’impact sur la santé des animaux, mais aussi sur la santé humaine, a précisé la co-rapporteure italienne de la commission de l’agriculture Giulia Moi, du mouvement Cinq étoiles. Ce rapport envoie le message à nos partenaires commerciaux que nous ne sommes pas disposés à mettre notre propre santé, la santé de nos familles, et celle des générations futures en jeu en nous servant de produits de qualité douteuse de cette nature. ».

Importations interdites de clones

Les rapporteurs ont également tenu à mettre un terme à l’importation de matériel reproductif, de clones et de leurs descendants, en provenance de pays tiers. « Nos agriculteurs sont actuellement confrontés à une pression concurrentielle importante de l’Asie en particulier, en raison de certaines pratiques, dont le clonage, a souligné Giulia Moi. Mais l’Europe est fondée sur des valeurs et cela inclut la qualité. Nous voulons être sûrs que nous n’empruntons pas une voie à partir de laquelle il n’y a pas de retour. »

Le vote a porté également sur le passage d’une directive à un règlement, ce qui permettra d’appliquer directement et uniformément ce texte dans tous les États membres. « Derrière ce vote se cachent aussi d’autres enjeux, puisque des amendements ont été introduits pour interdire l’importation des animaux descendants de clones : la guérilla parlementaire contre le Traité Transatlantique se fait sur tous les fronts », pointe l’écologiste Michèle Rivasi. Car comme le montre notre dossier sur les accords de libre-échange, l’adoption du traité transatlantique entre l’Union européenne et les États-Unis (Tafta) pourrait se traduire par un abaissement des normes sanitaires.

Néanmoins, comme le rapporte le journal Le Monde, « ce texte, malgré le vote sans équivoque du Parlement, risque de se voir rapidement bloqué ». Il doit en effet être examiné en Conseil des ministres – où de nombreux États y sont opposés pour ne pas indisposer leurs partenaires commerciaux et éviter des représailles devant l’Organisation mondiale du commerce – puis revenir devant la Commission, très hostile à la version adoptée par les eurodéputés. Un dossier à suivre dans les prochaines semaines.

Notes

[1Le rapport législatif a été adopté par 529 voix contre 120, avec 57 abstentions.